Les bons plans pour retrouver du travail

Plus de 40% de chômeurs ont retrouvé un poste grâce à un renseignement donné par leur entourage, le plus souvent professionnel. Et bon nombre de ces demandeurs d’emploi ont vu leur salaire augmenter de 254 francs en moyenne. Ce sont quelques-uns des enseignements de la thèse d’Anna von Ow, de l’UNIL, qui a étudié le rôle des réseaux dans la recherche d’un nouveau job. 

A l’heure où le chômage est l’une des préoccupations principales des Suisses, voici une étude qui ne manquera pas d’intéresser des milliers d’Helvètes. Comment les chômeurs retrouvent-ils du travail, en combien de temps et quelle est l’évolution de leur salaire après une période sans emploi? Et surtout, quel est le rôle de leur réseau, soit leurs anciens collègues, leurs contacts professionnels, leur famille, leurs amis et autres connaissances pour retrouver un nouveau poste?

Ces questions ont fait l’objet de la thèse d’Anna von Ow, une sociologue d’origine zurichoise établie à Lausanne qui a obtenu son doctorat fin 2016 à la Faculté des sciences sociales et politiques de l’UNIL. «A ma connaissance, il s’agit de la première étude suisse sur le rôle des réseaux pour retrouver du travail lorsque l’on a perdu son emploi, explique la jeune chercheuse. Il en existe un certain nombre au niveau international qui s’intéressent spécifiquement aux chômeurs, mais la plupart détaillent le rôle du réseau pour les gens intégrés dans le milieu du travail.»

Entre février et avril 2012, Anna von Ow et son équipe ont pu étudier l’accès à l’emploi de plus de 3500 personnes inscrites dans les Offices régionaux de placement du canton de Vaud, prêtes à répondre à leurs questions. Près de 2000 participants ont accepté d’aller jusqu’au bout de l’enquête: certains ont rempli un deuxième questionnaire au moment de quitter le Service de l’emploi, d’autres alors qu’ils étaient chômeurs de longue durée, soit plus d’une année. «Nous les avons suivis durant une année et demie. Chaque mois, les gens qui avaient quitté le Service de l’emploi étaient contactés. La grande majorité nous a très bien accueillis. Nous étions plusieurs dans l’équipe pour les envois et l’entrée des données.» Résultats? Plus de 40% de chômeurs ont retrouvé un emploi grâce à un renseignement donné par leur entourage, qui était professionnel dans les trois-quarts des cas. La chercheuse a pu constater une différence d’efficacité entre le réseau professionnel et celui des proches (amis, famille) appelé «lien communal». Il a fallu 25 semaines pour décrocher un nouveau job dans le cas d’un lien professionnel et 8 supplémentaires dans le cas d’un lien communal. De plus, les chômeurs qui ont bénéficié d’un tuyau de leur réseau professionnel ont vu leur salaire augmenter de 254 francs en moyenne.

En plus de livrer cette statistique surprenante, les 330 pages de la thèse d’Anna von Ow sont également une mine d’informations pour toutes les personnes qui sont à la recherche d’un emploi. Conseils et détails en 7 points.

1 Actionner ses réseaux

Faire appel à son réseau de connaissances pour retrouver du travail lorsque l’on a perdu son emploi, cela semble tomber sous le sens. Et pourtant, certains chômeurs ne le font pas, selon les conseillers en placement avec lesquels Anna von Ow et son équipe ont pu s’entretenir. Ils ont honte de leur situation et n’informent pas leur entourage. De fait, il s’agit d’accepter la situation pour pouvoir en parler autour de soi.

«Cela dépend des personnalités, mais également du monde professionnel auquel appartiennent les personnes», détaille Anna von Ow. Une période de chômage n’a en effet pas la même signification pour une personne qui exerce une profession soumise à des fluctuations saisonnières (construction, tourisme ou agriculture), que pour un collaborateur dont tout l’entourage est au bénéfice d’un emploi stable.

«C’est également une question de générations. Les personnes plus âgées se sentent moins à l’aise avec l’idée de solliciter leur réseau. Pour elles, se faire “pistonner” peut avoir une connotation négative.»

L’attitude la plus efficace? «Il faut activer son réseau, parler tout de suite de sa situation à son entourage et signaler que l’on est à la recherche d’un emploi. Il s’agit également de faire l’analyse de son réseau et de celle du réseau de son réseau pour savoir sur quels types de relations il est plus utile de se concentrer.» Chercher des gens qui pourraient avoir des informations sur les entreprises qui nous intéressent est également une bonne piste. En résumé, trouver du travail par des liens professionnels prend moins de temps pour l’ensemble des chercheurs d’emploi et semble les préserver de pertes de salaires importantes.

2 Deux types de réseaux: lequel choisir?

La chercheuse fait une différence entre les liens professionnels qui se composent d’anciens collègues, de contacts de travail ou de proches travaillant dans le même secteur d’activité, et les liens communaux, composés de relations familiales ou amicales qui ne font pas partie du même milieu professionnel que le chômeur. «Il s’agissait de voir quelles sont les ressources sociales disponibles, mobilisées et utiles pour retrouver un emploi.»

Un constat: les chômeurs sans formation post-obligatoire feront davantage appel à leur réseau familial ou amical, alors que les chômeurs ayant bénéficié d’une formation secondaire ou tertiaire mettront davantage leur réseau professionnel à contribution pour retrouver un emploi. «Cette différence dans le type de relations mobilisées a une influence directe sur les chances de réinsertion, estime Anna von Ow. L’étude confirme la plus grande efficacité des liens professionnels pour accéder à l’emploi. Ceux qui ont fait appel à ces derniers pour retrouver un emploi ont des durées de chômage réduites et des postes mieux payés.»

3 A quoi servent les réseaux?

Au fait, activer son réseau, à quoi cela sert-il concrètement? Tout d’abord à savoir qu’un employeur est à la recherche d’un collaborateur. «Il faut savoir que tous les postes ne sont pas annoncés officiellement, qu’une personne à la recherche d’un emploi ne peut pas regarder partout et n’a pas accès à tous les canaux, rappelle Anna von Ow. De plus, certains employeurs incluent leurs employés dans la recherche d’un nouveau collaborateur. C’est une manière de gagner du temps et donc de l’argent, lors des présélections.»

Autre avantage potentiel consistant à recruter parmi le réseau d’un collaborateur en place: le nouveau collaborateur sera plus facilement intégré s’il connaît une personne de l’équipe en place. Il sera plus loyal et quittera moins rapidement son poste. Pour certains employeurs, le fait qu’un futur collaborateur fasse partie du réseau d’un employé équivaut à une qualification et à des informations supplémentaires à propos de la personne. Autre gain lorsque le renseignement provient du réseau professionnel: les caractéristiques du poste vacant correspondent souvent bien à celles du chômeur, ce qui est plus rarement le cas lorsque l’information est donnée par un lien non professionnel.

4 Pas tous égaux devant le réseau

Plus un chômeur est au bénéfice d’une formation avancée, plus son réseau est efficace et plus ses chances de retrouver un emploi sont grandes, constate l’étude menée par Anna von Ow. Inversement: les personnes proches de la retraite, celles sans expérience professionnelle (en Suisse) ou faiblement qualifiées ont souvent un réseau moins efficace pour se réinsérer et bénéficient de moins de capacités pour les mobiliser. Car il faut également savoir sonner à la bonne porte.

«Les gens qui ont fait plus de formations sont souvent passés par différentes étapes de carrière et diverses entreprises. Ils y ont souvent noué des contacts qu’ils gardent tout au long de leur carrière.» Par contre, si une personne reste toujours dans la même entreprise, elle n’aura souvent que peu d’opportunités de se créer un large réseau.

Anna von Ow. Sociologue, docteure de l’UNIL. Nicole Chuard © UNIL

5 Avantages et désavantages de l’âge

Une fois n’est pas coutume, les 45 ans et plus ont une longueur d’avance sur les plus jeunes, question réseau. C’est une des conclusions surprenantes de la thèse d’Anna von Ow: «Si l’on pense à une trajectoire professionnelle, il faut penser qu’une personne accumule au fil des années un capital social en passant par différentes entreprises. Les plus jeunes, eux, n’ont pas encore eu le temps de créer leur propre réseau. Mais ils pourront peut-être profiter de celui de leurs parents, comme cela a été démontré par d’autres études.»

Par contre, si les liens professionnels aident les plus âgés – surtout les 45 à 54 ans, au faîte de leur carrière – à retrouver un emploi, répondre à une offre de travail publiée dans la presse ou passer par une agence sert davantage les jeunes. «Aux yeux des employeurs, un jeune collaborateur coûte souvent moins cher, et certains pensent qu’il peut se développer au sein de l’entreprise et apprendre plus rapidement», relève Anna von Ow.

Autre constat: les jeunes, en début de carrière, gagnent plus lorsqu’ils trouvent un emploi sans passer par un réseau, en répondant par exemple à une annonce sur Internet ou en envoyant une candidature spontanée.

A noter enfin que plus les jours passent, plus les chances de retrouver un travail s’amenuisent. «Etre chômeur de longue durée est un défaut aux yeux de l’employeur. Certaines études parlent d’un effet de stigmatisation.»

6 Quid des étrangers?

Si, par rapport aux Suisses, beaucoup de nationalités sont désavantagées dans l’accès à l’emploi, les ressortissants de certains pays semblent avoir des réseaux bien efficaces dans les domaines d’activité où ils sont fortement représentés. «Par exemple, les Portugais sont bien “réseautés” dans le milieu du bâtiment en Suisse, note Anna von Ow. Et les employeurs utilisent leurs employés pour recruter.»

Si l’on observe que 60% environ de travailleurs suisses retrouvent un emploi sans l’aide de leur réseau, pour les Portugais, ce pourcentage tombe à près de 50%. Il existe également d’autres groupes professionnels – par exemple dans l’agriculture, la restauration, l’hôtellerie et le nettoyage – où près de la moitié des chômeurs ont trouvé un emploi grâce au réseau, «notamment parce que les moyens formels, par exemple les offres écrites, sont plus chers pour l’employeur et sont plus difficiles d’accès pour les travailleurs».

Concernant les personnes qui ont une formation supérieure, Anna von Ow a identifié deux groupes particulièrement efficaces pour retrouver un poste par le biais du réseau: les Européens du Nord et les Nord-Américains, soit les expatriés qui sont actifs dans les milieux professionnels internationaux.

7 Mode d’emploi

Proposer une formation sur le réseautage, voici le conseil que donnerait Anna von Ow à tous les services de l’emploi. «Construire et maintenir son réseau est un travail de longue haleine. Il s’agit également de se rendre compte de qui fait partie de son réseau ou du réseau de son réseau. Idéalement, il faudrait combiner de telles formations avec des mentorats pour les personnes qui n’ont pas de réseau professionnel, par exemple celles qui sont au début ou à la fin de leur trajectoire professionnelle ou encore celles qui viennent d’arriver sur le marché du travail suisse.»

Construire des liens professionnels est un investissement qui non seulement augmente les chances de retrouver un nouvel emploi, mais qui favorise également la progression salariale.

Finding a job through socialties. A survey study on unemployed job seekers. Soutenue le 13 décembre 2016, cette thèse s’inscrit dans le contexte d’un projet interdisciplinaire financé par le Pôle de recherche national LIVEs. Il traite du rôle des réseaux pour l’accès à l’emploi des chômeurs. Trois professeurs de l’Université de Lausanne ont participé à ce projet: Giuliano Bonoli, Rafael Lalive et Daniel Oesch, ainsi que deux post-doctorants, soit Patrick Arni et Pierre-Paolo Parrotta et plusieurs assistants étudiants. La collecte de données a été effectuée en collaboration avec le Service de l’emploi et les Offices régionaux de placement.

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