Plonger dans le droit coutumier, c’est aussi aborder aux rivages des mentalités médiévales et goûter à l’histoire sociale, en particulier celle des familles.
Nombre de coutumes nous renseignent ainsi sur le pouvoir marital, les droits des enfants illégitimes ou encore la condition de la femme. Autant de chapitres qui en disent long sur la vie intime de nos ancêtres.
Voici comment les Romands se mariaient
Jusqu’à la Réforme, c’est en principe le droit canon qui régissait l’institution du mariage. Mais les pays romands ne l’ont pas suivi très fidèlement. La pratique s’est distancée de l’enseignement de l’Eglise sur plusieurs points, notamment sur le rôle prédominant du consentement parental.
En droit canon, le mariage se concluait par le seul échange des consentements des époux, sans qu’aucune solennité ou témoins ne soient requis. Dans la pratique, le consentement de la jeune fille était souvent relégué au second plan et supplanté par le consentement parental.
A Genève par exemple, on connaît un cas qui dénonce la séquestration d’une jeune femme par ses parents en vue de la marier contre son gré. Nul doute que les familles devaient souvent imposer leur choix et contraindre leurs enfants au mariage, d’où le foisonnement de mariages clandestins, en Valais notamment, pour poursuivre les inclinaisons du coeur!
Ces mariages illicites étaient toutefois reconnus valides par l’Eglise. Par contre, les sources nous montrent l’effort de la laïcité pour briser ces unions non autorisées par les familles qui faisaient souvent pression sur la jeune fille pour qu’elle nie avoir consenti au mariage. L’union dissoute, on pouvait alors obtenir un meilleur parti.
L’adultère était sévèrement puni
Les cas d’adultères dépendaient des compétences de l’Eglise et étaient jugés selon la procédure canonique, mais seulement s’ils étaient invoqués comme cause de séparation de corps. Sinon c’était un juge séculier qui prenait les choses en mains.
Parmi les sanctions mentionnées dans les textes, on rencontre l’amende et la peine de la course, qui consiste à fouetter les coupables et à les faire courir nus dans la rue. Cette dernière peine est notamment attestée à La Tour-de-Peilz à la fin du XIIIe siècle; elle pouvait néanmoins être rachetée, moyennant le paiement de 60 sous pour l’homme et 30 pour la femme.
Si le Valais épiscopal ne prévoyait pas la peine de la course, une coutume prévoyait la confiscation de tous les biens de la femme adultère au profit du mari. Une autre règle, attestée en Valais au XVIe siècle, exemptait l’époux cocufié de toute peine s’il tuait l’amant surpris en plein adultère avec sa femme.
Le droit réformé sera encore plus sévère à l’encontre de l’adultère en prévoyant même l’emprisonnement ou le bannissement.
Les bâtards n’étaient pas tous défavorisés
Les enfants illégitimes n’étaient, apparemment, pas toujours aussi défavorisés que les couples adultères. Dans les faits, certains ont même été bien traités: «Pensez à Humbert le Bâtard de Savoie, demi-frère d’Amédée VIII, seigneur d’Estavayer! Il était non seulement considéré comme noble, mais aussi comme un grand seigneur», rappelle Jean-François Poudret.
Une étude approfondie de la condition juridique et sociale des bâtards au Moyen-Age montrerait sans doute un décalage important entre le droit et les moeurs. Le droit refusait d’intégrer les bâtards dans leur famille paternelle. Ils n’avaient donc pas de droits successoraux envers leurs ascendants.
Par contre, de nombreuses sources montrent qu’ils pouvaient être institués héritiers. Les enfants illégitimes étaient également souvent «affraréchés» par leur père, c’est-à-dire constitués frères au plein sens du terme dans la succession paternelle, ce qui leur donnait les mêmes droits successoraux que les enfants légitimes.
Pour Jean-François Poudret, cette pratique «montre bien qu’on n’avait aucun préjugé envers les bâtards».
Muriel Ramoni