Chercheurs à l’UNIL, Quentin Tonnerre et Jérôme Berthoud racontent les origines et le développement d’un club de hockey devenu l’étendard de tout un canton, celui du Jura.
Une image forte, celle d’un canton venu fièrement remplir la Vaudoise Arena un après-midi de finale de Coupe de Suisse. Parmi les 9284 spectateurs (guichets fermés), ce dimanche 2 février 2020 à Lausanne, ils sont en effet plus de 7000 à avoir entrepris le voyage du Jura afin de pousser le HC Ajoie vers une victoire (7-3 face à Davos) pour l’histoire. Moment de liesse qui vient souligner que le HCA n’est pas tout à fait un club comme un autre, dans un pays pourtant féru de hockey sur glace.
Historien à l’Institut des sciences du sport de l’UNIL (ISSUL), Quentin Tonnerre s’est associé au sociologue Jérôme Berthoud, lui-même chargé de projet à l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP), pour livrer ce récit qui couvre près d’un demi-siècle et dit bien le caractère et la persévérance de quelques hommes, relayés par l’engouement de tout un peuple, qui ont permis au HCA de poser son nom en bonne place sur la carte du hockey helvétique. «Nous sommes heureux d’avoir pu nous intéresser à un objet de culture populaire avec le regard des sciences sociales», note Jérôme Berthoud. Les deux chercheurs ont trouvé avec cet ouvrage, par ailleurs richement illustré, un heureux équilibre entre la rigueur d’une démarche scientifique et une écriture qui permet d’intéresser un large public.
C’est autour d’un projet de patinoire artificielle (et couverte) que s’est constitué le HC Ajoie en 1973. Et sous l’impulsion d’une figure (l’entrepreneur Charly Corbat) qui n’a jamais ménagé ses efforts, malgré les limites économiques propres à la région. En fouillant les archives du club, en rencontrant aussi bon nombre des acteurs qui ont alimenté cette histoire, les deux auteurs – eux-mêmes Jurassiens – ont-ils découvert des éléments inattendus? «Ce qui nous a surpris, raconte par exemple Jérôme Berthoud, c’est la volonté du club de se professionnaliser, d’avoir très vite des objectifs élevés, ainsi que l’esprit d’ouverture dont il a fait preuve.» Il s’est d’ailleurs écoulé à peine quinze ans jusqu’à l’accession à la LNA (première division du pays, aujourd’hui appelée National League).
Quant à la question de l’identification avec tout un canton, elle occupe une place d’autant plus importante que le processus de création du Jura était alors en pleine effervescence. «Le club a d’abord dû chercher une forme d’unanimité, sans tomber dans un esprit partisan qui n’aurait pas été rassembleur, constate Jérôme Berthoud. Une fois le vote passé (le Jura est devenu le 26e canton suisse en 1979, ndlr), le drapeau s’est alors affiché en grand.» Aujourd’hui, dans la réalité du hockey pro, le HC Ajoie semble contraint de limiter ses rêves de grandeur. Sans pour autant abandonner sa passion.