Il y a une certaine pudeur chez Emilie Simon. Une forme de modestie à se raconter qui révèle en coulisses une curiosité insatiable et un parcours hors norme. À 33 ans, la directrice adjointe chez Holdigaz, groupe veveysan spécialisée dans la distribution d’énergie et les techniques du bâtiment, semble en effet encore gênée des jalons parcourus depuis son apprentissage pour atteindre aujourd’hui les hautes sphères de l’organigramme d’entreprise après une thèse à l’UNIL.
Ce n’est pas qu’elle se bride ou censure sa parole. Emilie Simon n’a jamais anticipé sa trajectoire. Sa carrière s’est bâtie naturellement, au fil des choix et de la persévérance. Écrivons-le d’emblée, la maman de Charly et Lucie est à elle seule un exemple et le visage des passerelles entre le monde concret et celui des idées. Emilie Simon préfère le terme de pragmatisme. Un trait de caractère qui lui a permis de terminer son apprentissage d’employée de commerce en 2009 pour devenir docteure en Sciences de l’environnement de l’UNIL en 2022.
Cet ADN lui vient de ses racines terriennes: «Dans les valeurs de ma famille d’agriculteurs, il était important d’apprendre un métier avant d’étudier.» La jeune femme décroche donc une place d’apprentissage au sein même du groupe qui l’emploie aujourd’hui, Holdigaz. Un monde nouveau dans lequel elle s’initie et se fascine pour l’énergie: «J’ai tout de suite voulu en savoir plus.» Emilie Simon ne perd pas de temps. Après son apprentissage, elle entame un bachelor en économie d’entreprise à la HEIG-VD avec une spécialisation en Energy Management tout en travaillant à mi-temps.
Vient l’heure des choix. Après une pause salariée de deux ans, à plein temps, Emilie Simon est titillée par un master. Elle se lance à l’Université de Neuchâtel pour suivre notamment des cours d’Energy Economics. À l’issue de sa maîtrise, le professeur Stéphane Genoud de la HES-SO Valais lui propose un doctorat dans son labo: «Pour réussir cette transition énergétique, il faut trouver le meilleur moyen d’utiliser les énergies fossiles, notamment le gaz naturel, pendant cette période transitoire.» Holdigaz, convaincu par cette vision, n’a pas hésité à financer cette thèse et ainsi offrir cette incroyable opportunité à son ancienne apprentie.
Emilie Simon ne recherche pas «une thèse lobbyiste». Elle aspire à la crédibilité scientifique pour nourrir ses recherches. C’est là qu’elle tape à la porte de Dominique Bourg et de Sophie Swaton, tous deux professeurs à l’Institut de géographie et durabilité de l’UNIL. Ils défendent des positions différentes, mais Emilie Simon les convainc. S’ensuit «un beau voyage de cinq ans» durant lequel elle réalisera ses recherches et aura deux enfants. Aujourd’hui docteure et directrice adjointe, Emilie Simon porte un regard amusé sur son parcours patchwork, «mais qui fait sens. Je ne me suis jamais dit que je voulais atteindre cela dans ma vie. Ce fut à chaque fois une belle surprise et une suite logique.»
En première ligne du changement climatique, ses parents agriculteurs portent un regard fier, mais toujours pragmatique sur le parcours d’Emilie Simon. «C’est surtout grâce à eux que j’ai pu comprendre la complexité des questions liées à la transition énergétique. Ils sont préoccupés et doivent composer avec des sols qui changent et des précipitations qui se raréfient. Mon rôle est donc d’en apprendre davantage sur les changements en cours et de nouer le dialogue. Avec pragmatisme.» /