Henri Roorda, pédagogue anarchiste et résistant

Les vérités ne sont pas toujours bonnes à dire, mais Henri Roorda (1870-1925) n’en avait cure. Doté d’une grande honnêteté, d’une plume acérée et d’un humour ravageur, ce professeur de mathématiques lausannois ne craignait ni la hiérarchie, ni les censeurs. On lui doit ce pamphlet resté fameux proclamant, en 1917, «Le pédagogue n’aime pas les enfants». C’est aussi lui qui déclinait avec allégresse la formule «Envers, en prose et contre tout». Mais ne vous y trompez pas! Ses élèves, Henri Roorda les aimait beaucoup, et surtout il les respectait. En bon logicien, il avait donc conclu que si les pédagogues estimaient vraiment les enfants, ils ne les traiteraient pas aussi mal.

D’origine hollandaise, Henri Roorda est né à Bruxelles en 1870. Deux ans plus tard, il s’installe en Suisse avec ses parents. Grâce à son père, il fréquente l’entourage du géographe et théoricien de l’anarchisme Elisée Reclus. Un homme dont les idées le marquent. Devenu enseignant, Roorda écrit six manuels de mathématiques, il donne des conférences et collabore régulièrement avec plusieurs quotidiens romands. En 1925, après avoir publié un dernier essai intitulé Mon suicide, il se loge une balle dans le cœur.

Pour marquer les cent ans de sa mort, les Éditions Héros-Limite republient les écrits pédagogiques (1917-1925) de Roorda. Préparé par Alain Ausoni et Anne-Lise Delacrétaz, maîtres d’enseignement et de recherche à l’Unil, Réciter moins, résister mieux révèle un homme profondément visionnaire prônant moins d’heures de cours et plus de prise en charge individuelle. Il estime en effet que les êtres très jeunes ont «mieux à faire que de se préparer à gagner de l’argent». Roorda ajoute que, dans «son» école, le premier devoir du maître sera d’être bienveillant.

Dans l’une de ses chroniques pédagogiques, Roorda défend l’idée de «L’école pour les sexagénaires». Sa proposition: se contenter d’inculquer aux écoliers les connaissances indispensables et occuper les enseignants en surplus en obligeant les aînés à suivre leurs cours. «Mon école pour sexagénaires sera mixte, précise-t-il; la cause de la coéducation des sexes est gagnée depuis longtemps. L’enseignement y sera, d’autre part, de meilleure qualité, pour cette raison qu’il s’adressera à des élèves capables de se défendre.» / Mireille Descombes

Notice sur Labelettres, site de la Faculté des lettres

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Réciter moins, résister mieux. Écrits pédagogiques. Édition préparée par Alain Ausoni et Anne-Lise Delacrétaz. Éditions Héros-Limite (2025), 192 p.

Dans les années 1780 à Lausanne, la Société du Samedi constituait l’un des hauts lieux de la sociabilité. Cheffe d’orchestre de ces rencontres, Angélique de Charrière (née Saussure de Bavois) est mise en lumière dans cette brève biographie. Méconnue, cette femme curieuse de tout a rassemblé dans son salon des personnalités comme l’historien Edward Gibbon, l’avocat Michel Servan ou l’écrivaine Isabelle de Montolieu. Elle était également très proche de sa cousine Rosalie de Constant, avec qui elle partageait le goût de la botanique. / DS

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Angélique de Bavois. Au service des Lumières. Par Natacha Monnet. Infolio, Presto (2025), 60 p.

L’OMS a inclus le «trouble du jeu vidéo» au sein de sa Classification internationale des maladies, dans la catégorie «troubles et conduites addictives». Sous la plume de spécialistes, dont plusieurs sont liés à l’Unil, cet ouvrage offre un panorama de la pratique problématique de ce loisir, depuis le diagnostic jusqu’aux traitements possibles. La question de la surpathologisation est abordée: une personne qui passe des heures manette en main n’est pas forcément concernée par ce trouble. / DS

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Trouble du jeu vidéo. Sous la dir. de Yasser Khazaal, Joël Billieux, Sophia Achab, Olivier Simon, Magali Dufour, Amine Benyamina. RMS Éditions (2025), 199 p.

Pour ceux qui souhaitent poursuivre leur voyage en compagnie d’Henri Roorda, Alain Ausoni et Anne-Lise Delacrétaz proposent, dans la collection Savoir suisse, un portrait détaillé de ce singulier pédagogue. Après une biographie fouillée, et des précisions sur son engagement militant, on s’intéresse à ses fameux Almanachs Balthasar – le pseudonyme de Roorda. Dénonçant «le bourrage des crânes», cette publication propose tout ce qu’il faut savoir pour résoudre les grands problèmes de la vie et se veut le seul almanach «qui s’interdise scrupuleusement à prédire l’avenir d’avance». / MD

Notice sur Labelettres, site de la Faculté des lettres

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Henri Roorda. Envers, en prose et contre tout. Par Alain Ausoni et Anne-Lise Delacrétaz. Savoir suisse (2025), 176 p.

Les frontières sont toujours émouvantes. Et plus encore quand elles s’inscrivent dans la texture fluide et mouvante des lacs. L’écrivain Daniel de Roulet leur consacre un livre voyageur en forme de Journal. Vivant lui-même au bord du Léman, il est parti à la découverte d’autres lacs frontaliers d’Europe et d’ailleurs. C’est ainsi qu’après un pèlerinage au Wannsee de Berlin, où fut décidé le sort de millions de Juifs, il nous emmène dans les Balkans au bord du lac Shkodër, puis sur les rives du lac Prespa, que se partagent aujourd’hui la Grèce, la Macédoine du Nord et l’Albanie. / MD

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Frontières liquides. Journal de lacs. Par Daniel de Roulet. Phébus (2025), 304 p.

Où faut-il aller se planquer pour ne plus être soumis au regard des autres? Certainement pas dans le petit village alpin qui constitue le cadre du récent roman de l’écrivain Jérôme Meizoz, professeur associé en Lettres. Les regards de plusieurs personnages – un auteur doublé d’un guetteur, un dealer d’herbe amateur de discrétion, une souriante muette au tricot, entre autres – structurent le récit. Rosalba, ou Emaney, se trouve au centre de bien des préoccupations. Cette styliste a lourdé mari et enfants pour s’installer dans la solitude du hameau tout en étant très active sur les réseaux sociaux. Le drame se noue, jusqu’à une conclusion surprenante. / DS

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Le hameau de personne. Par Jérôme Meizoz. Zoé (2025), 153 p.

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