Grâce au Covid-19, nous n’avons jamais autant parlé de science. Et à cause de cette pandémie, nous ne nous sommes jamais autant disputés. Les émotions sont montées à un niveau tel que de nombreux chercheurs ont été menacés de mort, parce qu’ils ont défendu dans les médias des politiques impopulaires, parce qu’ils ont critiqué ces choix sanitaires, ou tout simplement parce qu’ils ont publié des articles dans des revues savantes.
Le point positif, c’est que nous avons élargi notre culture scientifique durant ces mois de confinement. Nous avons notamment découvert une nouvelle discipline, l’épidémiologie. Depuis février 2020, tout le monde s’y est mis, à commencer par les chefs d’État. Emmanuel Macron a été couronné «président épidémiologiste» par Le Monde, et nous avons vu le président Parmelin se lancer dans des analyses de courbes épidémiologiques, lors des conférences de presse du Conseil fédéral.
Tout le monde y est allé de sa formation accélérée en la matière, que ce soit pour placer un commentaire dans les apéros Zoom, le nouvel avatar du Café du Commerce, ou tout simplement pour comprendre ce qu’il nous arrivait.
À force de regarder débattre les spécialistes, nous avons appris de nouveaux mots à une vitesse exponentielle, comme variant, écouvillon, nasopharyngé, asymptomatique, distanciation physique, cluster, comorbidité, essai randomisé, ARN messager et télétravailler. Et nous avons découvert de nouvelles tribus, ici les rassuristes, là les enfermistes, et, un peu à l’écart, les complotistes. Bref, à une époque où les médecins demandent un consentement éclairé à leurs malades, nous avons été informés comme jamais sur le débat de santé de l’année. Sur-informés, mais si peu éclairés.
Parce que, côté face d’ombre, la pandémie et son cortège de mesures ont provoqué des disputes mémorables. On peut imaginer que les mois passés en confinement plus ou moins strict ont chauffé les esprits. Et nous avons mesuré avec la montée en tension de nos sociétés tout l’impact des peurs qui ont été suscitées, voire mobilisées dans cet épisode sanitaire.
Pour ne rien arranger, les mesures sanitaires exceptionnelles ont fragilisé d’innombrables commerces et emplois. Elles ont aussi contribué à pousser les gens à leurs extrémités.
Enfin, la science a été rattrapée par la politique. Notamment aux États-Unis, mais pas seulement. Là-bas, durant la campagne présidentielle la plus électrique depuis longtemps, porter un masque ou réclamer de la chloroquine à son médecin sont devenus des gestes plus militants que médicaux.
À l’arrivée, un constat désolant : nous n’avons jamais trouvé la bonne manière de dialoguer, ou même d’échanger nos différences sur ces sujets sensibles, comme le regrette une chercheuse de l’UNIL dans ce numéro.
C’est dommage, parce que tout indique que le Covid-19 n’est pas le dernier problème politico-scientifique complexe que nous aurons à résoudre dans les années qui viennent. Pour ne pas retomber systématiquement dans le psychodrame, il faudra trouver au plus vite un vaccin contre les passions du Covid-19, et des autres débats empoisonnés qui vont lui succéder.