Un ouvrage factuel et clair consacré à la transition énergétique en Suisse vient de paraître. Destiné au grand public, il fournit les bases nécessaires pour comprendre des enjeux d’avenir.
L’an passé, en moyenne, chaque Suisse s’est passé de courant pendant 22 minutes seulement. De fait, les coupures sont si rares que notre approvisionnement en électricité semble aller de soi. Ce dernier ne fait pas l’objet de discussions enflammées à l’heure du café. Les faibles prix du kilowattheure et du pétrole contribuent à cette torpeur… provisoire.
En 2011, le Parlement a décidé d’une sortie du nucléaire – sans fixer de délai. La mise hors-service de nos cinq réacteurs «va se traduire par un déficit important dans notre production nationale d’électricité: plus du tiers de notre consommation électrique actuelle», peut-on lire dans un ouvrage publié aux PPUR. Concocté par François Vuille et Daniel Favrat (Centre de l’énergie de l’EPFL), ainsi que par Suren Erkman (Faculté des géosciences et de l’environnement de l’UNIL), Comprendre la transition énergétique s’avère très utile.
Chapitré en 100 questions (et autant de réponses vérifiées par des experts), ce livre ne requiert d’avoir assimilé qu’une seule notion de base: le térawattheure (soit 1 milliard de kilowattheures). Notre pays en dévore 250 par an (dont 24% sous forme d’électricité).
Riche en infographies, le texte se lit en sautant d’un chapitre à l’autre, de manière libre. On bondit ainsi de l’avenir des barrages au potentiel du solaire, en passant par les Etats sources de notre pétrole brut (34% provient de Libye et 30% du Kazakhstan). Même si les auteurs ne jouent jamais les Cassandre, «combien de temps la Suisse pourrait-elle tenir sans importer d’énergie?», ne rassure pas tellement. «4,5 mois sans importer de produits pétroliers et de gaz naturel, et seulement 1 à 3 semaines en hiver sans importer d’électricité.» Plus près de la vie quotidienne, les économies réalisables grâce au standard Minergie, l’intérêt des bâtiments autonomes ou la pertinence de l’achat d’une voiture électrique font également partie des questions traitées.
S’ils ne sont pas devenus incollables après la lecture de Comprendre la transition énergétique, les curieux peuvent approfondir leurs connaissances et tester différentes stratégies possibles pour l’avenir grâce à la plateforme d’information Swiss-Energyscope (www.energyscope.ch), où un cours en ligne (courtes sessions de 12 minutes chacune) est même à leur disposition. Une version plus complète des réponses s’y trouve.
Au-delà des aspects techniques, «la difficulté des enjeux énergétiques réside dans leur instrumentalisation et leur politisation, explique Suren Erkman, professeur d’Ecologie industrielle. Dans ce contexte baigné par les idéologies, produire un ouvrage factuel sur la durabilité devient presque subversif» ! C’est pourtant exactement l’ambition des auteurs. Ces derniers souhaitent aussi que leur ouvrage fournisse des informations fiables non seulement aux parlementaires et décideurs amenés à traiter de la transition énergétique, mais également aux citoyens. Ces derniers vont certainement devoir s’exprimer sur ce thème dans les prochaines années.
Car la Suisse a une équation compliquée à résoudre. Le pays va devoir remplacer cinq réacteurs nucléaires et réduire sa dépendance aux combustibles fossiles étrangers tout en maintenant, voire en améliorant le niveau de vie des habitants. «Il est difficile de placer la barre plus haut», relève Suren Erkman. Comprendre la transition énergétique évite le double écueil du catastrophisme et de la foi béate en la technologie. Mais ses auteurs relèvent que «plus nous tarderons à nous décider sur la voie à suivre, moins nous aurons d’options parmi lesquelles nous pourrons choisir». L’information constitue une étape nécessaire sur ce chemin.