«Ces expériences ont révolutionné l’archéologie»

Des membres de l’association Cladio en pleine bataille, à côté de l’oppidum du Mont Vully. L’archéologie expérimentale, qui implique de simuler des combats, a révolutionné la discipline.
© Association Cladio

Certains enfants jouent aux policiers et aux voleurs, d’autres aux cow-boys et aux Indiens. On trouve même des adultes qui jouent aux Gaulois et aux Romains.

Le professeur d’archéologie à l’UNIL Thierry Luginbühl et ses étudiants ont mené durant une dizaine d’années des expériences sur l’armement et les techniques de combats celtiques dans le cadre de l’association Cladio («épée» en Gaulois). Cela consiste notamment à simuler des batailles entre des guerriers celtes et des légionnaires romains, comme entre tribus gauloises, avec des équipements reconstitués et le maximum de réalisme possible.

Sous le nom d’archéologie expérimentale, ces expériences ont «révolutionné notre discipline, explique le chercheur. Tout ce qui a été écrit avant ce type d’expériences sur l’équipement et les techniques militaires de l’Antiquité a pu être réécrit. Si on n’a pas essayé, on ne sait rien. L’expérimentation est une approche quasi-démonstrative, puisque c’est le seul moyen de prouver que nos théories sont valables. Si on arrive à reproduire un récipient en céramique à l’identique, c’est que nous avons compris les techniques qui étaient employées par les potiers gaulois.»

C’est d’ailleurs dans le domaine de la poterie que Thierry Luginbühl a fait ses premières expériences avec un artisan établi à Cuarny (VD), Pierre-Alain Capt, aujourd’hui reconnu par les chercheurs européens comme l’un des meilleurs «archéo-céramistes». Les armes sont venues ensuite. «Nous avons commencé à travailler avec des forgerons liés au Musée du Fer de Vallorbe pour reproduire des répliques, fondées sur les découvertes de nécropoles et de sanctuaires, dans le but de tester leur ergonomie et leur résistance.» Des armes offensives en fer ne pouvant évidemment être employées pour des expérimentations de combat (non chorégraphié), l’étape suivante a été de produire des armes sécurisées et de tester leur emploi dans le cadre de duels, puis de combats en formation, dont les plus importants ont rassemblé une centaine de participants. Plus d’une centaine de batailles expérimentales organisées avec une quinzaine de troupes européennes ont permis d’acquérir des masses d’informations portant aussi bien sur les postures, les coups et les parades, que sur le potentiel des formations, la manœuvre ou la chaîne de commandement.

Au XXIe siècle, ces reconstitutions d’objets antiques sont par ailleurs «un extraordinaire moyen de communiquer avec le grand public. Manier ces répliques est plus intéressant que de regarder des vestiges dans une vitrine. Le port d’un casque, le test d’armes de jet ou le maniement d’une épée et d’un bouclier laissent des impressions très fortes en permettant d’approcher le ressenti des combattants de l’époque.»

Aujourd’hui, dans un nouveau domaine d’expérimentation, une autre association estudiantine, les Meduobranes, s’est spécialisée dans les techniques brassicoles. «?Les étudiants produisent une cervoise de type protohistorique, sans gaz et sans houblon, qui peut être stabilisée et parfumée avec différents types de végétaux, de l’aspérule à l’érable, détaille Thierry Luginbühl. Il en résulte un type de boisson très surprenant pour des palais occidentaux du XXIe siècle. Cette boisson ressemble plus à du tchaï de l’Himalaya qu’à la bière que nous connaissons, avec un petit goût acide alcoolisé (4-5 degrés) qui fait merveille. Cette boisson est proposée dans la plupart de nos animations et c’est un des stands les plus populaires.»

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