Interview de Délia Nilles, du CREA, Faculté des HEC de l’UNIL.
Quel impact économique l’Université de Lausanne (UNIL) a-t-elle sur le canton de Vaud? Pour le calculer, Délia Nilles, du CREA, à la faculté des HEC de l’UNIL, a analysé une période de sept ans (1999-2005). Les résultats sont surprenants.
D’après votre étude, l’Université de Lausanne rapporte plus au canton de Vaud qu’elle ne lui coûte. Comment êtes-vous arrivée à cette conclusion?
Nous avons analysé sur une période de sept ans – de 1999 à 2005 les dépenses engagées par l’Université et ses membres dans le canton de Vaud, ainsi que les coûts assumés par ce même canton pour l’Université. La différence que l’on appelle impact financier net pour le canton – est nettement positive en faveur de Vaud. Il reçoit chaque année, en moyenne, 128 millions de francs de l’UNIL.
128 millions de francs par an, c’est beaucoup?
Si l’on rapporte ces 128 millions aux 654’000 habitants du canton de Vaud, cela représente presque 200 francs par personne et par an.
Il s’agit là d’un bénéfice net moyen: les variations sont importantes d’une année à l’autre…
Raison pour laquelle il était important de mener une telle étude sur une période assez longue, car les fluctuations de dépenses ou recettes peuvent être significatives d’une année à l’autre. En 2005, par exemple, l’apport net pour le canton a été plus faible, passant de 131 millions en 2004 à 111 cette année-là. Deux raisons à cela: certains domaines de compétences ayant été transférés de l’UNIL à l’EPFL, le budget y correspondant a été maintenu à l’UNIL, et la réserve accumulée a été dissoute en 2005. Il s’ensuit que les recettes venant du canton ont augmenté dans les comptes de l’Université cette année-là. Dans le même temps, de nouveaux champs d’activités ont été créés, nécessitant des achats d’équipements très spécialisés, faits hors du territoire vaudois.
Vous avez constaté que le gros des dépenses engagées par l’Etat revient à l’économie vaudoise?
Oui. La majeure partie – plus de 61% – des dépenses de fonctionnement de l’UNIL correspondent à des charges de personnel. Or, quelque 90 % des employés de l’Université habitent dans le canton et y dépensent l’essentiel de leurs revenus. Le poste des dépenses en biens et services varie sensiblement d’une année à l’autre, mais il ne représente en moyenne que 16 % des dépenses de fonctionnement de l’Université. Globalement, 75 % des dépenses de fonctionnement de l’Université sont effectuées dans le canton. Et 33 % de l’apport net annuel pour le canton – soit environ 43 millions de francs – viennent de fonds dédiés au fonctionnement de l’Université.
Les étudiants rapportent aussi beaucoup…
En partant du budget type de l’étudiant établi par l’Université, du lieu d’habitation des étudiants et de leur mode de logement, il était possible de calculer qu’ils apportent en moyenne 31 millions de francs nets par an au canton. Les revenus estudiantins sont modestes – nous avons d’ailleurs fait l’hypothèse qu’ils ne pouvaient pas épargner – mais 84 % sont dépensés sur place. J’ai toujours souligné qu’il ne fallait pas oublier les étudiants dans une évaluation globale de l’apport financier de l’Université.
Les missions confiées à l’Université par des entreprises et toute autre source de financement venant en sus du budget de l’UNIL – sommes regroupées sous l’intitulé «mandats externes» – constituent également une bonne affaire pour les Vaudois?
L’Université a établi la provenance des différents mandats et, dans une étude précédente, nous avons interrogé les instituts pour identifier leurs dépenses. Sur cette base, il a été possible de calculer qu’environ 75 % de l’argent apporté par les mandats externes reviennent effectivement à l’économie vaudoise, essentiellement sous la forme de dépenses des collaborateurs rémunérés dans ce cadre. Cela représente un apport net annuel pour le canton de 53 millions par an, si l’on inclut la Faculté de médecine. Cet apport diminue toutefois depuis 2002, sans doute parce que les nouveaux domaines de compétences développés à l’UNIL n’ont pas encore déployé tout leur potentiel en termes de recherches financées par l’extérieur
L’apport net des investissements de l’Université n’est pas très important. Pourquoi?
Quand il s’agit de construire des bâtiments, la participation de la Confédération est significative et l’apport financier net pour le canton de Vaud est d’autant plus élevé. Il est plus faible dans le cas des rénovations, non subventionnées par la Confédération.
Les résultats de votre recherche pourraient amener l’Université à chercher à développer les mandats extérieurs…
Cela pourrait donner des idées à certains…
Votre étude va-t-elle être régulièrement actualisée?
Cela dépend de la direction de l’Université, mais j’imagine que d’ici deux ou trois ans, il pourrait être intéressant d’observer les nouvelles évolutions.
Pourrait-on effectuer une mise à jour annuelle des données?
Le gros du travail consistait à extraire la part vaudoise pour les biens et services. Si l’on souhaitait une mise à jour annuelle de cette étude, il faudrait effectuer cette tâche chaque année sur la base des chiffres fournis par les services comptables de l’Université…
La direction de l’Université vous ayant demandé d’étudier son impact économique sur le canton, il vous aurait été difficile d’arriver à la conclusion qu’elle coûte cher aux Vaudois…
Cette étude a été menée de la manière la plus objective possible. Elle sous-estime d’ailleurs l’apport financier de l’Université à l’économie vaudoise puisqu’elle ne prend pas en compte les apports indirects ou contributions à la valeur ajoutée du canton. Par exemple, lorsque l’Université achète du matériel de bureau auprès d’une entreprise vaudoise, ce qui apparaît dans les comptes de fonctionnement, c’est la dépense de l’Université pour ce matériel; mais n’apparaissent ni le matériel que doit acheter l’entreprise pour son fonctionnement, ni le salaire versé par l’entreprise à ses employés, ni les impôts payés par ces derniers ou encore leurs dépenses en biens de consommation, etc. Autre impact indirect qui n’apparaît pas dans cette recherche: les dépenses effectuées dans le canton par les participants à des congrès organisés par l’UNIL. Alors que les coûts supportés par l’Université à ces occasions sont, eux, pris en compte.
Et l’impact de l’Université sur la notoriété de la Ville de Lausanne?
Comme pour les apports indirects précédents, il serait envisageable de le quantifier. Il faudrait procéder par enquête.
Indépendamment de l’ouverture sur l’extérieur et du gain de notoriété, faudrait-il favoriser la venue d’étudiants et d’enseignants étrangers pour leur apport économique?
La plupart des enseignants et étudiants étrangers de l’UNIL résidant dans le canton, ils représentent un apport financier net.
Certaines entreprises s’installent dans le canton de Vaud en raison de la présence de l’UNIL, mais aussi de l’EPFL, voire de l’IMD. Existe-t-il une étude comparable à la vôtre pour l’EPFL?
Pas que je sache. Il serait d’ailleurs intéressant de faire une étude globale de l’impact des écoles supérieures pour le canton. D’autant qu’il y a de plus en plus de synergies entre l’UNIL et l’EPFL. Je peux imaginer que l’apport financier net de l’EPFL pour le canton est encore plus important que celui de l’UNIL, puisque l’Ecole polytechnique est financée en grande partie par la Confédération et que la majorité de son personnel et de ses étudiants vit et dépense dans le canton de Vaud. En ce qui concerne les motivations d’implantation des entreprises dans le canton, il devrait être possible de les identifier en collaboration avec la Chambre de commerce.
Propos recueillis par Geneviève Brunet