Contre le fatalisme climatique

L’explosion démographique, les inégalités sociales, l’urbanisation à outrance, des décisions politiques néfastes sur le temps long, l’inertie, la cupidité, le déni des réalités territoriales et des cultures locales, la focalisation sur des techniques lourdes apparemment sécurisantes sont des vulnérabilités porteuses de risques « naturels », attendus ou inédits.

Pourquoi un événement climatique devient-il une catastrophe ? se demande Alexis Metzger. Chercheur à l’Institut de géographie et durabilité de l’UNIL, il décrypte 21 idées reçues faisant du changement climatique le responsable principal, voire unique, de situations sociales, politiques, économiques et/ou sanitaires catastrophiques.

L’Homme, une victime ?

Son livre dénonce une sorte de sidération apolitique qui saisit les habitants d’une planète considérée comme menacée dans sa totalité. Le succès du film d’Al Gore (réalisé en 2006) témoigne de cette prise de conscience à double tranchant, à la fois aiguë et peu utile. On va alors parler de résilience individuelle, au mieux bricoler sans stratégie adaptée à la complexité d’un lieu, à sa géographie, à son histoire. Il plaide pour des politiques contextualisées de prévention des risques, une bonne gestion des infrastructures, une réflexion sur nos façons d’occuper un territoire et d’exploiter les ressources environnementales, sans « effondrisme », ce fatalisme climatique apparenté à la religion plus qu’à la connaissance scientifique. Il faut se dire que l’homme contribue grandement à la production des catastrophes et non le voir essentiellement comme une victime. / Nadine Richon

Catastrophes climatiques. Par Alexis Metzger. Le Cavalier Bleu (2021), 181 p.

Le combat de « papa Krafft » 

Cet ouvrage collectif retrace l’engagement sans faille du pasteur Antony Krafft-Bonnard (1869-1945) auprès des enfants rescapés du génocide perpétré sur le peuple arménien de Turquie, faisant plus d’un million de victimes entre 1915 et 1922. Le bienfaiteur a fondé un orphelinat à Begnins (Vaud) et un foyer à Genève et y a recueilli plus d’une centaine de jeunes Arméniens.

Explications contextuelles autour du massacre, témoignages permettant de se rendre compte de l’immense travail accompli par « papa Krafft » (aidé par son épouse et sa progéniture), comme le nommaient ses protégés, ou encore réflexions autour du traumatisme collectif composent notamment le livre. Illustré par des photos d’époque et enrichi de documents d’archives, il est codirigé par Pascal Roman, un arrière-petit-fils du pasteur et le directeur de l’Observatoire de la maltraitance envers les enfants à l’UNIL, et par Sisvan Nigolian, le fils de Barkev Nigolian, recueilli par Antony Krafft-Bonnard. /Noémie Matos

Sauver les enfants, sauver l’Arménie. Sous la direction de Pascal Roman et Sisvan Nigolian. Éditions Antipodes (2020), 208 p.

Homosexualités, une histoire de luttes

La « débauche contre nature ». Tels sont les termes par lesquels le Code pénal suisse de 1942 qualifiait alors l’homosexualité. Dans ce pays, celle-ci ne sera totalement dépénalisée qu’en 1992. Entre-temps, la reconnaissance est devenue objet de luttes. Des collectifs se sont mobilisés pour faire connaître leurs vues. Des organisations gaies et lesbiennes ont obtenu une légitimité auprès de l’appareil politique fédéral.

Fruit d’une recherche de l’historien et docteur en science politique Thierry Delessert financée par le FNS, cet ouvrage propose une histoire politique de ces combats citoyens. Il se fonde sur des sources inédites issues notamment des Archives fédérales suisses à Berne et des Archives Gaies Suisses à Zurich. Il analyse avec finesse la révision du droit pénal en matière sexuelle, les discours d’acteurs clés tels les juristes, les policiers, les psychiatres, les militants, les théologiens, et les influences des débats menés à l’étranger.
/Lysiane Christen

Sortons du ghetto. Histoire politique des homosexualités en Suisse, 1950-1990. Par Thierry Delessert. Éditions Seismo (2021), 280 p.

Laisser un commentaire