Les activités humaines ont transformé la planète. Est-ce au point de justifier notre entrée dans une nouvelle ère, appelée «anthropocène» ? En août dernier, cette idée a été abordée lors 34e Congrès international de géologie de Brisbane. Les explications d’un participant à cet événement: Torsten Vennemann, professeur à l’Institut des sciences de la Terre de l’UNIL.
En très peu de temps, notamment à l’échelle géologique, l’homme a bouleversé la surface de la Terre et modifié son climat. C’est probablement la première fois dans l’Histoire qu’une espèce atteint un tel degré de contrôle sur son environnement. Cela justifie-t- il l’introduction d’une nouvelle période géologique qui porterait notre nom, l’anthropocène? Cette dernière succéderait à l’holocène, qui a débuté il y a 11 700 ans environ et qui dure encore à ce jour. En 2007, la parution d’un article scientifique rédigé par Will Steffen, le prix Nobel de chimie Paul J. Crutzen et John R. McNeill a fait entrer cette question dans le monde des chercheurs.
La notion d’anthropocène pose d’abord la question de sa définition et de ses limites. Les géologues ont besoin d’une localité type, c’est-à-dire un lieu, quelque part dans le monde, où les couches sédimentaires (nos «archives») montrent qu’un événement s’est produit, qu’une nouvelle période a commencé dans l’histoire de la Terre. Il peut s’agir d’un changement dans la composition chimique du sol. La paléontologie fournit également des informations, grâce aux fossiles. A un moment donné dans le passé, certaines espèces disparaissent alors que d’autres apparaissent, ce qui marque un changement d’époque. Les foraminifères, de minuscules organismes unicellulaires répandus dans les milieux marins, sont très sensibles aux changements climatiques et donc souvent utilisés pour donner la limite des grandes extinctions. Ensuite, il faut prouver que le changement constaté localement dans les couches sédimentaires est en fait global, donc observable ailleurs dans le monde.
Une localité type, et un phénomène global: voilà donc les deux points qui doivent être éclaircis avant que la Commission internationale de stratigraphie décide d’avaliser l’anthropocène officiellement.
Un travail qui n’est pas simple, tant notre impact varie d’un endroit à l’autre du globe. En Australie, les Hommes ont provoqué la disparition d’espèces, il y a plus de 5000 ans. Mais pour un Danois, l’anthropocène pourrait débuter à la création du Jardin Botanique de Copenhague au XVIIe siècle, qui induit un changement dans les sédiments et l’apparition de nouveaux pollens. D’autres chercheurs penchent pour l’augmentation générale de la quantité de carbone 14, provoquée par les tests nucléaires du début des années 60. De son côté, Paul J. Crutzen privilégie le taux de CO2 dans l’atmosphère, qui a fortement augmenté depuis l’âge industriel.
Mais comment cela se traduit- il dans les couches? En seulement un siècle, très peu de sédiments se sont accumulés, avec de grandes variations d’un endroit à l’autre. L’anthropocène se situe donc au carrefour du temps long des géologues et du temps court des chercheurs en sciences de l’environnement, ce qui permet un dialogue entre ces disciplines. L’adoption de cette notion serait une première: jamais aucune espèce n’a donné son nom à une période géologique. Notre entrée dans l’anthropocène montrerait également que les scientifiques se sont mis d’accord pour affirmer que l’Homme possède un impact majeur sur son environnement. Une idée aujourd’hui contestée, chez certains chercheurs et dans quelques milieux politiques.
Découvrez Géoblog: www.unil.ch/geoblog