Des fois, il suffirait qu’un adulte manifeste sa désapprobation. Et les adolescents se détourneraient avec dégoût des images pornos et sadiques qu’ils découvrent sur Internet. Les experts de l’UNIL que nous avons consultés, après une série de faits divers inquiétants, en ont la certitude.
Mais voilà, en matière d’ordinateurs et de téléphones portables, la plupart des parents sont aux abonnés absents. Quand ils n’ignorent pas totalement ce qui se passe dans la chambre de leur enfant, où trône le PC transformé en baby-sitter électronique.
Technologiquement largués, zappés de l’écran, handicapés de la souris et réfractaires au téléphone portable, les adultes vivent souvent dans l’ignorance. La conscience tranquille, ils croient que leur progéniture est occupée à jouer sur l’ordinateur ou à envoyer des messages à des copains. Ils ne savent pas que certains jeux vidéo ultrapopulaires sont si violents qu’ils sont interdits à la vente aux mineurs. Et les adultes ignorent que de nombreux pédophiles fréquentent incognito mais assidûment les lieux de rendez-vous virtuels des adolescents.
La plupart du temps, les parents ne soupçonnent même pas que leur progéniture, seule avec son ordinateur, bénéficie d’un accès libre et immédiat à des images de pendaisons, de décapitations et de passages à tabac gratuits, mais encore de tournantes et de zoophilie, autant de films que l’on retrouve désormais sur les téléphones portables de certains d’entre eux. Autant de scènes choquantes qui façonnent leur imaginaire, et deviennent parfois des références.
Passé ce constat effrayant, il faut bien chercher des réponses à cette situation qui dérape. La plus audacieuse, mais aussi la plus pessimiste, est suggérée dans nos pages par le psychologue de l’UNIL Philipp Jaffé. A l’entendre, il serait déjà trop tard pour mettre les parents à niveau. «La famille n’est plus adaptée pour apporter des repères et des principes moraux aux enfants.» Ce serait donc à l’école de prendre le relais, pour préparer et encadrer nos adolescents dans leur découverte, souvent forcée, des horreurs du cybermonde.
L’autre réponse, moins révolutionnaire mais plus optimiste, consiste à «upgrader» les parents. A les remettre à jour en matière de technologie. Cette expérience est actuellement tentée par Olivier Guéniat, un criminologue formé à l’UNIL. Lui se charge d’affranchir les parents durant des soirées d’information. Pour que les adultes s’impliquent dans ce monde technologique où leurs enfants vont grandir et passer le reste de leur existence.
Les faits divers de ces derniers mois nous montrent que le problème est de plus en plus aigu. Il y a toutefois une bonne nouvelle. Contrairement à beaucoup de crises auxquelles nous sommes confrontés, nous avons pour une fois une réelle possibilité de réagir pour la résoudre. Individuellement et efficacement. Souvenez-vous: il suffit parfois qu’un adulte manifeste son dégoût ou sa désapprobation pour qu’il soit entendu, même par un adolescent un peu rebelle.
Jocelyn Rochat