Le septième épisode de Star Wars sortira en décembre de cette année. Il y a bien longtemps, dans un numéro lointain d’Allez savoir!, le journaliste Michel Beuret s’était intéressé aux raisons du succès de la saga de George Lucas.
Été 1999, Star Wars, épisode I : La Menace fantôme débarque dans les salles. L’occasion pour Allez savoir! de dénicher quelques-unes des sources auxquelles cette série à grand succès s’abreuve.
«Les médiévistes ont l’habitude de lire les chansons de geste avec environ 70% de motifs et de clichés, explique Alain Corbellari, aujourd’hui professeur associé en Section de français. En voyant Star Wars, ce sont ces motifs qui m’ont frappé. Pour qu’un mythe soit efficace, il faut qu’il soit très simple. C’est le cas ici. On reprend des schémas d’aventure vieux comme le monde.»
Mais on retrouve aussi les mythes de l’ère moderne, comme celui de l’Homme contre la machine, alternativement idéalisé et décrié au cours du XXe siècle: «Star Wars mélange un monde ultratechnologique, incompréhensible, et un monde fait de valeurs fondamentalement humaines», souligne Alexander Schwarz, actuellement professeur en Section d’allemand.
Pour illustrer la lutte entre le Bien et le Mal, Lucas a recouru à la mythologie médiévale. «Il dit avoir voulu faire de Luke une sorte de Perceval. Mais si la référence au héros médiéval existe bel et bien, à y regarder de près, il y a confusion entre plusieurs personnages, relève Alain Corbellari.
Ainsi, le déclencheur qui provoque le départ vers l’aventure est plus proche de l’histoire de Lancelot. Comme lui, Luke a échappé très jeune à un massacre d’envahisseurs. Comme Lancelot enfant, il est tenu éloigné des évènements tragiques et sa vraie nature ne se révèle que petit à petit. Perceval aussi apprend ses origines par un ermite et leur destin commun sera de restaurer le lignage. Le psychanalyste freudien Otto Rank a bien mis à jour le canevas de la naissance du héros (Œdipe, la légende d’Alexandre le Grand, Jésus, Arthur, Tristan, etc.). Cet archétype appartient entre autres au réservoir mythologique indo-européen.»
L’astuce narrative de Lucas est sans doute d’avoir opéré des «conjointures» entre les mythes médiévaux et antiques : par exemple, lorsque Luke doit délivrer la princesse Leia dans le labyrinthe de l’Etoile noire où évolue Dark Vador (Thésée, Ariane et le Minotaure). C’est encore le cas lorsque, comme Œdipe, sa destinée le conduit à tuer son père contre son gré. «Au sens freudien, le parallèle fonctionne, explique Susanne Wokusch, aujourd’hui privat-docente à l’Ecole de français langue étrangère et grande amatrice de science-fiction, tuer le père, symboliquement du moins, c’est devenir un homme.» Alain Corbellari suspecte aussi Lucas d’avoir puisé dans la mythologie scandinave. Des personnages qui rappellent des elfes, des trolls, etc., bien sûr, mais aussi de manière plus subtile, comme dans l’épisode de la main coupée: «En duel contre son père, qui s’est révélé être Dark Vador, Luke se fait couper la main. Il découvre, plus tard, que Vador porte aussi les stigmates du bras tranché. Comme Týr (dieu nordique garant du droit et de la justice), qui a mis la main dans la gueule du loup Fenrir en gage de sa bonne foi pour que ce dernier se laisse attacher (Fenrir, ne pouvant se délivrer, tranche l’avant- bras de Týr). La main que l’on donne, c’est le tribut que l’on paie pour être délivré. De manière plus générale, perdre son intégrité physique est une étape de l’initiation du héros.»
Le scénario de la première trilogie de La Guerre des étoiles a repris le mythe de la naissance du héros, son parcours initiatique et sa lutte contre des monstres qui représentent avant tout des peurs enfouies dans l’inconscient et dont chaque individu doit pouvoir se libérer. Cette dimension représente sans doute un puissant antirides pour la saga de Lucas.
La sortie de Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force pour décembre 2015, soit 38 ans après le premier film, prouve en tous cas que les archétypes mis en images par George Lucas ont trouvé leur public, sur plusieurs générations.