Depuis 2012, les immenses collections du Château de La Sarraz font l’objet de recherches menées par des étudiants en Histoire de l’art. Un projet concret, pédagogique et patrimonial. Complément de l’article paru dans Allez savoir ! 61, 24 septembre 2015.
De hautes salles silencieuses, une succession de couloirs décorés de portraits d’ancêtres, des meubles anciens et une porte qui claque sous l’effet des courants d’air. Le Château de La Sarraz tient à la fois du labyrinthe et de la demeure familiale. Plutôt agréable, l’édifice n’abrite aucun fantôme. En ce tiède mardi après-midi de printemps, il accueille douze étudiants et chercheurs bien réels, qui terminent ce jour-là un séminaire en Histoire de l’art.
L’un des buts de ce dernier consiste à poursuivre un inventaire des collections, entamé en 2012. «Je laisse aux étudiants le libre choix de leur corpus de travail, pourvu qu’il soit cohérent», explique Dave Lüthi, professeur associé en Section d’histoire de l’art. Ainsi, mobilier, malles, tableaux, porcelaines, argenterie, coussins et broderies ont été répertoriés au fil du temps.
Les participants semblent ravis de l’exercice. En effet, il implique de manipuler des objets centenaires, de se poser des questions sur leur origine, sur leur utilisation. Il permet d’acquérir des connaissances utiles dans le créneau peu occupé de l’expertise mobilière. Plusieurs articles scientifiques ont déjà été publiés. «Le séminaire crée des spécialistes», note son responsable.
L’inventaire poursuit d’autres buts. L’association qui gère le château – désormais fermé au public – connaît de grandes difficultés financières. Elles empêchent par exemple l’engagement d’un conservateur. «Notre campagne de valorisation alerte les pouvoirs publics sur l’importance des collections», ajoute Dave Lüthi, qui souligne l’excellente coopération qui existe avec Catherine Vermeil, intendante des lieux.
Les salons, combles et resserres contiennent de quoi occuper des chercheurs pendant des éons. Ils contiennent en effet quatre à cinq siècles d’accumulation d’objets de la vie quotidienne, en lien avec les goûts de la famille de Gingins-La Sarra. Il s’y ajoute les collections du Musée romand lancé par le dernier châtelain, Henri de Mandrot (1861-1920), et les œuvres d’art acquises ou reçues par son épouse, la mécène Hélène de Mandrot (1867-1948).
Malgré les incertitudes qui pèsent sur la bâtisse, les étudiants du séminaire de l’édition 2015 ont œuvré pour l’avenir. En effet, sur la base d’anciens inventaires et d’un dessin du Grand salon daté des années 1860, ils ont proposé une restitution de cette pièce impressionnante. «Nous avons fouillé tout le château pour retrouver les meubles qui s’y trouvaient à l’époque», explique Laura Acosta Jacob, l’une des participantes. Cela n’a pas toujours été possible. Mais après des débats, des essais de mise en place et même des votes, un ensemble de fauteuils, de chaises, de tables et de commodes a été installé, donnant un sentiment agréable de cohérence. Le visiteur découvre de splendides œuvres réalisées par Matthäus Funk, un ébéniste bernois très coté du XVIIIe.
«Nous imaginons ainsi la future muséographie du château», note Dave Lüthi. Il est intéressant de demander à de jeunes étudiants comment exposer aujourd’hui d’antiques fusils ou des meubles Louis XV. C’est cette direction que le prochain séminaire prendra, dans l’optique d’une réouverture de l’édifice au public.