En moyenne, moins de la moitié des étudiants franchissent leur première année de bachelor du premier coup. A quoi cela est-il dû ? Quelles solutions l’UNIL a-t-elle mises en place pour favoriser la réussite des débutants? Tour d’horizon.
«Début mars, et je stresse déjà pour mes examens.» Posté sur Twitter par une étudiante de l’UNIL, ce message reflète une préoccupation répandue. L’année propédeutique est particulièrement concernée. En effet, 42?% des débutants la surmontent au premier essai, toutes facultés confondues. Si l’on prend en compte les redoublants, toutefois, le taux de passage monte à 59%.
Ces pourcentages sont très comparables à ceux des autres universités suisses. Qu’on les estime inquiétants ou normaux, ils ne disent pas grand-chose de l’une des valeurs défendues par l’institution: la réussite. «Notre but ne consiste pas à faire échouer les étudiants en opérant une sélection massive, expose Jacques Lanarès, vice-recteur en charge du dicastère Qualité et Ressources humaines. Nous souhaitons que la majorité d’entre eux acquière les compétences attendues à la fin de leur cursus.» Des compétences qui permettent de s’insérer dans la société et de participer à son développement. Il s’agit d’une vision large de la réussite, pouvant impliquer une réorientation vers une autre filière, une haute école différente ou le monde professionnel.
Pour que les «étudiants n’échouent pas pour de mauvaises raisons», selon la formule de Jacques Lanarès, l’UNIL a mis en place un grand nombre de mesures destinées aux débutants. Avant de faire le tour des maux et des remèdes, petit rappel d’une règle : de manière générale, les personnes qui ratent deux fois leurs examens ne peuvent plus se présenter à nouveau dans leur filière de formation. Il s’agirait alors d’un «échec définitif» dans une filière. Les étudiants auront le droit de tenter leur chance dans une autre faculté – ou filière dans la même faculté –, une seule fois. Un nouvel échec est considéré comme «académique», ce qui ferme les portes des universités suisses. A l’UNIL, et c’est unique en Suisse, il est possible de se réimmatriculer après un délai d’attente de huit ans.
Choc culturel
La première cause d’échec réside dans le changement de monde par rapport au secondaire supérieur. L’université remet les compteurs à zéro. «Son fonctionnement et ses règles ne sont pas les mêmes qu’au gymnase», explique Sophie Gertsch, psychologue au Service d’orientation et carrières (SOC). Ainsi, entre une salle de classe où se trouvent 20 amis et un auditoire de 500 inconnus, la marge est importante. De manière assez classique, «les étudiants qui avaient de la facilité auparavant n’ont pas forcément développé leurs méthodes de travail et il arrive qu’ils tombent de haut.» D’autres comprennent «trop tard qu’ils doivent s’adapter», remarque Elisabeth Hoffmann, responsable du SOC.
Pour amortir cette transition, le SOC organise deux demi-journées de cours facultatifs, baptisées «A vos marques», pendant la semaine d’accueil qui précède chaque rentrée de septembre. L’organisation de l’institution (services, bibliothèques, activités culturelles et sportives), ainsi que les stratégies de travail efficaces sont présentées à cette occasion. Dans certaines facultés, des programmes de mentorat et de tutorat contribuent également à faciliter l’intégration des nouveaux et l’acquisition de compétences tranversales (lire l’article). Le but de ces mesures consiste à faire prendre conscience qu’être étudiant, c’est un métier qui s’apprend.
De la méthode
Ce job implique l’acquisition rapide de compétences. Comme par exemple «gérer de grandes quantités de lectures, articuler entre elles des connaissances en apparence disparates, synthétiser la matière et rédiger davantage», détaille Jacques Lanarès.
Dès le mois d’octobre, et au printemps, plusieurs ateliers «réussite» sont organisés afin de fournir les outils nécessaires. «Nous travaillons de manière très pratique sur la mémorisation, la prise de notes, les schémas holistiques (mind mapping), la gestion du temps et du stress, ainsi que la préparation aux examens», indique Sarah Augsburger, chargée de méthodes au SOC et responsable de ces formations facultatives.
Baromètre hivernal
Le semestre file très vite. Moins de quatre mois séparent la rentrée des examens de janvier. Afin de faire le point sur la manière dont les premières années de bachelor vivent leurs semaines initiales dans les auditoires, le SOC et la Fédération des associations d’étudiant-e-s (FAE) mènent depuis 2006 l’enquête téléphonique annuelle «Comment allez-vous?» En novembre-décembre 2014, 2538 personnes ont été appelées par une équipe de 20 étudiants confirmés. Le taux de réponse a été de 41%.
Les entretiens, d’une quinzaine de minutes, font le tour des grandes questions, comme la satisfaction quant à leur choix d’études, le logement, le travail à côté des cours, les soucis rencontrés, etc. «Cette démarche, qui s’inscrit dans nos mesures d’accueil, permet surtout de présenter une fois de plus les ressources disponibles sur le campus», explique Elisabeth Hoffmann. Enfin, les personnes en difficulté repérées à cette occasion se voient proposer un rendez-vous avec les psychologues du SOC.
Du temps!
«Nous sommes en train de mettre en place les conditions nécessaires pour commencer à réviser demain.» Entendue dans une cafétéria de l’UNIL à quelques jours du début des examens de juin dernier, cette petite phrase est un classique du genre. L’enquête Comment allez-vous? révèle que la gestion du temps, l’organisation et l’autodiscipline sont des manques récurrents. «Certains estiment que le fait de ne pas avoir de cours se traduit par un moment de congé», sourit Jacques Lanarès.
Pourtant, des parades existent. «Lors des ateliers “Réussite” consacrés à la gestion du temps, je constate que la moitié des étudiants n’ont pas du tout de planning hebdomadaire, ou qu’il n’est pas très clair.» La solution consiste donc à reporter les heures de cours, de travail personnel, de loisirs et à juger de l’équilibre obtenu. Un mot important, relevé par Sophie Gertsch, psychologue au SOC. «L’erreur classique consiste à tout lâcher pour se consacrer uniquement aux études. Or, continuer à faire du sport, maintenir une vie associative, culturelle ou sociale est essentiel pour maintenir sa motivation et ses forces sur une longue période.» L’UNIL compte plusieurs athlètes d’élite qui poursuivent avec succès leur carrière sportive et leur cursus en parallèle.
Toutefois, pour de nombreux étudiants, la vie universitaire implique de quitter sa famille, de prendre sa première colocation – avec ce que cela implique de tâches quotidiennes –, de trouver un emploi à côté des cours pour gagner des sous. D’où un autre risque: celui de déplacer les priorités sur cette nouvelle autonomie et de perdre de vue les études.
Où vais-je?
Le goût pour les études peut représenter un motif plus diffus d’échec. Certains sont poussés par leurs parents vers une discipline qui ne les passionne pas, d’autres font un choix utilitariste dans l’optique d’une profession rêvée. L’entrée à l’UNIL «par défaut» n’est pas idéale non plus. Bref, une mauvaise orientation décourage. Or, «la motivation est le carburant qui permet de tenir jusqu’au bout», indique Jacques Lanarès. Il est donc important de réagir tôt si l’on se sent mal à l’aise. Le changement de faculté est possible facilement jusqu’à la fin septembre. Plusieurs centaines de ces passages ont d’ailleurs lieu chaque année.
«Le mode d’enseignement peut dérouter», explique Elisabeth Hoffmann. Il y a bien sûr les auditoires pleins dans lesquels seuls les plus courageux osent poser des questions. Mais également le fait que «les professeurs sont des spécialistes de leur domaine de recherche, relève Jacques Lanarès. Certains d’entre eux sous-estiment la densité des concepts nouveaux qu’ils exposent à un rythme soutenu, car ils leur semblent naturels.» Il n’est de loin pas suffisant de simplement écouter l’enseignant et de prendre des notes: lire les ouvrages conseillés est nécessaire. Ensuite, le niveau d’abstraction de certains cours ne plaît pas à tout le monde. Puisqu’apprendre, «c’est comprendre de nouvelles notions et les relier à ce que l’on connaît», certains étudiants ont l’impression que le contenu enseigné échappe à leurs préoccupations immédiates. L’élaboration progressive d’un projet d’études, puis professionnel viendra améliorer les perspectives.
Montée d’adrénaline
Les premiers examens ayant lieu en janvier, la fébrilité gagne les auditoires vers la fin de l’année. S’il est anormal de ne pas ressentir de stress à cette occasion, son accumulation peut déboucher sur des crises de panique. Pour éviter cela, il faut bien entendu réviser à temps et ne pas se laisser déborder. De plus, le SOC et l’équipe d’infirmières de l’Accueil santé organisent des ateliers de gestion du stress, de relaxation et des séances de yoga.
Les révisions sont également l’époque où la Bibliothèque cantonale et universitaire constitue le centre de la vie estudiantine. L’occasion «de travailler en groupe avec une équipe d’amis, pour par exemple comparer et partager les notes ou préparer les oraux», note Sarah Augsburger. De plus, la pression des pairs et l’ambiance studieuse qui règne entre les rayonnages contribuent à mettre au boulot les plus réticents. Mais «ce phénomène peut être anxiogène, quand on remarque que d’autres ne prennent jamais de pauses», souligne Sophie Gertsch. Comme les cycles d’apprentissage varient d’une personne à l’autre, seule une certaine maturité permet de se rendre compte qu’il faut viser la qualité de l’apprentissage, et non la quantité.
A l’heure du bilan
Le SOC offre des permanences et la possibilité de prendre des rendez-vous individuels avec ses psychologues. Chaque année, 400 personnes le font. «Pour bien des débutants, un revers aux examens à l’UNIL représente le premier de leur vie. En termes humains, c’est coûteux», note Elisabeth Hoffmann. Mais l’insuccès constitue aussi l’occasion de prendre de vraies décisions: est-ce que je redouble? Est-ce que je change de voie, à l’UNIL ou ailleurs? «Notre travail consiste alors à redonner confiance aux étudiants en leurs ressources pour avancer et à les aider à prendre la bonne décision», ajoute la responsable.
Dans ce cadre, le nouvel atelier «Passer de l’échec à la réussite», organisé fin février, sert à tirer un bilan sur les méthodes de travail qui n’ont pas été efficaces, les changements à envisager et, de manière plus générale, sur la motivation et le projet personnel d’études. «Poser des mots sur ce qui n’a pas marché rend les progrès plus faciles», explique Sophie Gertsch.
«Il ne faut pas réduire la réussite au fait de passer – ou non – les examens de première année», conclut Jacques Lanarès. Apprendre à travailler en groupe, acquérir des compétences transversales que l’on peut utiliser dans le monde professionnel – comme la capacité d’adaptation – ou encore trouver sa voie, que ce soit à l’université ou ailleurs, en sont de bien meilleurs indicateurs. Même si le parcours dans les auditoires tourne court, chacun devrait en avoir retiré une forme ou l’autre de réussite.
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