L’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) vient de rejoindre l’Université de Lausanne. L’occasion de faire davantage connaissance avec cette haute école unique en son genre.
Aujourd’hui, plus de 800 personnes sont engagées dans l’un des programmes de formation proposés par l’IDHEAP. La gamme est large: des séminaires spécialisés de quelques jours jusqu’à la Maîtrise universitaire en Politique et management publics (Master PMP), qui s’étend sur quatre semestres. Sans oublier l’un des cursus-phare, le Mastère en administration publique (MPA), destiné aux cadres du secteur public, mais également des organisations à but non lucratif, voire du privé. L’institut abrite de nombreux projets de recherche. De plus, ses collaborateurs réalisent des expertises sur mandat de collectivités et d’entreprises publiques. Une recette originale que nous exposent deux professeurs: Yves Emery (délégué aux études) et Martial Pasquier (directeur), tous deux professeurs de management public.
En quoi l’IDHEAP est-il unique?
MP: Notre objet d’études nous rend uniques: l’action publique de manière générale, une notion qui ne se limite pas à l’administration et qui se traduit dans notre signature: «L’Université pour le service public». Un objet que nous traitons sous trois facettes, liées entre elles: l’enseignement, la recherche et l’expertise.
YE: Notre force réside également dans le lien que nous établissons entre le monde académique et la pratique.
Pourquoi votre institut propose-t-il un tel choix de formations?
MP: La demande est très variée. Certains professionnels sont à la recherche de connaissances ponctuelles, donc de formation continue. D’autres personnes s’engagent dans des logiques certifiantes, soit l’obtention d’un titre universitaire. De plus, notre offre est très modulaire. Il est ainsi possible de suivre un cours d’un cursus long – comme le MPA – afin d’obtenir un Certificate of Advanced Studies (CAS).
Deux mots reviennent dans les cours: performance et accountability.
YE: Ces termes s’inscrivent dans la «modernisation» de l’action publique. Sous la pression de l’opinion publique et des médias, l’administration semble condamnée à se réformer à l’infini, quelles que soient les actions qu’elle entreprend. Les citoyens qui la financent estiment qu’elle pourrait toujours être plus efficace… et moins coûteuse. Mais la notion de performance est souvent réductrice, mal définie, et ne fait pas ressortir la complexité de l’action publique. Nous la décortiquons avec plaisir dans nos séminaires!
MP: Le terme d’accountability (ou imputabilité en français) répond à la logique suivante: l’administration est redevable de ce qu’elle fait, non seulement vis-à-vis des Autorités politiques, mais aussi de la population, des médias, des partis ou des lobbys. Elle doit présenter et expliquer ses actions et leur efficacité.
Quels mots-clés définissent le Master PMP, une formation spécialisée à laquelle on accède après le bachelor?
MP: L’interdisciplinarité, car l’action publique ne peut se comprendre et s’organiser que dans cette perspective. Ensuite, le multiculturalisme. En Suisse, il est fondamental de connaître deux langues nationales pour exercer dans l’administration. Pour les francophones, une bonne connaissance de l’allemand est primordiale. Enfin, cette formation répond à une logique «professionnalisante»: nous organisons des séminaires permettant d’intégrer les connaissances disciplinaires et nous proposons la possibilité de rédiger un mémoire en lien avec un stage.
Par exemple?
MP: Un séminaire récent portait sur la décharge de Bonfol (JU). Nous y avons invité des experts en charge de cette thématique. Cela a permis aux étudiants de travailler sur la complexité des objets publics et la nécessité de les aborder sous plusieurs angles: institutionnel, juridique, économique, technique et managérial.
YE: Même si nous cultivons la réflexion critique chez nos étudiants, nous les incitons à trouver des solutions pratiques. Les situations concrètes, comme celle de Bonfol, constituent le type de défis qu’ils rencontreront dans leur activité professionnelle future. Nous aimons illustrer ce type de challenges grâce à des cas réels!
Plus de vingt thèses sont aujourd’hui en préparation à l’IDHEAP. Donnez-nous un exemple de recherche.
YE: Julien Niklaus vient de terminer une analyse sur le «sentiment d’insécurité» dans trois lieux: Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds et la Riviera vaudoise. Sa question est la suivante: quelle est la place de la police de proximité et comment est-elle perçue, dans l’optique de la diminution de ce sentiment. Son travail a débouché sur une proposition de modèle d’organisation pour cette police, ce qui va donner lieu à un séminaire que nous allons lancer. Voici un exemple des liens qui se tissent entre la recherche et l’enseignement.
Vous réalisez des expertises pour des mandataires extérieurs à l’institution. Comment cela se passe-t-il?
YE: Dans la majorité des cas, un organisme public s’adresse directement à l’un des quatorze professeurs de l’IDHEAP. Le recours à l’institut est apprécié car nous apportons une vision académique certes, mais tournée vers la pratique.
MP: Ces mandats portent sur des sujets concrets et contemporains. Ils permettent donc à nos chercheurs et à nos étudiants de se pencher sur des questions réelles, ce qui renforce le lien entre nos missions d’enseignement, de recherche et d’expertise.