En 1946, Staline ordonne la construction de la Magistrale transpolaire, une ligne ferroviaire longue de 1500 kilomètres destinée à traverser le Grand Nord sibérien. La main d’œuvre, forcée, est constituée de milliers de prisonniers du Goulag, qui peinent dans des conditions climatiques et disciplinaires très dures.
Dans le cadre du projet «Changing Arctic», des étudiants de l’UNIL, de l’UNIGE et de l’EPFL se sont rendus sur le site du camp 93, au lieu-dit «Chtchoutchi», en été 2019. De nombreux lieux de détention de ce type, dans des états de conservation divers, ont été installés le long de la ligne à l’époque. Exemple d’ironie proprement soviétique, ce chemin de fer polaire voulu par Staline a finalement été abandonné à sa mort, en 1953.
Par différentes approches, notamment grâce à l’archéologie, le camp 93 a été documenté en détail. Par exemple, d’émouvantes inscriptions retrouvées dans une cabane d’isolement ont été recueillies. D’autres étudiants – russophones – ont travaillé en archives, à Moscou, afin de récolter un maximum d’informations et de témoignages d’anciens détenus au sujet du chantier.
L’ouvrage Zones mémoires et le site internet yamal.ch présentent le résultat de ce travail de collaboration. Ce passé est aussi récent que tragique. Depuis sa fermeture, le camp 93 a été régulièrement visité: de nombreuses mémoires liées à ce lieu cohabitent. Aujourd’hui, parfois en famille, des personnes se rendent dans les vestiges de cette prison pour y déposer différentes «offrandes», comme des bouteilles d’alcool, des cigarettes, des objets religieux ou… un portrait de Staline. En Russie, et cela résonne avec l’actualité, la mémoire des crimes du régime soviétique disparaît avec le temps, au détriment d’un narratif portant sur les moments triomphaux, comme la victoire sur le nazisme.
Premier tome de la collection «Memoria et Historia», éditée par la Section des langues slaves de l’UNIL, Zones mémoires ouvre une fenêtre sur une petite partie du Goulag. Que faire de lieux comme le camp 93, qui tombe doucement en ruines? Comment créer un lien entre les jeunes générations, «les témoins des témoins» et ce passé qui divise encore la société? Modeste, de l’aveu même de ses éditeurs, cet ouvrage passionnant constitue toutefois une forme de réponse. /DS
La notice sur le site Labelettres
Cet ouvrage collectif a été réalisé en l’honneur de Yves Emery, professeur à l’IDHEAP, à l’occasion de son départ à la retraite. Ce dernier a joué un rôle important dans l’évolution de la gestion des ressources humaines vers une discipline scientifique. Les contributions traitent d’éthique, de valeurs au travail ou de politique publique, entre autres. Les résultats d’une étude menée en Suisse au sujet des «new ways of working», comme le télétravail, sont présentés dans un intéressant article. /DS
Pierre Zweiacker retrace «68 destins scientifiques tragiquement contrariés». Qui pourrait imaginer que les rivalités autour de la mise au point de l’anesthésie, au milieu du XIXe siècle, aient pu déboucher sur le suicide d’Horace Wells, un dentiste précurseur dans le domaine? En ce qui concerne les communications, ce n’est guère mieux. Ainsi, en 1888, l’inventeur Louis-Victor Mimault, rongé par la haine et la jalousie, abat dans la rue François Raynaud, directeur de l’École de télégraphie de Paris. Teinté d’humour noir, rythmé, l’ouvrage se lit comme un polar. /DS
Surnommé «Le Chinois», le narrateur de ce roman décide de raconter l’histoire de Rosalba, qu’il a «absolument aimée à 15 ans». Bien entendu, à l’époque, elle n’a même pas jeté un œil sur l’adolescent. Plus tard, la jeune fille épouse l’un des rejetons d’un riche et redouté ferrailleur. Puis, un jour, la belle disparaît, ce qui engendre nombre de théories dans le village alpin où se noue l’intrigue. Tout en partant parfois «dans le décor», le Chinois mène l’enquête auprès des proches de Rosalba. En chapitres brefs, drôles et inquiétants, Jérôme Meizoz met brillamment en scène cet amour irrésolu. /DS
«Regarder par la fenêtre et s’interroger sur ce que la poésie signifie là, devant soi.» Dans cet essai, Antonio Rodriguez s’intéresse à la notion de «paysage originel» dans la poésie associée à la Suisse francophone. Il ne faut ici pas entendre le mot «originel» comme le lieu de sa naissance ou comme une indication dans son passeport, mais plutôt un lieu dont chacun peut affirmer qu’il se sent «fondamentalement de là». L’auteur consacre un intéressant chapitre à Gustave Roud, un poète qui a parcouru en tous sens les campagnes du Jorat. /DS
La notice sur le site Labelettres
Le «théâtre de société» est l’objet d’études menées à la Faculté des lettres de l’UNIL. Joués par des amateurs, les spectacles prenaient place dans des salons particuliers. Ils rassemblaient amis et connaissances autour d’un intérêt commun pour la scène. Dans ces cercles, la parole était-elle plus libre? Les femmes pouvaient-elle y faire davantage entendre leurs voix? Cet ouvrage collectif traite de nombreux aspects de cette pratique sociale et culturelle entre la fin du XVIIe et le début du XIXe siècle. /DS