La gouvernance participative, cela s’apprend 

Une nouvelle formation fait le tour de cette méthode qui revient sur le devant de la scène, en partant d’exemples concrets du terreau romand. 

Dario Spini. Professeur à la Faculté des sciences sociales et politiques, coresponsable du CAS «Gouvernance participative et actions locales». Ici, à Chavannes-près-Renens, cadre de ses recherches. Nicole Chuard © UNIL

Destinée à favoriser l’inclusion sociale, la gouvernance participative a le vent en poupe en ce moment, qu’il s’agisse de construire un écoquartier, de gérer un service hospitalier ou un club de foot. Conjointement avec la Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL), la Faculté des sciences sociales et politiques (SSP) de l’UNIL consacre pour la toute première fois une formation à ce type de démarche. Intitulé Gouvernance participative et actions locales, ce Certificate of Advanced Studies (CAS) qui démarrera en octobre 2024 vise à en poser les bases, à en cerner les enjeux, ainsi qu’à en déjouer les pièges. Prévu pour 15 à 18 participants, il peut intéresser un large public. En tête bien sûr, le personnel des administrations susceptibles d’implémenter ce genre de gouvernance au niveau communal ou cantonal, ainsi que les personnes actives dans le travail social. Mais il est ouvert à toutes les autres professions, par exemple les urbanistes, qui pourraient souhaiter recourir à ce type de démarches.

«À l’UNIL, l’idée de créer une telle formation était dans l’air, nous en avons beaucoup discuté ces deux dernières années», relève le professeur Dario Spini, de la Faculté des SSP de l’UNIL, qui assume la coresponsabilité de ce nouveau CAS. Intégrer dans le comité directeur Jean-Philippe Leresche, qui dispense justement un cours sur la démocratie participative, allait de soi. «Lorsque nous avons contacté l’HETSL, Valérie Hugentobler et Dominique Malatesta ont été immédiatement partantes. Nous tenions également à ce qu’Alain Plattet, chef du Service de la Cohésion sociale à Chavannes-près-Renens, nous rejoigne. Il représente les institutions et ancre le travail sur le terrain», souligne-t-il. 

Des cas concrets et romands

D’ailleurs l’étude de «Cause commune», un projet réalisé dans cette ville de la banlieue lausannoise, figure au programme du CAS. Dario Spini raconte: «Pendant vingt ans, tout un quartier a fait face à des nuisances liées à la gestion des déchets. Les poubelles débordaient. Les habitants faisaient remonter l’information aux gérances, qui constataient le problème, sans que rien ne change pour autant. Grâce à une démarche participative, toutes les parties concernées se sont enfin réunies autour d’une table pour chercher une solution.» L’idée d’un cleanup day a émergé, puis dans la foulée une place de tri a vu le jour. Et le quartier s’est littéralement transformé: «Désormais, les familles et les enfants ont remplacé les poubelles. Cette métamorphose a été possible parce que les gens se sont parlé», souligne-t-il. 

Trois autres exemples – à Lausanne, Vernier (GE) et Fribourg – figurent au programme de chacun des quatre premiers modules sur les cinq qui forment ce CAS. Tous feront l’objet d’une visite, qui se déroulera sur une journée entière. L’occasion pour les participants de rencontrer des acteurs du terrain, comme de réfléchir en groupe à une thématique issue de cette expérience. Car si les problématiques diffèrent, ces approches ont pour dénominateur commun une idée: celle que les échanges mènent à des solutions. 

Mais pour que cela fonctionne, il y a des règles à suivre, et des pièges à éviter. «On a ainsi tendance à systématiquement donner la parole à qui l’a déjà ou à qui soutient la démarche», rappelle Dario Spini. Comment intégrer celles et ceux qui ne s’expriment jamais et les inciter à le faire? Comment encourager les jeunes et les seniors, les étrangers et les personnes avec handicap à apporter leur contribution? Voilà quelques-unes des questions auxquelles les participants au CAS seront amenés à chercher des réponses. 

Tous les modules sont prévus sur cinq jours, comprenant 35 heures de présence, que complètent 35 heures de travail à la maison. Seul le cinquième – un mémoire portant sur un projet professionnel – sort de ce format.

Les raisons d’un engouement

Si ce type de gouvernance revient en ce moment, son invention n’a rien de récent. «Elle remonte aux années 60-70 et se retrouve depuis longtemps en Suisse, dans les Landsgemeinde par exemple. L’après-Mai 1968 a généré nombre de réflexions dans ce sens. L’idée de l’auto-organisation était alors tout particulièrement présente dans les domaines économique et social. L’on se demandait par exemple comment redonner aux ouvriers la marche de leur entreprise», rappelle Dario Spini. Il poursuit: «Aujourd’hui, il en est davantage question dans les milieux environnementaux. Le développement durable a largement contribué à rendre toute leur actualité à ces pratiques, notamment en encourageant à “décider local pour agir global”.»

D’autres facteurs remettent ce processus sur le devant de la scène: «En ce moment – et c’est nouveau – on assiste à un essoufflement de la politique représentative. Il devient difficile de recruter des personnes prêtes à s’engager», relève Dario Spini. S’ajoute à cela un changement d’échelle dans les défis auxquels notre civilisation doit faire face: «Que ce soit dans le domaine de la crise climatique ou de la pandémie, les incertitudes sont collectives. Il est important de prendre des décisions et de réaliser des démarches au niveau local, de revenir à la solidarité, de créer du lien, de redonner aux gens les moyens d’agir sur leur environnement», détaille-t-il.

Pour terminer, les participants seront aussi amenés à s’interroger sur la façon souvent très pyramidale dont notre société, des associations aux entreprises en passant par ses instances dirigeantes, est organisée. «Dans nos démocraties, le politique s’éloigne de son objet et du peuple, car les personnes que nous élisons en désignent à leur tour d’autres pour gouverner. On assiste aussi à une concentration de la puissance, qui est de plus en plus fréquemment exercée par les mêmes individus. Il importe donc de rappeler qu’il existe d’autres voies et que l’on pourrait fonctionner différemment, notamment en donnant du pouvoir aux mains de celles et ceux que les enjeux concernent.»


L’écriture scénaristique dans tous ses états
© RTS/Rebecca Bowring

Organisée par la Faculté des lettres, cette formation courte s’intitule «Scénario, récit et écriture sérielle». Pour les personnes qui auraient manqué le premier épisode, donné à l’automne 2023, sachez qu’elle aura de nouveau lieu à l’automne 2024.

Dispensée sur deux jours et en présentiel, elle s’inscrit dans le cadre d’un cycle en études cinématographiques et télévisuelles qui vise l’acquisition de toutes les finesses et ficelles de la création et de la production audiovisuelle. Ciblant le scénario, le récit et l’écriture sérielle, ce module s’adresse à toute personne qui s’intéresse au récit audiovisuel – autrement dit, à un vaste public comprenant aussi bien des journalistes que des enseignants, des personnes travaillant à la production, à la distribution et à la programmation de films, ou encore d’autres, actives dans les industries et institutions culturelles et créatives. Des premières inscriptions, il ressort que la majorité des participants appartiennent au corps enseignant.

«Notre but était de rendre visible une partie de nos recherches, comme dans le cadre du cours “Histoire et théorie du scénario” du master en cinéma. Nous disposons de bases de données établies dans le cadre de projets FNS à partir d’archives papier de la Cinémathèque suisse», relève le professeur Alain Boillat, de la Section d’histoire et d’esthétique du cinéma à la Faculté des lettres. De là à s’en servir pour étudier les techniques cinématographiques à l’œuvre dans les films comme dans les séries, il n’y avait qu’un pas, allégrement franchi dans ce cours.

Le professeur Boillat s’attellera, dans une perspective à la fois théorique et historique, aux différentes notions liées au scénario, du synopsis au découpage technique, sans oublier les normes, qu’elles touchent la mise en page ou l’idéologie hollywoodienne. «Nous allons travailler sur En cas de malheur de Claude Autant-Lara ainsi que sur Dans la ville blanche d’Alain Tanner. Pour préparer les cours, les participants devront d’ailleurs visionner les œuvres au programme.»

Sa collègue Mireille Berton abordera des exemples contemporains et notamment les séries –en particulier la mini-série de la RTS Station Horizon. «Des invités apportent en outre leur regard du terrain», ajoute Alain Boillat. L’automne dernier, un producteur RTS et un réalisateur-scénariste étaient présents. L’occasion d’évoquer le contexte institutionnel et de découvrir les rouages du système, les étapes et les critères retenus pour lancer une série. De quoi acquérir une vue d’ensemble de la branche, ainsi que des méthodes et principes à l’œuvre dans le milieu.

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