Artémis règne sur les marges

La déesse de la chasse a joué de nombreux rôles dans la Grèce antique. Protectrice des jeunes gens, elle est invoquée lors des moments de transition ou de crise, que ce soit dans la vie des humains ou celle des cités. Meurtrière, elle recourt pourtant à la ruse pour éviter le massacre de populations. Sauvage, elle se fait rassembleuse après une guerre civile. Objet de désir, elle tue les imprudents qui s’approchent trop près d’elle. Portrait d’une divinité borderline, grâce aux regards croisés de l’archéologie et de l’anthropologie des religions.

Détail de la frise est du Parthénon, où est représentée la déesse Artémis. Marbre, 447–422 av. J.-C., atelier de Phidias. Musée de l’Acropole, Athènes. © akg-images/Erich Lessing

«Je chante la bruyante Artémis aux flèches d’or, la vierge vénérée, l’archère qui de ses traits frappe les cerfs, la propre sœur d’Apollon au glaive d’or, celle qui par les montagnes ombreuses et les pics battus par les vents, bande son arc d’or pur, toute à la joie de la chasse, et lance des flèches qui font gémir […] ». Cet extrait de l’Hymne homérique à Artémi), un poème anonyme datant d’au moins 25 siècles, nous présente la déesse dans ses contextes les plus connus, la vénerie et les espaces sauvages. Ses domaines s’étendent toutefois bien plus loin.

I   Des origines lointaines

Même si les sources nous proposent différentes versions de l’histoire, Artémis est la sœur (parfois jumelle) d’Apollon. Fille adultère de Zeus et de la Titanide Létô, elle est née sur un îlot perdu, au terme d’un accouchement difficile qui a duré neuf jours et neuf nuits. Héra, épouse trompée du roi des dieux, a tout fait pour rendre cette double naissance compliquée. 

L’histoire de la chasseresse remonte loin. «Dans l’Iliade, soit au VIIIe siècle1), Artémis apparaît sous la désignation de Potnia Thérôn, soit “Maîtresse des bêtes sauvages”», indique Matteo Capponi, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité (ASA). Cette dénomination est liée à plusieurs déesses orientales de l’âge du bronze, également proches des animaux, comme Anat ou Cybèle.

Alors que ces dernières constituent des figures féminines adultes, «l’Iliade remodèle Artémis pour l’inscrire dans le domaine de l’adolescence, note Matteo Capponi. Ainsi, lors d’un conflit entre les dieux dans le cadre de la guerre de Troie, soit un épisode de théomachie, Héra rappelle brutalement à la déesse de la chasse qu’elle n’a rien à faire sur un champ de bataille, lui arrache son carquois et la gifle. En pleurs, la jeune fille abandonne son arc et se réfugie chez son père Zeus.»

Au fil du temps, «Artémis a été intégrée dans la tapisserie de la mythologie grecque grâce à la poésie et aux épopées», image le chercheur. Certains auteurs ont même eu une affinité particulière avec elle. Ainsi, elle est évoquée dans trois tragédies d’Euripide, au Ve siècle. Il «la fait même entrer en scène à la fin d’Hippolyte, au moment où ce dernier est mourant» à cause de la jalousie d’Aphrodite. La fille de Létô promet alors de venger le jeune homme… en tuant l’un des amants de la déesse de l’amour.

Sylvian Fachard et Matteo Capponi. Professeur. Maître d’enseignement et de recherche. Tous deux à l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité (Faculté des lettres). Nicole Chuard©UNIL

II   Petite et grande histoire

Artémis, déesse de tous les dangers. Le titre de l’ouvrage de l’helléniste Pierre Ellinger renvoie à l’aura de péril qui émane de la chasseresse. Adolescente, elle symbolisait une période agitée de la vie. «Les Grecs de l’Antiquité l’invoquaient à l’occasion de crises, de moments de vulnérabilité ou lors de rites de maturation», note Samuel Verdan, chargé de recherche à l’UNIL et à l’École suisse d’archéologie en Grèce (ESAG).

La déesse a joué ainsi un rôle important dans le passage à la vie adulte. Par exemple, «des jeunes Athéniennes de bonne famille étaient envoyées quelque temps au sanctuaire d’Artémis de Brauron», relève Matteo Capponi. Ce site est situé sur la côte est de l’Attique, à la hauteur d’Athènes. Là, «les filles prépubères portaient une robe safran, la crocote, et se livraient à des rituels d’initiation, ce que l’on appelait “faire l’ourse”. La violence associée à cet animal fait écho à celle qui traverse l’adolescence, et constitue également l’une des caractéristiques de la déesse.»

Des jouets d’enfants ont été retrouvés au sanctuaire de Brauron, un signe qu’après avoir «fait l’ourse», les jeunes filles retournaient en ville en ayant abandonné leur part sauvage pour entrer dans le monde des futures épouses, domaine d’Héra. «En grec ancien, c’est le même terme damazein qui décrit la domestication des animaux et la soumission des femmes au joug du mariage», explique Matteo Capponi.

Artémis intervenait plus tard, dans la vie des futures mères. «La déesse se tenait là, menaçante, lors des accouchements. Il fallait composer avec elle, afin que ses traits mortels épargnent la parturiente», remarque Samuel Verdan. Dans le passage de l’Iliade mentionné plus haut, Héra qualifie la chasseresse de «lionne pour les femmes que Zeus te permet de tuer à ton gré». Elle endossait ainsi un rôle paradoxal (pour nous), à la fois de protectrice et de meurtrière.

La déesse était également impliquée lors de l’initiation des jeunes hommes, par exemple au sanctuaire d’Artémis Orthia à Sparte, ou dans celui d’Artémis Amarysia à Amarynthos, sur l’île d’Eubée (au nord d’Athènes). Ce site important fait l’objet de recherches de grande ampleur, menées par l’ESAG (lire également Allez savoir! no 70). «Dans un dépôt mis au jour en été 2022, nous avons découvert des boucliers et des casques, indique Sylvian Fachard, directeur de l’ESAG et professeur à l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité. Le service militaire, effectué de 16 à 18 ans, constituait une période de transition dans la vie des jeunes hommes, les éphèbes. Une fois ce devoir terminé, les adolescents étaient reconnus en tant que citoyens et dotés de droits politiques.» Pour le chercheur, il paraît vraisemblable qu’Artémis possédait une fonction protectrice pour ces cadets militaires et que certains d’entre eux la remerciaient en lui sacrifiant des éléments d’armures. À ce titre, les éphèbes participaient à la procession des Artemisia, qui reliait Erétrie au sanctuaire.

Nous avons vu plus haut qu’Artémis n’est pas une combattante. Toutefois, elle était implorée en tant que «salvatrice» quand une communauté était menacée de destruction, comme l’a écrit l’historien et anthropologue Jean-Pierre Vernant. Les textes proposent plusieurs histoires lors desquelles, grâce à la ruse, la déesse a permis à une population en danger d’être massacrée d’échapper à son destin, ou à une cité d’éviter l’anéantissement.

III   Une divinité géolocalisée

Pour rendre l’image un peu plus complexe, les attributions déjà nombreuses de la déesse variaient selon les lieux. Chaque cité possédait sa manière de la célébrer. Elle était dotée d’épithètes (des adjectifs) afin de «cerner l’aspect de la divinité qui était invoqué, précise Matteo Capponi. Par exemple, une prière à Artémis elaphebolos, c’est-à-dire “tueuse de cerfs”, mettait l’accent sur sa fonction de chasseresse. Lorsqu’elle était qualifiée de limnatis, cela renvoyait à son domaine des espaces intermédiaires, comme les marécages. Une foule d’épithètes, liées à des fonctions et à des lieux, coexistaient à la fois dans les champs cultuel et poétique.» 

Cette richesse lexicographique concernait tous les dieux grecs, auxquels il convient d’ajouter quantité de héros, de cours d’eau ou de montagnes divinisés. Cette diversité a pour corollaire que les voyageurs, en se déplaçant de ville en ville, rencontraient différentes Artémis, mais aussi des Apollon ou Zeus aux attributions changeantes. Ces figures connues de tous étaient en effet réinscrites «dans le contexte local, ce qui ne posait aucun problème aux Grecs de l’Antiquité», ajoute Matteo Capponi. Pour nous, l’appréhension de ce polythéisme implique un petit exercice de décentrement. «Il faut penser le panthéon grec à la manière d’un système mouvant, d’une constellation dynamique dans laquelle chaque divinité est définie en fonction des autres, indique Matteo Capponi. Par exemple, si Artémis règne sur les marges et veille sur les jeunes filles, Héra garde le foyer et les femmes mariées tandis que Déméter assure la fertilité des terres cultivées.»

IV   Coup d’œil sur la «religion» grecque

À l’UNIL, Matteo Capponi propose à ses étudiants un cours d’introduction à la «religion» grecque. Pourquoi ces guillemets? «Parce que, en grec ancien, il n’existe pas de terme qui corresponde à cette notion.» Ainsi, c’est à travers la langue et les rites, soit de manière sensible, concrète, que le chercheur tente de faire ressentir ce que le rapport au divin pouvait signifier pour les Grecs de l’Antiquité. Le titre d’un ouvrage de l’historien John Scheid, Quand faire c’est croire, est emblématique de cette idée, inscrite dans les courants de pensée structuralistes. 

«La “religion” n’est pas fondée sur la croyance, mais sur les actes. Vous encouriez la colère d’une divinité si vous n’accomplissiez pas les actes qu’elle attendait de vous. Mais en échange, par le biais du sacrifice, de certaines pratiques, ou même en offrant un poème, vous pouviez demander des faveurs, voire les revendiquer.» Le verbe prier, euchomai, a pour étymologie première «je me flatte de», «je me vante de» ou «j’ai le droit de demander». Matteo Capponi trouve «beau que l’on puisse ainsi tutoyer les dieux».

Cette statuette de pierre de 31 cm a été mise au jour en été 2022 au sanctuaire d’Artémis à Amarynthos, dans le cadre des fouilles menées par l’École suisse d’archéologie en Grèce. ©ESAG, 2022

V   Visite à Amarynthos

La découverte d’une élégante statuette du VIe siècle sur le site du sanctuaire d’Artémis à Amarynthos, en juillet 2022, nous permet d’approcher de plus près le culte de la déesse et son importance dans la société. Cet objet, parmi de nombreux autres, a été mis au jour dans le cadre des fouilles de l’École suisse d’archéologie en Grèce. Il s’agit d’une figure féminine de 31 centimètres de haut, portant un cervidé (voir l’image ci-dessus).

Son interprétation n’est pas simple. «Le personnage représenté, qui pourrait être une jeune femme ou un jeune homme, immobilise fermement l’animal. Ce dernier est donc vivant», explique Samuel Verdan. Il pourrait s’agir d’un dédicant qui offre un animal en sacrifice, plutôt que d’une représentation d’Artémis, car aucun arc n’est visible.

En Grèce notamment, d’autres objets similaires ont été découverts, également dans des contextes artémisiaques. Mais un détail surprend ici. « La tête du cervidé est posée délicatement sur l’épaule du personnage, une posture qui n’a à ma connaissance pas d’équivalent. L’artiste a-t-il voulu souligner un lien plus étroit entre l’humain et l’animal, comme un jeu de ressemblance entre les deux?», ajoute l’archéologue, qui avance une idée personnelle. «Et s’il s’agissait d’une forme de compensation? Imaginons que cette statuette représente une femme entrée récemment dans le monde des adultes. Afin de remercier Artémis de lui avoir permis de quitter sans dommage son domaine, celui de l’adolescence, la dédicante aurait pu lui offrir un faon, lui abandonnant ainsi une partie d’elle-même, c’est-à-dire sa jeunesse.» Ce geste serait similaire à l’abandon de jouets aux pieds de la déesse, attesté aux sanctuaires de Brauron ou de Sparte. 

VI   Une déesse civique

Le sanctuaire d’Artémis à Amarynthos possède «un aspect civique important», relève Sylvian Fachard. La fête des Artemisia s’y déroulait au début du printemps. Une foule venue de la ville d’Érétrie, située à environ 11 kilomètres, mais également d’autres cités et villages, se déplaçait pour l’occasion. Le géographe Strabon mentionne la présence de 3000 hoplites (des fantassins), 600 cavaliers et 60 chars. «Ce cortège, en armes, se rendait au sanctuaire où étaient exposées des stèles importantes, comme un traité passé entre Érétrie et la cité eubéenne d’Histiée, ou une convention au sujet d’un conflit, nouée avec une autre ville de l’île, Chalcis», ajoute l’archéologue.

Une «loi des Artemisia» gravée dans la pierre, datée des années 340-330, livre des détails sur cet événement. En voici un extrait: «[…] afin que nous célébrions la fête d’Artémis de la plus belle façon possible et que le plus grand nombre participe au sacrifice, […] la cité organisera un concours musical à hauteur de mille drachmes, en l’honneur de la Médiatrice et de la Gardienne.» Tout à la fin, on peut lire que «le décret sera gravé sur une stèle en pierre et érigé dans le sanctuaire d’Artémis, afin que le sacrifice et la compétition musicale adviennent ainsi pour toujours, les Érétriens étant libres, prospères et indépendants.»

Sylvian Fachard décortique ces lignes. «Les derniers mots font référence à une période de guerre civile, en Eubée, au milieu du IVe siècle. Elle a opposé les tenants de la démocratie et ceux de la tyrannie, pour faire court. Outre des divisions internes, l’île a connu une occupation étrangère», explique l’archéologue. La fête des Artemisia «a probablement eu pour fonction de ressouder le corps civique après ces troubles, dans un processus de guérison et d’apaisement». La stèle précise que la présence des dirigeants des agglomérations alentour, les démarques – le mot est encore utilisé de nos jours pour désigner les maires – est requise pour l’occasion. La population se rassemble donc au sanctuaire, autour de la déesse. Le mot «Médiatrice», au début du texte (lire plus haut), souligne cette fonction rassembleuse au sein de la communauté. Le terme «Gardienne» renvoie à sa mission salvatrice. Nous avons vu en effet qu’elle était invoquée lorsqu’il fallait sauver des cités des ravages de la guerre. 

Voici un bel exemple d’imbrication complète du «religieux» et du civique dans un sanctuaire, à l’occasion d’une fête. Sylvian Fachard se risque à la décrire. «L’événement était sans doute populaire parce qu’on s’y divertissait beaucoup! À côté des cérémonies et du concours musical, bien doté en prix, la population pouvait bénéficier de la viande issue des sacrifices offerts à la déesse, ainsi que de vin. Comme aucune taxe n’était prélevée, des marchands proposaient leurs produits. La fête durait plusieurs jours, et on dormait sur place.» Ces journées et ces nuits étaient aussi l’occasion de susciter des rencontres entre les jeunes gens. En effet, les femmes grecques de l’Antiquité avaient peu l’occasion de se mêler aux hommes.

VII   Des marges bien connectées

On pourrait s’imaginer que le sanctuaire d’Amarynthos, ou Artemision, était perdu au milieu de nulle part, car cet isolement résonne bien avec les domaines favoris de la déesse, les espaces sauvages et les marges. Mais les prospections menées récemment par les scientifiques de l’ESAG, qui ont exploré les territoires entourant le site afin de dresser des cartes de l’habitat antique, montrent que de nombreux chemins reliaient le temple aux villages et cités d’Eubée, et que les alentours du site ont été habités (cette recherche récente est détaillée dans le rapport annuel 2022 de l’ESAG, sur esag.swiss). La contradiction n’est qu’apparente, pour Sylvian Fachard. «Une déesse invoquée à l’occasion de moments de transition, dans la vie, peut parfaitement posséder un sanctuaire installé au carrefour de plusieurs routes.»

En l’état des découvertes, l’habitat antique le plus proche se trouvait à environ 900 mètres au nord du sanctuaire. «Il semble possible qu’une petite zone préservée, vierge de construction, entourait le site. Nous aurions donc affaire à un décor artémisiaque, plutôt qu’à un paysage», ajoute le professeur. Est-ce qu’un bois sacré, c’est-à-dire un lieu laissé à la divinité, où la coupe de bois était par exemple interdite, a existé à cet endroit, comme cela a été le cas ailleurs en Grèce? Impossible de l’affirmer à ce stade. Toutefois, à Amarynthos, il semble que « la société des humains, le monde naturel et le monde divin coexistaient sans coupure », remarque Samuel Verdan.

À l’occasion des fouilles prévues pour l’été 2023 à Amarynthos, l’ESAG va s’intéresser à la manière dont le sanctuaire a émergé. Il est possible que des demeures plus importantes, où résidait une élite, aient petit à petit été converties en édifices religieux, dès le VIIIe siècle, et que le reste de l’habitat ait été rejeté au dehors. «Le domaine profane pourrait avoir été mis à l’écart, tandis que le sanctuaire s’appropriait des terres pour ses propres besoins», complète Sylvian Fachard. Ces intuitions doivent être vérifiées, ou infirmées, sur le terrain.

VIII   Artémis court toujours

Katniss. Le personnage incarné par Jennifer Lawrence dans «Hunger Games» possède plusieurs caractéristiques d’Artémis. ©Murray Close/Color Force/Lionsgate/Kobal/Shutterstock

La pop culture contemporaine nous propose quelques représentations inspirées par Artémis, comme Lara Croft, dans une série de jeux vidéo, ou le personnage de Katniss Everdeen dans Hunger Games. Peut-on parler d’une relecture féministe?

«Notre culture religieuse judéo-chrétienne, et plus particulièrement en terres réformées, manque cruellement de figures féminines divines, et en cela Artémis est intéressante aujourd’hui, remarque Samuel Verdan. La déesse est dans le domaine public, et la fiction peut en faire ce qu’elle veut. Mais il ne faut pas s’imaginer que ces relectures sont fidèles à la chasseresse de l’Antiquité, notamment en termes d’identification.» Pour l’archéologue, «les jeunes Grecques ne se prenaient pas pour Artémis. Je rêverais de découvrir les traces d’une cérémonie antique lors de laquelle les jeunes filles tiraient à l’arc, mais je n’en ai pas connaissance pour l’instant.» La déesse offrait toutefois un espace aux adolescentes et aux adolescents, avant que le destin des uns et des autres – la maternité, la guerre, la vie d’adulte – ne s’accomplisse.

Sur un autre plan, Matteo Capponi doute des relectures féministes contemporaines. «Les Artémis de fiction proposées demeurent des objets de désir, soumises au regard masculin.» Il en était de même il y a trois millénaires. Dans un épisode mythologique célèbre, la fille de Létô a été surprise nue, au bain, par le chasseur Actéon. La punition du voyeur a été spectaculaire, puisque la divinité furieuse l’a métamorphosé en cerf afin qu’il soit déchiqueté par ses propres chiens (voir ci-contre). Dans l’art de l’Antiquité grecque, Artémis est «représentée vêtue d’un chiton, soit une tunique longue», remarque Sylvian Fachard. Toutefois, sa tenue se raccourcit avec le temps. «Les Romains accentueront encore cette tendance dans le cas de Diane, l’équivalente d’Artémis chez les Latins.»

De plus, «l’entourage de la divinité était composé de jeunes filles et de nymphes qui dansaient en forêt, à la merci des satyres et autres mâles mal intentionnés. Tout cela évoque un fantasme masculin. La société grecque de l’Antiquité était résolument patriarcale et une déesse émancipée ne fait pas des femmes libres», note Matteo Capponi qui souhaiterait voir émerger une réécriture non érotisée d’Artémis dans la fiction d’aujourd’hui, comme cela est le cas pour Circé dans un best-seller de
Madeline Miller. 

Suspendue pour l’éternité entre l’enfance et l’âge adulte, Artémis continue d’être réinventée, créant ainsi une forme de continuité entre l’Antiquité et notre époque. Il est clair qu’une déesse que l’on invoque dans les moments de crise demeurera toujours dans l’air du temps. /

1) Toutes les mentions de dates s’entendent avant notre ère.

Choix de lectures

Artémis, déesse de tous les dangers. Par Pierre Ellinger. Larousse.

Quand faire c’est croire. Les rites sacrificiels des Romains. Par John Scheid. Aubier.

La religion grecque à l’époque archaïque et classique. Par Walter Burkert. Picard. 

Knoepfler Denis. Loi d’Érétrie contre la tyrannie et l’oligarchie (première partie). In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 125, livraison 1, 2001. pp. 195-238. https://www.persee.fr/doc/bch_0007-4217_2002_num_126_1_7090

Knoepfler Denis. Loi d’Érétrie contre la tyrannie et l’oligarchie (deuxième partie). In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 126, livraison 1, 2002. pp. 149-204. https://www.persee.fr/doc/bch_0007-4217_2001_num_125_1_7142

Vernant Jean-Pierre. Artémis et le sacrifice préliminaire au combat. In: Revue des Études Grecques, tome 101, fascicule 482-484, Juillet-décembre 1988. pp. 221-239.
https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1988_num_101_482_1538

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