Elle n’imaginait pas se retrouver un jour à la tête de son canton, lorsque, il y a dix-neuf ans, elle foulait pour la première fois les marches de l’Université. Pourtant, c’est dans un spacieux et confortable bureau de conseillère d’État que nous accueille Rebecca Ruiz, élue le 19 mars dernier par le peuple vaudois. Fraîchement installée dans sa fonction de cheffe du Département de la santé et de l’action sociale, la nouvelle ministre nous accorde une entrevue, casée entre ses multiples réunions.
Assise à une vaste table ovale, elle jette un regard sur son secrétaire massif et jonché de dossiers. «Cette nouvelle fonction demande un important investissement personnel, mais pour moi cela représente aussi le summum de mon engagement social», assure celle qui, il y a seulement treize ans, s’inscrivait au Parti socialiste.
Élue successivement au Conseil communal de Lausanne (deux fois), au Grand conseil vaudois, puis au Conseil national (deux fois aussi) avant d’obtenir à 37 ans un siège à l’Exécutif vaudois, la socialiste a gravi les échelons à toute vitesse. Une rapidité à l’image de sa récente élection, qui n’a pas nécessité plus d’un tour avant que ses concurrents ne s’inclinent spontanément.
Inspirée par ses lectures
Il faut dire que la politique, Rebecca Ruiz l’a dans le sang. Fille d’un militant socialiste lausannois et petite-fille d’une Espagnole communiste emprisonnée sous Franco, elle a été baignée dès l’enfance dans une tradition de gauche. Pourtant, sa volonté de s’engager s’est révélée à l’âge adulte, à la lecture de textes de grands auteurs de sociologie, notamment Pierre Bourdieu, alors qu’elle effectuait une licence dans cette discipline à l’UNIL. «J’avais des intuitions sur les phénomènes que j’observais dans la société, que j’avais moi-même vécus, mais les voir confirmées par des recherches, sur des bases scientifiques étayées, m’a clairement décidée à faire le pas de l’engagement politique», explique l’élue, qui affirme avoir vécu pendant ses études «des prises de conscience extrêmement fortes».
Criminologue chevronnée
Pourtant, les sciences sociales n’étaient, à la base, qu’un «passage obligé» pour accéder ensuite à un diplôme rêvé, celui de criminologie. Fan incontestée de romans policiers depuis l’enfance, fascinée par «les événements, les situations, les caractéristiques personnelles, qui peuvent faire basculer les individus dans ce qu’ils ont de pire», elle a accompli sa vocation en travaillant ensuite dans le domaine durant sept ans. Enquête sur l’ampleur du vandalisme à l’école pour la Ville de Lausanne, étude sur la mise en place d’un code déontologique au sein de la police lausannoise ou encore, pour l’État de Vaud, rapports sur le harcèlement entre enfants… Ces expériences lui ont apporté une expertise, qu’elle a su utiliser en politique en s’impliquant avec ténacité sur le dossier «Sécurité» à ses débuts. Ceci avant de tirer un trait – en tout cas temporaire – sur sa carrière professionnelle.
Aujourd’hui, Rebecca Ruiz ne regrette pas son choix. «Quand vous vous engagez pour vos idéaux et qu’on sent au sein d’une organisation politique que vous êtes motivée et prête à vous investir – ce que j’ai fait au Parti socialiste – des rencontres et des opportunités se créent», explique-t-elle. Son secret pour réussir? «Avoir la conviction que mon action peut changer les choses et la capacité à écouter ma propre indignation», assure-t-elle d’un regard qui ne cille pas.