Ceux qui fréquentent le Cabinet cantonal des estampes au Musée Jenisch de Vevey connaissent bien le Lausannois Pierre Decker. Ou plus précisément sa magnifique collection de gravures anciennes. Léguée à sa mort en 1967 à la Faculté de médecine de l’Université de Lausanne, elle a rejoint le musée veveysan en 1989. La plupart d’entre nous ignorent en revanche la trajectoire singulière et quasi monomaniaque de ce chirurgien adepte d’une médecine fondamentalement pratique et utilitaire. Un homme qui, pendant vingt ans, n’a acquis pour sa collection que des gravures de Dürer (trente-quatre) et de Rembrandt (seize), avec une exception notable pour le Luther en moine augustinien de Cranach l’Ancien.
Conçu par Gilles Monney, Camille Noverraz et Vincent Barras, un livre magnifiquement illustré rend hommage au médecin et au collectionneur né en 1892 à Bex. Il restitue l’homme dans son temps et dans le contexte de la chirurgie lausannoise entre César Roux et Frédéric Saegesser. Il révèle aussi que le professeur Pierre Decker possédait de nombreuses œuvres d’autres artistes, y compris contemporains, mais qu’elles ne furent jamais considérées comme appartenant à la collection officielle et furent dispersées par legs à sa mort.
On sait peu de chose sur ses critères d’acquisition. « L’art, pour moi, est inséparable de la beauté », déclarait-il volontiers. Chez Dürer, dont il jugeait la technique « étourdissante », l’intérêt de Decker semblait avant tout historique et esthétique. Chez Rembrandt, il appréciait en revanche particulièrement l’imagination dramatique des sujets. Art et médecine restant pour lui indissociables, il avouait par ailleurs avoir « écarté les erreurs d’anatomie que sa profession lui rendait désagréables ». Une des raisons sans doute pour lesquelles il n’acheta pas de gravures de nus, à quelques exceptions près. Pierre Decker était par ailleurs très attentif à la qualité de l’impression et sut acquérir les trois œuvres majeures de Dürer que sont La Mélancolie, Le chevalier, la Mort et le Diable et Saint-Jérôme dans sa cellule.
L’histoire de cette collection se poursuit au-delà de la mort de son créateur. Pierre Decker avait légué une somme pour son entretien et son développement. Il avait également souhaité la création d’une commission chargée de la gérer et dans laquelle siégerait un expert. Les achats effectués par la suite ont donc été effectués dans le souci de respecter son esprit, en comblant les vides, et en renforçant notamment la présence de Rembrandt. / Mireille Descombes
Adam et Ève sous les traits de Louis Bolomey et de sa femme Adrienne. Ramuz en profite pour explorer la fatalité selon lui de l’échec amoureux. La fusion est illusoire, chacun sa « liberté », les humains restent « posés les uns à côté des autres », la communication n’est pas de ce monde. Originalité : le personnage de Lydie, amoureuse à sens unique de Bolomey. Ramuz utilise la Genèse sans aborder la question du péché originel et prend ainsi ses distances avec un christianisme patriarcal qui a finalement décidé que le péché serait celui d’Ève. Belle préface de David Hamidovic ! /NR
Achevé en 1917, le petit livre Vie de poète de l’écrivain Robert Walser vient de sortir en poche. Une belle façon de s’initier à son univers au gré de vingt-cinq proses brèves aux thèmes les plus divers. L’écrivain, qui n’a pas encore 40 ans, s’essaie à une sorte de bilan et suggère que l’ensemble « se lit comme une histoire romantique ». Il y parle aussi bien du charme des voyages à pied que de sa fascination pour la Belle au bois dormant ou de la difficile écriture d’un nouveau roman. Il nous offre également quelques portraits féminins ainsi qu’un très libérateur « Discours à un poêle ». /MD
Né d’un colloque qui s’est tenu à l’UNIL en 2018, cet ouvrage donne le premier rôle à la vie théâtrale romande, depuis le milieu du XVIIIe siècle jusqu’à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. Les contributions traitent de nombreux sujets, comme le théâtre de société en vogue parmi les élites (qui savait qu’Isabelle de Montolieu fut auteure de plusieurs pièces ?), ou encore l’essor du théâtre amateur au XIXe siècle, sans oublier les enjeux identitaires plus récents. /DS
« Aujourd’hui, j’ai fait 11 200 pas ! » Il est devenu banal d’utiliser des gadgets pour mesurer son activité sportive, de la distance parcourue à la fréquence cardiaque en passant par la dépense énergétique. Chercheurs à l’Institut des sciences du sport de l’UNIL, les auteurs proposent un décryptage du sport connecté. Comment les mesures sont-elles réalisées ? Que faire de ces données ? Est-ce qu’on médicalise le quotidien ? Cet ouvrage, qui entre volontiers dans les détails techniques, démonte également quelques mythes, dont celui des 10 000 pas par jour. /DS
20 000 lieues sous les veines. Le titre du premier chapitre donne le ton de cet ouvrage qui propose un long voyage à la découverte du sang. Comment est-il fabriqué ? Qu’est-ce que l’anémie ? Quels sont les agents infectieux qui s’en prennent à lui ? Que dit-il de notre hérédité ? Conçu pour tous les publics, ce livre répond à toutes les questions dans les domaines de la médecine et de la biologie. Les éléments symboliques de ce liquide, dans les champs religieux et politique par exemple, sont également abordés. /DS