Le «lyrique» de A à Z

Publié sous la direction d’Antonio Rodriguez, «Le Dictionnaire du lyrique» explore à travers les siècles les multiples avatars d’une notion infiniment complexe.

Jeune Fille thrace portant la tête d’Orphée, par Gustave Moreau (1865). Le poète musicien était, selon une légende, capable de charmer tous les êtres vivants par son chant. Il fut tué par les Ménades. Huile sur toile, Musée d’Orsay. © akg-images / Album

Grâce à ce dictionnaire riche et savant, vous saurez tout, ou presque, sur le «lyrique» et le «lyrisme» dans la poésie comme dans les arts. Publié sous la direction d’Antonio Rodriguez, professeur associé à la Faculté des lettres de l’UNIL, l’ouvrage réunit une centaine de notices de quelque quatre-vingts auteurs. Il s’intéresse aussi bien à des considérations historiques et géographiques que sociologiques, et cela des origines à nos jours. Il se penche également sur des notions comme l’adresse ou l’effet de présence, compare la terminologie française aux terminologies anglaise, scandinave ou allemande. Le théâtre, le cinéma, le multimédia et internet font aussi partie du voyage de même que des termes associés comme la lyre et le luth, l’abstraction lyrique, Érato ou Écho. 

«La naissance du mot “lyrique” relève plus d’un contexte d’édition que d’une notion de poétique», précise Antonio Rodriguez dans son introduction. Le terme apparaît à Alexandrie vers la fin du IIe siècle avant notre ère chez les philologues sous forme d’adjectif pour désigner neuf poètes grecs sélectionnés dans un travail d’édition, dont Sappho et Pindare. Il s’agit d’œuvres qui étaient jusqu’alors chantées, voire dansées, et qui se trouvent alors réduites à leur dimension uniquement textuelle. 

Le mot sera ensuite employé à toutes les sauces, changeant de connotation et d’orientation selon les époques. Avec notamment, au XIXe, siècle, la supplantation de «lyrique» par «lyrisme» pour désigner une attitude sublime et romantique devenue rapidement suspecte et qui aujourd’hui encore biaise notre regard, le grand modèle de ce lyrisme-là étant bien évidemment Lamartine. 

De nos jours, comme l’explique Magali Nachtergael dans l’une des notices, le lyrisme trouve un écho dans le rap, ses rythmes, sa scansion et les vers incandescents de ses punchlines. La science-fiction lui offre également un terrain propice. «Enchâssée dans la fiction romanesque, la poésie participe aux procédés d’immersion fictionnelle par des moyens non narratifs: elle évite la pédagogie scientifique et permet de masquer les invraisemblances de savoirs inactuels, en faveur d’une approche plus intuitive et empathique des mondes d’anticipation (…)», précise à ce sujet Dominique Kunz Westerhoff.

L’intérêt d’un tel dictionnaire? Permettre «de saisir la notion de “lyrique” sur différentes échelles», comme le résume Antonio Rodriguez, tout en offrant au lecteur une structure infiniment souple et ouverte qu’il peut remodeler à sa guise et où la navigation entre les textes devient une aventure en soi.

Dictionnaire du lyrique. Poésie, arts, médias. Sous la dir. d’Antonio Rodriguez. Classiques Garnier (2024). Disponible gratuitement en version électronique sur classiques-garnier.com

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