Des véhicules capables à la fois de sillonner les routes et de fendre les airs ont circulé au XXe siècle. Un ouvrage récent raconte leur envol puis leur chute, et présente les engins aériens qui comptent bousculer notre mobilité aujourd’hui.
Nous sommes dans la banlieue d’une petite ville américaine, en 1958. Un drôle de véhicule jaune et vert est parqué devant une coquette maison de brique rouge. Pendant que les enfants regardent Rintintin à la télévision, papa et maman installent en quelques minutes l’hélice, la queue et les ailes de leur Aerocar, transformant ainsi leur petite voiture en un avion.
Inventé par «Molt» Taylor, ce véhicule hybride a réellement existé. Il s’inscrit dans la longue lignée des voitures volantes, dont l’histoire est racontée par Patrick J. Gyger, licencié en Lettres de l’UNIL et directeur du Lieu Unique (important centre culturel de Nantes). L’aventure s’avère mélancolique, car ces rêves d’ingénieurs, censés révolutionner les déplacements, n’ont jamais conquis le monde. Leur échec n’est pas si étonnant. Malgré le talent de leurs concepteurs et leur allure assez chouette, ces engins devaient être légers et puissants comme des aéronefs, mais également confortables et sûrs comme des voitures.
Le rêve à la casse
Cette contradiction de base, des problèmes de coûts et de certifications, plusieurs accidents, la crise pétrolière et la conjoncture jouèrent le rôle de la DCA dans les années 70, envoyant la chimère au tapis pour de bon. «Les voitures volantes appartiennent au futur du passé», comme le résume Patrick J. Gyger à Allez savoir!, via Whatsapp.
Paradoxalement, le pendulaire coincé dans les bouchons sur l’A1 se réjouit de ce que la voiture volante n’ait jamais rempli les routes et les cieux. Comme le note Dino Buzzati dans sa nouvelle Fauve au volant (1966), «tant de personnes douces et soumises se transforment en goujats brutaux et grossiers dès qu’elles conduisent une auto». La situation est déjà bien assez désagréable au niveau du bitume. Il faudrait être de la trempe du fabuleux pilote de chasse Pierre Clostermann, au moins, pour se lancer dans des combats aériens (à coups de klaxon) lors de chaque trajet entre le logis et le travail.
Dans sa deuxième partie, Les nouvelles voitures volantes s’intéresse au XXIe siècle, en partant à la découverte des engins qui visent – comme par le passé – à transformer notre mobilité. Toutefois, le rêve s’annonce ici différemment. Il s’agit ici davantage d’avions légers qui évoquent parfois des drones, de motorisations électriques ou d’intelligence artificielle. L’idée séduisante du taxi volant autonome traverse par exemple de nombreuses pages. / DS
L’auteur est un magicien qui fait voir les morts, sa propre grand-mère d’abord. Il joue sur la connaissance qu’il a de cette vie dans sa globalité et la petite échelle des jours, où il nous donne accès aux pensées de cette femme, à ses va-et-vient et tracas qu’il repère sur de vieilles photographies, des papiers, des ruelles, des maisons. Melania est une survivante sans empathie envers les autres femmes, les vouant même à la malédiction. Dans un Tessin pauvre où la maladie et la mort frappent cruellement, elle tente par ses maigres moyens de contrôler sa vie. Une dernière page sublime clôt ce fulgurant récit. /NR
Peut-on imaginer une société sans argent? La question paraît naïve mais révèle notre difficulté à penser nos échanges «en-dehors» de la monnaie. Dans cet ouvrage issu de son travail de master, le doctorant à la Faculté des lettres Nino Fournier tente de se libérer du cadre conceptuel classique de la science économique. De Karl Marx au chartalisme en passant par Alfred Sohn-Rethel, il examine les théories de philosophes mais aussi d’anthropologues comme Marcel Mauss et montre que la légitimité de notre système d’échanges est loin d’être évidente. /LC
Professeure assistante au Département d’écologie et évolution, Cleo Bertelsmeier nous incite à réviser nos préjugés sur les fourmis, dont plus de 16000 espèces crapahutent sur terre. Même si elles sont très efficaces et implantées un peu partout, leurs sociétés ne sont pas harmonieuses, contrairement à ce que l’on pense. L’auteure nous apprend aussi que la majorité des ouvrières ne travaille pas! Cet ouvrage facile à lire et bien illustré, basé sur les recherches les plus récentes, est une mine d’informations (lire également Allez savoir! 70 d’octobre 2018). /DS
De Carrouge (Jorat) à Veyras (près de Sierre) et retour, le poète Gustave Roud et le peintre Gérard de Palézieux ont échangé une abondante correspondance. Entamé en 1951, ce lien tout d’abord «professionnel» se mue en amitié «pleine de distance respectueuse», comme l’exprime Stéphane Pétermann, responsable de recherche au Centre des littératures en Suisse romande, dans les premières pages de cet ouvrage élégant. Des photographies, des fac-similés et des œuvres du graveur sont présentés. /DS
La littérature pense, et elle est même capable de produire de la théorie. Dans cet essai, qui demande au lecteur d’être bien réveillé, Michael Roelli se penche sur l’onirologie… avant Freud. Une histoire fort peu connue. Après avoir exposé les idées et les disputes qui ont traversé le XIXe siècle, l’auteur s’intéresse au cas de deux écrivains qui se sont largement plongés dans le monde des rêves: Maurice Maeterlinck et Alfred Jarry. /DS
Le Nouveau Testament sous la loupe du présent
Simon Butticaz n’a pas choisi la facilité. Professeur à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’UNIL, ce spécialiste de l’œuvre de Luc et des lettres de Paul se penche ici, «sans tabous ni complaisance», sur les sujets qui fâchent et divisent les admirateurs comme les contempteurs de la Bible. Au programme de ce petit livre destiné à un large public, sept grandes questions traitées chapitre après chapitre en s’appuyant sur les écrits et les interprétations des spécialistes. L’auteur y interroge aussi bien les liens entre l’intolérance et le monothéisme que la «misogynie» de Paul, la caution longtemps apportée par l’Eglise à l’esclavage ou le traitement de l’homosexualité dans le Nouveau Testament. Chaque section se termine par une petite bibliographie qui regroupe les sources utilisées et permet au lecteur qui le souhaite d’ «aller plus loin».
«Lire n’est pas encore comprendre» nous prévient Simon Butticaz dans son introduction. De façon passionnante, il convoque ensuite aussi bien l’étymologie que les problèmes liés à la traduction pour étayer ses propos. S’agissant de «sauver Dieu de la tentation» ou si l’on préfère du besoin d’en finir avec un «Dieu tentateur», il rappelle que le mot grec peirasmos n’a pas la connotation morale et négative que le terme a acquis par la suite dans l’histoire de l’Église ou dans la culture ambiante. «La tentation, écrit-il, désigne en priorité, dans le Nouveau Testament, une «expérience», un «lieu-test» dans lequel on entre et où l’on s’expose. Avant d’être morale, la nature de la tentation est donc existentielle: elle affecte l’être – le fondement et les sécurités de l’individu.» Examinant ensuite le lifting récemment pratiqué sur la sixième demande du Notre Père, il constate que «d’un point de vue linguistique, seule la traduction «Ne nous fais pas entrer dans l’épreuve» se légitime».
À propos de la condamnation de l’homosexualité, l’auteur reconnaît qu’il s’agit d’un sujet complexe et que, si l’on se fie à certains textes et documents, affirmer que «l’anthropologie chrétienne serait hétérosexuée» n’est pas entièrement faux. Il souligne toutefois «qu’aucune commune mesure n’existe entre la perception paulinienne des rapports homosexuels et la nôtre, aujourd’hui». Et conclut en rappelant que les textes qui traitent de ce thème dans le Nouveau Testament sont rares: ils représentent seulement 0,05% de tout le corpus. /Mireille Descombes