À la Cathédrale de Lausanne, on met à disposition du public des petits billets et de quoi écrire. L’idée: permettre à tout un chacun de s’adresser aux puissances supérieures. Passionnée de spiritualité contemporaine, l’anthropologue Aurélie Netz s’est plongée dans cette foisonnante correspondance.
Après la quête de guérison, le contact à l’invisible et les cercles de femmes, Aurélie Netz poursuit son exploration des pratiques spirituelles d’aujourd’hui. Au cœur de son quatrième ouvrage, la Cathédrale de Lausanne. Hasard éditorial, cette parution coïncide avec le 750e anniversaire de la consécration de l’édifice. Elle décortique un matériau original: ces billets comportant des intentions de prière que les personnes de passage, qu’elles soient des fidèles, en pèlerinage ou simples amatrices d’art voire d’architecture, rédigent puis affichent au vu et au su de tout un chacun sur un grand panneau.
Leur existence n’avait bien sûr pas échappé à Aurélie Netz, qui s’était contentée d’y jeter un œil intrigué. «Lorsque l’on m’a proposé de travailler sur ce matériau, j’ai sauté de joie!» se rappelle-t-elle.
Durant neuf mois, elle récolte, analyse et trie quelque 3500 de ces écrits tombés du ciel. Des dessins, petits mots ou missives plus longues adressées à Dieu, à ses saints ou à la Vierge qui ont un point commun: «Leur anonymat, qui les rend très différents des interviews formant habituellement le socle de mes recherches», relève-t-elle.
Dieu en vacances?
L’anthropologue, diplômée de l’Unil, réalise un travail de fourmi, classant ces billets par thèmes – les plus pertinents d’entre eux constituent chacun un chapitre. Repérant les récurrences, elle donne petit à petit forme et sens à ce corpus. On découvre ainsi que les demandes les plus courantes émergent autour de la paix, de la santé et de l’amour, mais certaines visent aussi à entretenir ou instaurer un lien avec des êtres spirituels. Si l’on tend à s’adresser à eux tantôt avec une certaine déférence – «Seigneur, aide-moi à trouver ma place dans ce monde» –, il arrive que la formulation soit plus directe, tel ce «Dieu, quand est-ce que Vous rentrez de vacances?», qui l’a amusée.
Pour incarner son propos, la chercheuse a plongé dans le contexte en participant à des événements organisés à la «cathé», où elle s’est rendue souvent. Au fil de ses visites, des souvenirs remontent, soulevant des aspects plus historiques, auxquels viennent se mêler les voix de celles et ceux qui font vivre les lieux. On croise ainsi au fil des pages le guet Alexandre Schmid, la pasteure Line Dépraz, des membres de la communauté de Taizé dont la prière œcuménique annuelle se déroule dans l’édifice. Un ouvrage auquel les illustrations chaleureusement colorées de Tania Netz viennent apporter une touche onirique.
