Des scientifiques élaborent des implants qui pourraient générer des cellules de sang chez leur porteur. Leur projet hébergé à l’UNIL est soutenu par une bourse InnoTREK/FIT de 100 000 francs.
Dans le bâtiment Bugnon 27, à deux pas du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), une série de flacons reposent bien au chaud dans un incubateur. Dans quelques jours, la substance qu’ils contiennent sera devenue une version simplifiée de moelle osseuse, cette matière organique logée au cœur de nos os et chargée d’assurer le renouvellement de nos cellules sanguines. Une tâche essentielle dite «hématopoïèse».
«Ici, nous cultivons des cellules souches de moelle osseuse extraites d’êtres humains ou de souris, en les combinant à un biomatériau qui imite la structure spongieuse des os. Ces réseaux de pores offrent aux cellules des niches favorables à leur développement», explique la biologiste Josefine Tratwal, du Laboratoire d’hématopoïèse régénérative affecté l’an dernier à l’UNIL.
En collaboration avec le bioingénieur Fabien Bonini, du Laboratoire Microniche de l’UNIGE spécialisé dans les biomatériaux, elle tente de mettre au point un implant qui pourrait, si les prochaines étapes de cette recherche fondamentale le confirment, générer des cellules du sang directement chez son porteur. Une technologie de pointe dont l’intérêt scientifique et le potentiel clinique ont été confirmés en 2020 par la publication d’un article scientifique dans la revue Biomaterials.
Usines à plaquettes
Injecté sous la peau, l’implant de moelle osseuse cultivé in vitro fonctionnerait telle une petite usine, qui fabrique et fournit à son hôte les cellules sanguines dont il a besoin. Un avantage, en particulier pour des patients atteints de leucémie. «Chaque année, ils sont plusieurs dizaines de milliers dans le monde à nécessiter des transfusions régulières car leur corps ne peut pas produire par lui-même certaines cellules sanguines, comme les plaquettes qui permettent la coagulation. Or, ces interventions sont très contraignantes pour le patient et consomment une part non négligeable des stocks de sang, aujourd’hui en baisse. Il devient nécessaire de trouver une solution alternative», souligne Fabien Bonini.
Pour développer leur technologie, les chercheurs ont lancé l’an dernier «MiniMarrow biomedical», un projet de start-up récompensé cet été par une bourse InnoTREK de 100 000 francs. Octroyé à Josefine Tratwal par le PACTT (Bureau de transfert de technologie entre l’UNIL et le CHUV) et la Fondation pour l’Innovation Technologique, ce financement donne l’opportunité aux deux scientifiques de poursuivre leur collaboration durant une année. «Beaucoup de questions restent à résoudre», note la biologiste. Par exemple, quels facteurs permettront à la petite moelle osseuse de se vasculariser et produire le type et le nombre de cellules escomptés?
Cinq à dix ans
Si toutes les réponses ne pourront pas être apportées cette année, la post-doctorante rappelle que «créer une entreprise sur la base de recherches encore en cours est une démarche courante pour mener une technologie jusqu’aux essais cliniques. Ce processus prend entre cinq et dix ans.» Mais ce long chemin n’effraie pas nos deux associés, heureux de faire avancer la recherche grâce à leur modèle qui, précisent-ils, se révèle utile pour étudier les maladies de la moelle osseuse.