Né d’un colloque international organisé à l’UNIL en 2017, cet ouvrage collectif nous invite à explorer la culture vidéoludique. Il faut ici comprendre le terme «culture» dans son sens de désignation des «artefacts culturels autant que l’ensemble des pratiques, des institutions et des discours qui structurent leur consommation et leur circulation dans les espaces sociaux […]», comme le précisent Selim Krichane, Isaac Pante et Yannick Rochat, cofondateurs du GameLab UNIL-EPFL. Ainsi, le jeu vidéo ne peut être circonscrit à des personnes qui, manette ou souris en main, jouent à l’écran. Il s’agit d’un champ très vaste, volontiers hybride, dont le monde académique s’est saisi avec passion.
Les dix contributions reflètent la richesse de la recherche. Sous la plume d’Andy Maître, une analyse du traitement du jeu vidéo dans la presse romande dans les années 90 nous montre à quel point la perception de cette activité a évolué, naviguant entre représentations positives et négatives. Dans un autre registre, avec l’exemple de The Last of Us, Pierre-Yves Hurel interroge en finesse la différence qui existe entre jouer à des jeux vidéo, et avoir du plaisir à y jouer. Certaines victoires peuvent être décevantes alors qu’il existe des «défaites pleines de panache». Les utilisations de jeux vidéo dans le contexte pédagogique font l’objet de trois textes, nourris d’exemples. Ainsi, quelles sont les possibilités et les limites du recours à Assassin’s Creed – dont l’action se déroule à plusieurs époques, comme celle de la Troisième Croisade ou lors de la Révolution française – dans le cadre de cours d’histoire? / DS
Nous est un autre
Qui parle, au fond, lorsqu’un texte dit «nous»? Dans cet essai, Arthur Brügger, écrivain et assistant diplômé à la section de français de la Faculté des lettres, met en lumière les problèmes posés par les romans à la quatrième personne aux modèles théoriques mobilisés dans les études littéraires.
L’ouvrage esquisse d’abord un panorama historique de fictions en nous puis interroge les raisons de leur rareté dans la littérature française, dont la présence est pourtant attestée. Par exemple chez Nathalie Sarraute, Édouard Glissant, Michel Butor ou encore Agota Kristof. Même Ramuz, Houellebecq et Bruno Pellegrino se sont aventurés dans cette forme narrative, parfois déguisée en «on».
Sur la base de ses analyses, l’auteur propose une typologie des récits en nous et montre que ce narrateur pluriel thématise la dimension paradoxale et ambivalente du rapport de l’individu à un collectif, vécu à la fois comme espace de cohésion et d’aliénation. Il n’est alors plus seulement pertinent de se demander «qui est ce nous», mais aussi: «ce qu’il dit de nous». / LC
L’archéologie en toute franchise
Laurent Flutsch, directeur retraité du Musée romain de Lausanne-Vidy, passe l’archéologie à la moulinette de l’autocritique. Ainsi, la fouille d’une sépulture de l’époque gallo-romaine, même riche en vestiges funéraires, «cache des lacunes béantes». Certes, la science nous apprend que le mort avait des caries. Mais qui était-il? De quoi rêvait-il? Ces questions ne sont mineures qu’en apparence. Un chapitre est consacré aux aspects artificiels des reconstitutions, lorsque des figurants du XXIe siècle, déguisés en légionnaires, présentent à quoi pouvait ressembler la guerre… sans son élément essentiel, soit la peur de la capture et de la mort. L’auteur insiste sur la prudence qui doit régner en ce qui concerne l’interprétation des vestiges. Il donne l’exemple de l’empreinte du pied droit d’un enfant, laissée dans une brique avenchoise vieille d’environ 18 siècles. Selon les publics visés, plusieurs discours au sujet de cette trace sont possibles. L’Histoire n’est pas «un impossible compte rendu» de la réalité passée, mais «un récit sur le passé qui se confronte au présent». / DS