
Pour répondre à la demande, mais également parce que c’est une contrainte légale, les cantons et les communes aménagent des réseaux cyclables. Plus simple à dire qu’à faire! Une nouvelle offre de formation répond justement aux besoins des professionnels intéressés par la mobilité.
Un vélo-cargo familial roule sur le chemin de l’école. Au guidon de deux-roues à assistance électrique, les pendulaires filent vers la gare. Une grappe de sportifs se lancent à l’assaut d’un col, le week-end. En Suisse, plus de 60% des ménages possèdent un vélo. Cela se voit. Et cela réjouit… ou fait râler.
La première édition de la formation continue Stratégies de promotion du vélo, un Certificate of Advanced Studies (CAS), débutera en janvier 2026. Elle est née au carrefour de plusieurs éléments. D’abord, «la loi fédérale sur les voies cyclables du 18 mars 2022 demande aux cantons et aux communes de planifier et réaliser des réseaux cyclables dans les prochaines années», rappelle Patrick Rérat, codirecteur de l’Observatoire universitaire du vélo et des mobilités actives (OUVEMA), à l’Unil. Ensuite, des professeures et professeurs de six facultés participent à cette structure (détails sous unil.ch/ouvema), produisant ainsi connaissances et compétences. Enfin, à l’OUVEMA, «nous sommes sollicités pour donner des conférences ou réaliser des expertises, ce qui démontre un besoin de formation en provenance du terrain», complète le professeur.
Approche intégrée
L’application de quelques litres de peinture jaune en traitillé au bord de la route ne suffira sans doute pas pour atteindre l’objectif demandé par la Confédération. «Afin que nos participantes et participants bénéficient d’une vue d’ensemble de la question, nous avons choisi une approche intégrée pour cette formation, construite en trois modules de quatre jours chacun. Cela mène du diagnostic jusqu’à la mise en œuvre», indique Dimitri Marincek, adjoint scientifique à l’OUVEMA. Ainsi, le cursus commence par «Pratiques et comportements», se poursuit avec «Infrastructures et aménagements» et se conclut avec «Politiques et mise en œuvre». Sciences sociales, urbanisme, ingénierie et psychologie figurent donc au menu.
Imaginez que vous soyez en charge de développer l’usage du vélo dans une petite ville romande. Au fil du cursus, vous allez glaner nombre d’informations pendant les cours, ajouter des volets pratiques lors des visites de terrain – l’occasion de vérifier si Berne est bien le paradis des cyclistes en Suisse – et les compléter avec un travail personnel. L’ensemble, rassemblé dans un portfolio, constituera une «stratégie vélo intégrée», boussole de votre activité professionnelle.
Lors du premier module, «vous pourriez préparer l’établissement d’un diagnostic dans votre localité. Grâce à l’observation, ainsi qu’à des entretiens menés avec des usagères et des usagers, vous allez répondre à de nombreuses questions», explique Patrick Rérat. Qui fait du vélo dans la ville choisie? Pour aller où? Y a-t-il des stationnements sûrs à la gare? Quels sont les obstacles sur le parcours? Qui ne fait pas de vélo, et pourquoi?

Urbanisme cyclable
Une fois que les usages sont mieux cernés, le deuxième module de Stratégies de promotion du vélo familiarise les personnes en formation aux principes de «l’urbanisme cyclable». Cela signifie la mise en place d’infrastructures attractives pour les cyclistes, «selon cinq critères listés par des ingénieurs néerlandais. Un itinéraire de qualité doit être sûr, direct, interconnecté avec d’autres moyens de transport, confortable – cela concerne par exemple le revêtement – et enfin agréable», détaille Patrick Rérat. Si toutes ces cases sont cochées, «il devient possible d’augmenter la part modale du vélo et de toucher un public plus large».
Le succès de la voiture repose notamment sur le fait que «le réseau routier est hiérarchisé. Il existe toutes sortes de routes adaptées aux différents besoins de mobilité. Si un tel niveau de service était proposé pour le vélo, avec les principes énoncés précédemment, son grand potentiel pourrait se réaliser en Suisse», renchérit Dimitri Marincek. Par exemple, grâce à des voies cyclables express séparées du trafic automobile et des piétons, entre les agglomérations, un peu sur le modèle des autoroutes.
Le deuxième module aborde également «l’intermodalité», l’un des éléments qui contribue au succès du cycle aux Pays-Bas. Comment passer de manière souple du deux-roues aux transports publics? «Le vélo fait partie d’un système, et il se pense toujours en lien avec les autres moyens de déplacement», ajoute Dimitri Marincek.
Faire bouger la population
Pourquoi la mobilité à vélo mérite-t-elle d’être encouragée, notamment grâce à cette nouvelle formation? Parce qu’elle répond aux problèmes de congestion dans les zones denses, à la réduction de la pollution de l’air ou des émissions de CO2. Elle s’attaque aussi «à la sédentarité. La population suisse ne bouge pas assez, et ce n’est pas nous qui le disons mais des spécialistes en santé publique, note Patrick Rérat. L’usage du vélo ne constitue pas la réponse unique à tous les problèmes, mais ce type de mobilité est relativement facile à mettre en place, si on le compare à la construction d’une ligne de tram.» Certes, Stratégies de promotion du vélo soutient ce mode de déplacement. Mais cela n’empêche pas d’aborder les questions qui fâchent dans le troisième module. «Nous avons parlé de bien des aspects positifs. Mais il existe des blocages», note Patrick Rérat. Certains automobilistes montent les tours à la simple vue d’un deux-roues. Alors, quand il s’agit d’enlever des places de parc pour aménager une piste cyclable…
Lors de la formation, des chercheuses et chercheurs en psychologie sociale et en science politique travailleront sur ces problèmes, que l’on rencontre souvent lors de la mise en œuvre de politiques publiques. Comment nouer des alliances pour les surmonter, par exemple avec les élus, les offices du tourisme ou les entreprises? Quels sont les leviers à actionner, au niveau individuel et collectif, pour affronter la résistance au changement?
Même si le cursus est centré sur le deux-roues «utilitaire», Stratégies de promotion du vélo aborde d’autres usages. Ainsi, une visite à l’Union cycliste internationale, à Aigle, permettra d’approcher son versant sportif, tout comme le cyclotourisme. Des rencontres avec le milieu associatif (Conférence vélo suisse et PRO VELO Suisse) figurent également au programme.
En douze jours denses, avec l’appui des recherches les plus récentes, la formation donne ainsi, pour la première fois, une vue d’ensemble de la pratique du vélo et des outils pour la faire évoluer.
