L’entreprise Levatura cultive des souches destinées aux brasseurs artisanaux et propose des ferments «personnalisés». Le projet est né lors d’un cours d’entrepreneuriat dispensé à l’UNIL.
La bière est faite de quatre ingrédients sacrés: l’eau, le malt, le houblon et les levures, ces champignons microscopiques nécessaires à la fermentation. À Épendes (VD), l’entreprise Levatura est spécialisée dans la culture locale de ces organismes unicellulaires. Fondée en 2018 par Hugues de Villiers de la Noue, 23 ans, et Lucien Genoud, 25 ans, biologistes diplômés d’un bachelor de l’Université de Lausanne, la jeune pousse fournit plus de 50 clients, dont la Brasserie du Virage (GE) ou Dr. Gab’s (VD).
Avec une gamme d’une centaine de levures différentes, la société s’est aujourd’hui forgé un nom dans les milieux brassicoles romand et suisse alémanique. Son offre est constituée en majorité d’échantillons importés d’Allemagne, d’Angleterre ou des États-Unis, que les deux associés – désormais aidés d’une troisième collaboratrice – font proliférer dans des cuves. Après plusieurs jours de culture, les champignons sont livrés sous forme liquide. Un état qui, selon eux, améliore le goût de la boisson. «Contrairement aux cinq à dix ferments secs et standardisés dont dépendent habituellement les brasseurs, les nôtres sont vivants, travaillent plus rapidement et donnent des saveurs plus amples, complexes et riches en arômes», précise Lucien Genoud.
Les biologistes développent également des levures «100% locales», produites à partir de micro-organismes qu’ils prélèvent dans l’environnement. Une analyse effectuée ensuite dans leur laboratoire permet d’isoler les cellules intéressantes pour le brassage. «Grâce à cette technique, nous pouvons proposer des levures personnalisées et sur-mesure, à la demande des clients», assure Hugues de Villiers de la Noue, actuellement en master de microbiologie à la Faculté de biologie et de médecine.
C’est ainsi qu’est née l’an dernier «Candide» de la Brasserie de l’Abbaye de St-Maurice (VS), une blanche issue de champignons récoltés sur un parchemin de l’an 1319. «Les chanoines souhaitaient créer une bière avec des souches existantes dans leur monastère. Nous avions pensé aux charpentes, à leur jardin ou leurs vignes. Mais l’idée finale s’est imposée lors d’une visite de leurs archives», poursuit l’étudiant.
Année sabbatique
Le concept est né durant leur bachelor à l’UNIL, une époque où les deux camarades «s’en décapsulaient volontiers quelques-unes sur les plates-bandes du campus». Alors qu’ils cherchaient un projet à présenter pour un cours d’entrepreneuriat, l’un de leurs amis, Daniel Rodriguez, leur a glissé l’idée des levures. Après un essai fructueux mené dans un galetas entre deux bouquins de cours, les deux compères ont pris une année sabbatique pour implanter leur business, soutenus par leur ex-professeur Davide Staedler, chargé de cours à l’École de biologie, devenu l’un de leurs actionnaires.
Cette année, les deux amis se sont lancé un défi: proposer aux brasseurs une levure par canton. «Pour le Valais, nous irons probablement en chercher sur la peau des abricots. Pour Berne, pourquoi pas sur les poils de l’ours», plaisante Hugues de Villiers de la Noue. Ces amateurs de mousses artisanales entrevoient de nombreux horizons créatifs pour la bière, mais aussi le vin, dont les vignobles constituent selon eux un terrain de jeu idéal. On attend de boire!