Un repas au Château d’Ouchy avec Christine Le Quellec Cottier, spécialiste des littératures francophones à la Faculté des lettres.
A l’UNIL, Christine Le Quellec Cottier pourrait passer pour Madame Blaise Cendrars, n’était son engagement plus global en faveur des littératures francophones. Elle donnera au printemps un cours sur Agota Kristof, dont elle aime «les phrases nominales, la violence banalisée, les séquences brèves qui s’accumulent et créent une impression d’étouffement».
Pour cet entretien, nous nous sommes rendues au Château d’Ouchy, où l’auteur de Moravagine ou de Petits contes nègres pour les enfants des Blancs avait coutume de descendre. Directrice du Centre d’études Blaise Cendrars, Christine Le Quellec Cottier est membre du jury du Prix Ahmadou Kourouma, qui récompense au Salon du livre un écrivain d’Afrique noire. Elle envisage de créer un master avec les Lettres, SSP, le Centre d’études africaines de l’Université de Bâle et l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Le Chaux-de-Fonnier Frédéric Louis Sauser – devenu Cendrars en 1912 – est mort à Paris en 1961. Il faudra attendre le centenaire de sa naissance, en 1987, pour que la Suisse se réapproprie cet auteur à travers des expositions et travaux initiés à partir du Fonds déposé à la Bibliothèque nationale, archives qui continuent à s’enrichir et à offrir aux étudiants du monde entier un matériau exceptionnel. La thèse de Christine Le Quellec Cottier portait sur les écrits de jeunesse et la métamorphose de celui qui s’est délesté d’un passé pour s’inventer un destin existentiel et littéraire qui interroge encore le présent, comme en témoigne un nouvel ouvrage qu’elle a dirigé avec Myriam Boucharenc et qui réunit les textes d’un colloque sous l’intitulé Aujourd’hui Cendrars.
L’année 2013 s’annonce florissante avec l’entrée du Suisse à La Pléiade, sous la direction de Claude Leroy, responsable d’une édition des œuvres complètes chez Denoël. Active dans ces entreprises, Christine Le Quellec Cottier dirige une collection de correspondances – Cendrars en toutes lettres – à paraître chez Zoé: «Grâce à ces lettres échangées, par exemple avec Henry Miller, on pourra mieux saisir Cendrars hors de l’œuvre.» Sur le plan politique, l’écrivain fut «anarchiste, à droite, ami du communiste Fernand Léger et plutôt isolé». Que cherchait-il dans sa fascination pour l’oralité africaine, ses voyages au Brésil, en Russie? «Aller au bout de soi-même et se mettre en situation de perpétuel recommencement», estime-t-elle.
Après un enseignement au gymnase Auguste Piccard, un mariage et la naissance de ses deux enfants, la chercheuse a trouvé à l’UNIL l’occasion d’explorer sa passion pour les littératures francophones, en provenance spécialement de l’Afrique subsaharienne. «Ce continent a condensé en un siècle toutes les aventures littéraires, le passage à l’écrit qui débute avec les récits des colons et des missionnaires, l’imitation, l’émergence poétique et parisienne de la négritude, la révolte au sein même de la langue française, l’irruption des femmes romancières, les témoignages d’enfants soldats et de rescapés des guerres, les récits dans d’autres langues africaines…»