Comment l’imaginaire médiéval a-t-il nourri les productions culturelles et érudites, depuis le XVIe siècle? Chercheur à l’UNIL, Alain Corbellari répond à cette question dans un ouvrage schtroumpfant.
De nos jours, que ce soit dans les séries télévisées, le cinéma, la bande dessinée, le jeu de rôle, l’iconographie metal ou les fêtes thématiques, le Moyen Âge s’épanouit. Or, toutes les époques n’ont pas partagé notre engouement pour les donjons et les cornes à boire, loin de là. Dans un ouvrage récemment paru, c’est justement l’histoire de la réception savante et populaire des temps médiévaux, à travers les siècles, que nous conte avec style Alain Corbellari, professeur associé en section de français (Faculté des lettres).
Hostiles Lumières
Ainsi, les Lumières – Voltaire en tête – furent plutôt hostiles au Moyen Âge. Toutefois, en Angleterre puis en Allemagne au XVIIIe siècle déjà, le romantisme le remit au goût du jour, notamment dans la littérature, avec le succès (et les excès) du roman dit «gothique». Une mode, voire un «médiévalisme de pacotille» qui suscita l’agacement, comme l’écrivit Théophile Gautier en 1834: «[…] à bas le moyen âge tel que nous l’ont fait les faiseurs […]». Quelques décennies plus tard, l’imaginaire médiéval inspira les décadents, le symbolisme et, outre-Manche, les préraphaélites et le mouvement Arts and Crafts.
Fantasy et Star Wars
Bien entendu, Alain Corbellari traite de l’essor de la fantasy au XXe siècle, de Bilbo à Harry Potter, ainsi que de l’imprégnation de Star Wars par le Moyen Âge (les chevaliers, les épées ou encore la technologie comme forme de magie).
Spécialiste de la bande dessinée médiévalisante, l’auteur consacre un chapitre à ce média. Il met l’accent sur l’influence des aventures du Prince Valiant (1937) et attire notre attention sur Johan et Pirlouit de Peyo, une série sous-estimée qui marque une rupture avec les œuvres plus moralisatrices qui précèdent. Dès les années 70, on voit apparaître des albums plus «réalistes», qui ne cachent pas les aspects moins plaisants de l’époque médiévale. À ce sujet, Alain Corbellari nous fait remarquer un mouvement de balancier récurrent entre un Moyen Âge «rose» (l’amour courtois et les valeurs chevaleresques) et un Moyen Âge «noir» (les maladies et la violence).
Enfin, le chercheur taquine notre engouement pour le Moyen Âge. Si l’on veut bien se coltiner Game of Thrones, revoir Kaamelott pour la 114e fois, jouer à Donjons & Dragons ou participer à une fête médiévale le temps d’un après-midi, peu d’entre nous rêvent de vivre dans le Paris du XIVe siècle.