Les livres de Thomas Römer, professeur de théologie honoraire de l’Unil et administrateur au Collège de France, sont toujours passionnants. Celui-ci l’est particulièrement. Clair, simple, élégant dans ses nuances, il répond à la question un peu vague qui régit toute cette série: «Qu’est-ce que ça change?» S’agissant cette fois-ci de la Bible, la réponse de l’auteur sonne comme une provocation: «La Bible n’existe pas. Il existe des bibles, oui. Mais la Bible, certainement pas.» Et le théologien d’ajouter qu’à ce propos, il est plus judicieux de parler de compilation de livres, ou de bibliothèque. Une bibliothèque par définition évolutive et dont l’ordre des ouvrages peut varier selon les critères de classement.
Cela posé, Thomas Römer rappelle que les textes de cette bibliothèque n’ont ni ordre, ni cohérence. Certaines histoires sont racontées deux ou trois fois avec des différences notables. L’incitation au recensement opéré par le roi David vient ici de Dieu, ailleurs de Satan. Des contradictions diversement perçues selon les religions. Alors que le judaïsme s’en accommode, préférant la discussion à l’harmonisation, «l’histoire du christianisme sera une histoire de la volonté de mettre de l’ordre dans la diversité des livres bibliques».
L’auteur reconnaît ensuite que la Bible est «un livre dangereux». Non seulement elle alimente l’antisémitisme, mais on peut y voir une légitimation de l’esclavage et des guerres contre les «infidèles». Elle fut par ailleurs un instrument de colonisation. Et Thomas Römer de conclure: «Non, la Bible n’est pas politiquement correcte, et on ne peut pas en soustraire les textes qui ne nous plaisent pas. Il faut plutôt essayer de comprendre ces textes qui nous dérangent, et rien n’interdit de les critiquer.» / Mireille Descombes

Quand l’homme devient bête
Sade bien sûr, mais aussi Lautréamont, ou la sulfureuse Rachilde sont au rendez-vous de ce petit essai savant au parfum de scandale. Doctorant à la Faculté des lettres, Aimé Guex y interroge la bestialité comme objet littéraire et esthétique, de la fin de l’Ancien Régime à la fin du XIXesiècle. Comment, pourquoi, se demande-t-il, un individu ou un groupe social «est susceptible d’être exclu, métaphoriquement, de l’humanité pour rejoindre le rang des bêtes»? Il relève que l’histoire de cette conception occidentale connaît un tournant au cours du XIXesiècle, liée d’une part à la révolution industrielle et de l’autre à la théorie de l’évolution défendue par Darwin. Avec ce dernier, en effet, l’homme n’est plus qu’une espèce animale parmi d’autres dans un vaste processus évolutionnaire. L’auteur pointe également l’importance clé de l’hybride, notamment du faune, mi-homme mi-bouc. Et pour terminer, il s’intéresse aux liens étroits entre féminité et félinité dans l’imaginaire fin de siècle. / MD

Ces animaux qui nous envahissent
Les moustiques tigres font régulièrement la une des journaux. D’autres sont plus discrets. Fruits de la mondialisation, ils sont aujourd’hui des milliers d’animaux exotiques à avoir migré de leur patrie d’origine pour coloniser de nouveaux territoires. Certains provoquent d’énormes dégâts, pas tous. Comment et pourquoi devient-on invasif? Dans un ouvrage largement illustré, la biologiste Cleo Bertelsmeier, professeure au Département d’écologie et évolution, répond à toutes ces questions. Elle révèle que les individus les plus curieux, opportunistes, agressifs et efficaces sont les plus enclins à l’émigration. Du ragondin, originaire d’Amérique du Sud et introduit en France à la fin du XIXe siècle pour sa fourrure, à la moule quagga originaire d’Ukraine, arrivée dans les années 2000 par le transport maritime et fluvial, les exemples sont aussi divers que passionnants. Et l’autrice termine cette fresque inquiétante par une note d’optimisme, rappelant notamment qu’il est possible de restaurer des écosystèmes avec succès. / MD

