Qui croire ? Quelles sont les sources d’informations fiables ? Quel est l’impact des réseaux sociaux sur notre vision du réel ? Ces questions – et bien d’autres – seront traitées cet automne à l’UNIL, lors d’un cycle de conférences ouvertes au public.
«Fake news» et faits alternatifs, conspirationnisme contre « fact-checking ». Si elles enrichissent le vocabulaire, les élections américaines de 2016 et les premiers mois de la présidence Trump suscitent des questions et une certaine confusion au sujet de notre rapport à la réalité. Afin de tenter d’y voir clair, la Faculté des lettres et la Haute école pédagogique (HEP) lancent une formation interdisciplinaire. Elle est donnée sous la forme d’un cycle de six conférences le jeudi soir sur le campus de l’UNIL, dès le 26 octobre.
Bouddhisme et smartphones
Sous le titre « Multiplication des réalités : nouvelles ressources ou désinformation ?», les sessions mêlent des aspects théoriques et pratiques. Ainsi, la première rencontre va notamment revenir sur… le bouddhisme et les religions de l’Inde. Schématiquement, « nos perceptions et notre appareil psychique sont fortement impliqués dans la construction de ce qui apparaît comme la réalité, explique Philippe Bornet, membre du comité d’organisation et chercheur à la Section de langues et civilisations slaves et de l’Asie du Sud. Bien avant Matrix ou Black Mirror, nombre de traditions religieuses se sont posé des questions sur les mécanismes de la construction de la réalité et sur la vraie nature des choses. » La deuxième soirée, animée par des linguistes de l’UNIL, est consacrée aux outils rhétoriques de création d’effets de réalités, utilisés par les publicitaires, les médias ou les personnalités politiques.
Les deux conférences suivantes s’intéresseront au rôle pédagogique que peuvent jouer, à l’école, les réalités alternatives et les mondes virtuels. Avec leur jeune public très connecté, elles constituent des lieux intéressants pour parler des réalités, et notamment de ce qu’en font les réseaux sociaux. Les participants effectueront des exercices pratiques. Par exemple, Adrian Holzer (chargé de cours à l’EPFL) présentera un outil qui permet de faire émerger des opinions en direct dans une salle de classe, au travers de smartphones reliés à une console.
Rôle des outils numériques
L’un des fils rouges de la formation est tissé par « le rôle, qu’il soit positif ou négatif, joué par les outils numériques dans la présentation d’une version de la réalité », note Philippe Bornet. Ainsi, ces derniers permettent quotidiennement à certains médias de démonter des informations fausses. Mais « douter de tout peut mener au conspirationnisme, qui est une forme particulière de reconstruction de la réalité », note le chercheur. De plus, la notion de « faits alternatifs » incite à mettre toutes les sources sur un pied d’égalité, qu’il s’agisse d’un quotidien new yorkais ou d’un compte Twitter tenu par un lobbyiste.
La cinquième session va explorer le plaisir que procure la fiction, autant du côté des créateurs de mondes fictionnels que du côté des dispositions cognitives favorisant l’immersion dans une réalité alternative. Enfin, le cursus se conclut par une table ronde autour des algorithmes. « De manière automatique, ils créent un environnement de sens et nous présentent l’information en fonction de nos intérêts », remarque Philippe Bornet. Par exemple, les messages que Facebook empile sur nos « fils d’actualité » varient complètement d’une personne à l’autre. Lors de cette soirée, Jean Abbiateci du Temps va détailler le projet « Zombie », qui consiste à adjoindre des articles tirés des archives du quotidien à des actualités récentes, le tout de manière cohérente. Mais il est certain que la discussion avec les participants va s’aventurer du côté du rôle des médias dans la mise en scène de la réalité, d’autant que l’occasion sera donnée d’expérimenter des outils numériques tout au long de la formation.
Offre de formation
Science et philosophie
Donnée sur deux demi-journées (8 et 15 novembre 2017), cette formation propose à toutes les personnes intéressées d’explorer les étroites relations entre les sciences et la philosophie. On peut penser à la tradition classique et moderne (Descartes, Leibniz, Newton ou Kant) comme contemporaine (Husserl, Einstein, Russell ou Popper). Loin de s’ignorer, ces disciplines se sont nourries l’une de l’autre, dans un dialogue décisif aux multiples facettes. Ce cursus interdisciplinaire est donné par les professeurs Carole Maigné et Michael Esfeld (Section de philosophie de la Faculté des lettres).