La durabilité, une clé pour l’innovation dans le tourisme

Christophe Clivaz. Professeur associé à l’Institut de géographie et durabilité. © Sedrik Nemeth
Christophe Clivaz. Professeur associé à l’Institut de géographie et durabilité.
© Sedrik Nemeth

Le secteur touristique alpin fait face à des contraintes économiques, sociales et environnementales. Ces dernières sont pourtant l’occasion d’inventer de nouvelles manières de voyager, plus durables. Un cursus de formation continue transfrontalier explore ces questions.

Avec les éboulements et les inondations, la raréfaction de la neige constitue l’un des aspects visibles du changement climatique dans les Alpes. Le tourisme en souffre, même s’il endosse une responsabilité dans la dégradation de l’environnement. Comment cet important secteur économique, qui compte plus de 200?000 employés en Suisse, va-t-il s’adapter? «La durabilité peut être un déclencheur pour l’innovation», répond Christophe Clivaz, professeur associé à l’UNIL et responsable de la formation continue Tourisme, innovation et durabilité. Donné pour la deuxième fois, ce Certificate of Advanced Studies (CAS) se déroulera entre avril et juin 2017.

L’été arrive

Depuis un demi-siècle, la saison d’hiver domine le paysage des vacances alpines. Mais «une bascule vers la saison d’été s’opère», poursuit le chercheur. Les températures croissantes autour du bassin méditerranéen incitent certains touristes à quêter un peu de fraîcheur en altitude. Cette migration, qui va s’accentuer, est l’occasion de mettre en avant «des éléments traditionnels encore trop peu valorisés en Suisse, comme la randonnée ou le vélo». Attention: il ne suffit pas de poser une poignée de deux-roues devant un hôtel, mais de transformer ces activités en véritables buts de voyage pour les visiteurs, au moyen de produits touristiques nouveaux. Ainsi, les VTT électriques – qui marchent déjà fort – permettront aux moins sportifs de réaliser de grandes balades.

Des flâneries que les offices locaux peuvent enrichir. Ainsi, «la culture possède un fort potentiel», ajoute Christophe Clivaz. Il pense bien sûr aux musées, aux festivals et à la musique. Mais également à la chronique locale. «Les touristes apprécient qu’on leur raconte des histoires sur le territoire de leurs loisirs. La manière dont on vivait autrefois dans les Alpes constitue un sujet de découverte intéressant, peu gourmand en investissements.» Comme au XIXe siècle, les points de vue aménagés ont aussi leur carte à jouer. Le chercheur cite le succès de l’impressionnant bisse du Torrent-Neuf, à Savièse. Le spectaculaire pont suspendu installé aux Diablerets en 2014 est une autre illustration.

Une partie de la clientèle est sensible aux aspects environnementaux. Ces personnes peuvent, par exemple, être intéressées par les produits et aliments locaux proposés dans les hôtels et les restaurants. L’un des trois modules de la formation continue explore cette dimension de «consommation» et s’interroge sur la capacité des touristes à modifier leurs comportements dans le sens du développement durable.

Pour l’heure, Christophe Clivaz estime que le tourisme alpin helvétique s’accroche trop «au modèle du tout pour le ski. Cette fuite en avant n’est pas une solution à long terme, à part pour quelques stations connues au niveau international.» L’innovation demeure la clé pour s’adapter au changement.

Les enjeux sociaux du secteur sont peu perçus en Suisse. Pourtant, ils constituent un levier pour sa performance. Il tombe sous le sens que des travailleurs saisonniers mal logés et mal payés ne seront guère souriants. Or, les vacanciers interagissent principalement avec ces employés. «En Europe, certaines grandes stations cherchent à attirer les meilleurs saisonniers. Elles les soutiennent au niveau de la langue, de l’habitation et des démarches administratives», note le professeur.

Par-dessus la frontière franco-suisse

La formation s’inscrit dans un eMBA franco-suisse en innovation touristique. Elle se déroule sur douze jours de cours sur le site de Sion de l’UNIL. Si la théorie prend une partie du temps, les études de cas, les discussions, les travaux de groupe occupent une place importante. Dans un but de valorisation, les dossiers personnels à rendre à la fin de chaque module sont liés à la pratique de leurs auteurs. De plus, deux jours sont prévus pour un «terrain» transfrontalier et des rencontres avec des acteurs locaux. Il existe une certaine similarité entre les soucis – et les solutions – dans les deux pays.

Lors de la formation, les participants sont dotés d’une grille d’analyse qui leur permet d’examiner un projet touristique sous l’angle du développement durable. Un outil d’aide à la décision indispensable pour y voir clair, tant les dimensions économiques, sociales et environnementales s’entremêlent. Lucide, Christophe Clivaz relève qu’il est rare que ces trois exigences soient pleinement satisfaites.

Le chercheur met enfin l’accent sur les échanges entre les participants au CAS, qui sont pour la plupart âgés de 30 à 50 ans. Qu’ils exercent dans le public ou le privé, ces derniers possèdent une pratique professionnelle dans le domaine, comme par exemple au sein d’offices du tourisme, de mairies, dans l’événementiel ou le tourisme-aventure, entre autres. «Un véritable réseau se crée entre eux, et certains anciens “?étudiants?” de la première édition de la formation ont collaboré ensemble par la suite.»

Et encore…

Nutrition et activités sportives

Proposée pour la deuxième fois dès mars 2017, la formation continue Nutrition et activités sportives traite des liens entre l’alimentation et l’activité physique. Unique en Suisse, ce Certificate of Advanced Studies (CAS) intéresse les médecins, les diététiciens, les physiothérapeutes et les professionnels des soins en général, mais également les coachs et les entraîneurs. Ces participants «d’horizons très différents se retrouvent autour d’un point commun: le sport», note Luc Tappy, directeur du Département de physiologie de l’UNIL et responsable académique du cursus.

Une nutrition adaptée enraye les baisses de performance chez les athlètes, professionnels ou non. Mais elle est aussi importante pour certaines populations, comme les femmes enceintes, les personnes âgées ou les malades chroniques (diabète, obésité, problèmes respiratoires, etc.) Chez ces derniers, l’activité physique est thérapeutique: il faut donc que leur alimentation réponde à leurs besoins spécifiques. Ces questions sont traitées au fil des modules indépendants qui composent le CAS.

Mariant la théorie et des exercices d’application, le cursus remet en question certaines croyances au passage, par exemple autour de l’innocuité supposée des compléments alimentaires. Pour cette deuxième édition, il innove en traitant de l’importance croissante des nouvelles technologies, comme les objets connectés, dans les activités physiques de tous niveaux.

Situé au carrefour de plusieurs domaines, ce CAS fournit les compétences nécessaires à de nouveaux métiers, comme celui de physiologiste du sport.

25 ans, ça se fête!

Il y a 25 ans, les universités suisses se lançaient dans la formation continue grâce à l’impulsion et au soutien financier de la Confédération. Afin de commémorer cet évènement, la Formation Continue UNIL-EPFL vous invite le jeudi 8 décembre 2016 (dès 19h). Notamment au programme, le professeur Jean-François Démonet – directeur du Centre Leenaards de la mémoire – CHUV et chercheur à l’Institut national de la santé et la recherche médicale (INSERM) – donnera une conférence sur le thème «Mémoire: apprendre à se souvenir».

Plus d’informations sur www.formation-continue-unil-epfl.ch/25ans

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