Une formation pour un tourisme plus «vert» 

La durabilité est devenue un enjeu incontournable dans la branche. Outre proposer des outils précis et concrets, la formation continue «Tourisme, innovation et durabilité» multiplie les occasions de les mettre à l’épreuve du terrain, ce qui explique son succès et sa longévité.

Christophe Clivaz. Professeur à l’Institut de géographie et durabilité – site de Sion. Membre du comité de pilotage du CAS « Tourisme, innovation et durabilité ». © Sedrik Nemeth

La sixième édition du CAS (Certificate of Advanced Studies) «Tourisme, innovation et durabilité» aura lieu entre avril et octobre 2025. Organisée tous les deux ans par la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’UNIL, en collaboration avec la Haute École de Gestion (HES-SO Valais) et la Fondation pour le développement durable des régions de montagne (FDDM), cette formation accueille au maximum 20 personnes et implique des intervenants des deux côtés de la frontière franco-suisse. «Historiquement, le projet est né à la fin des années 2000 du constat qu’il n’existait aucune formation continue dans ce domaine, tout particulièrement en Suisse. Grâce à un financement Interreg qui a permis de constater que les milieux touristiques exprimaient un important besoin de formation continue, des hautes écoles suisses et françaises ont pu mettre en place un EMBA en Innovation touristique composé de quatre CAS, deux se déroulant en France et deux en Suisse», résume le professeur Christophe Clivaz. Politologue et spécialiste du tourisme durable à l’Institut de géographie et durabilité (IGD), il est également la cheville ouvrière de ce CAS. Il poursuit: «Hélas, ce dernier est le seul à avoir perduré sous cette forme.»

Innovation économique

De ses premières moutures, ce CAS conserve sa dimension franco-suisse, reflet du terrain. L’accent est mis sur cet aspect transfrontalier, des intervenants aux cas étudiés, et l’on fait la part belle au concret: «Nous passons quatre journées sur le terrain, dont la moitié en France voisine ou sur des territoires à cheval entre les deux pays, c’est l’un de nos points forts», souligne Christophe Clivaz. Très appréciée, cette confrontation avec la réalité permet aux étudiants de découvrir des manières de travailler et des contextes légaux différents. Ceux-ci sont également attirés par le fait que la formation considère le développement durable non seulement comme une façon de diminuer la pression écologique et les inégalités sociales, mais aussi comme un déclencheur d’innovation économique.

Les participants, âgés de 25 à 65 ans, sont pour la plupart déjà actifs dans le tourisme. Priorité est donnée aux titulaires d’un bachelor; une expérience de deux ans au minimum dans la branche est requise. L’admission est par ailleurs possible sur dossier, notamment pour qui suit ce CAS dans le cadre d’une reconversion professionnelle: «Nous acceptons des personnes issues d’autres domaines qui souhaitent changer d’orientation. Il nous arrive ainsi régulièrement d’en accueillir qui, après avoir passé des années dans la finance ou le marketing, décident par exemple de monter un projet écotouristique.»

Si la structure en trois modules demeure, le parcours de chaque édition s’adapte aux besoins et aux demandes des différents acteurs en matière de durabilité comme à ceux des participants: «Nous nous laissons surprendre par leurs travaux, ce sont eux qui déterminent la direction», souligne Christophe Clivaz. La dernière édition a donc emmené les participants du côté de Métabief, dans le Jura français, région où travaillait l’un des étudiants.

L’enseignement reflète également les évolutions du terrain, telles les questions liées à la surfréquentation qu’a soulevées la pandémie de Covid-19. «Beaucoup de Suisses ont redécouvert leur pays et continuent à l’explorer. Cela explique les récents records de nuitées», entame-t-il. Comme toute médaille, celle-ci a son revers: «Des conflits d’intérêts entre visiteurs et population locale ont vu le jour, amenant prestataires et stations à s’interroger sur la notion de surcharge touristique. Il a en outre fallu imaginer des façons de transmettre certains codes: lorsque des personnes ignorant tout de la montagne se lancent sur un glacier ou vers un sommet, comment faire passer des messages de base, rappeler que ce type de terrain exige un équipement spécifique et qu’une cabane n’est pas un hôtel, on n’y trouvera donc pas de croissants frais au petit-déjeuner!»

Enjeux du tourisme durable

La durabilité demeure en effet un thème important, car contrairement à ce que l’on envisageait à l’aube de la pandémie de Covid-19, celle-ci n’a pas eu raison de nos envies de voyages lointains: «On pensait que le tourisme se reporterait sur les destinations de proximité, devenant ainsi de fait plus durable», relève-t-il. Il en est allé différemment, ce qui soulève désormais d’autres questions: quelle charge les infrastructures et les habitants sont-ils à même de supporter? Que signifient les notions de limites planétaires et locales? Comment aborder celles de post-croissance et de décroissance sous l’angle touristique? Comment déchiffrer la durabilité d’un projet ou d’un territoire? Et quel sens cette notion prend-elle rapportée à l’univers de la montagne?

Le module d’introduction, centré justement sur ces enjeux du tourisme durable, explore tous ces aspects, de leurs origines à leurs implications sur le terrain. Plus théorique que les suivants, il pose le socle d’une compréhension commune. Les participants y acquièrent des outils — des manuels aux grilles d’analyse – et reçoivent aussi une série de bonnes pratiques. «Comme nous misons sur le concret, ces connaissances sont mises à l’épreuve des expériences amenées par les étudiants. Celles-ci constituent la base des discussions et des groupes de travail.» 

Le changement climatique forme le cœur du deuxième module. De la neige qui se raréfie aux saisons qui se décalent en passant par les itinéraires – sentiers, accès aux cabanes et aux sommets – qui ne cessent de se modifier, voilà autant d’invitations à s’interroger sur les enjeux liés aux risques naturels. À l’aide des outils et protocoles transmis dans le premier module, les étudiants apprennent à mettre en place une stratégie d’adaptation aux besoins du terrain. Une démarche participative permet-elle d’ajuster une offre au changement climatique? Est-il opportun de construire telle infrastructure dans une vision de post-croissance? «Les participants acquerront ainsi une vue d’ensemble de ce qui existe et seront à même de se poser les bonnes questions comme d’utiliser les instruments adéquats pour chaque situation.»

Avec les acteurs locaux

Le troisième module se déroule sur le terrain, à raison de deux fois deux jours. Le but: aller à la rencontre des acteurs locaux, qu’il s’agisse de sites écotouristiques ou de stations. En passant à chaque fois la nuit dans un établissement à dimension durable, les étudiants s’immergent dans la thématique. «Échanger avec les prestataires et élus permet en outre de comprendre les enjeux et de cerner les zones de blocage», souligne Christophe Clivaz. C’est aussi à partir de ce terreau que les étudiants réaliseront différents travaux afin de répondre aux attentes et questionnements des acteurs locaux. Point d’orgue en septembre, avec la présentation des résultats de leurs recherches. Il peut s’agir ici d’améliorer la durabilité d’un festival de montagne, de monter une offre de VTT dans une région, d’aider un centre hôtelier écotouristique à développer une activité de séminaires, de créer un business plan ou un pôle d’accueil touristique.

Une quinzaine d’intervenants apportent leur point de vue et leurs connaissances, illustrant leurs propos à l’aide d’exemples issus des deux côtés de la frontière. «Nous invitons également des acteurs du terrain et des associations faîtières à partager leurs expériences et leurs questionnements. La durabilité est désormais un impératif pour tout le monde et beaucoup de structures mettent cet aspect en avant.» L’occasion aussi pour les étudiants de s’interroger: la démarche est-elle sincère ou relève-t-elle du greenwashing? Est-ce environnementalement cohérent de vendre la Suisse en Asie et aux États-Unis? «Nous n’hésitons pas à pointer ce qui dérange», souligne Christophe Clivaz.

La formation est à suivre intégralement; les connaissances acquises sont validées à la fin de chacun des trois modules par un rendu. Le premier est réalisé individuellement, les deux autres en groupe. Tous constituent l’occasion pour les participants de se frotter d’un peu plus près encore aux réalités du terrain.

Informations et inscriptions: formation-continue-unil-epfl.ch/formation/tourisme-innovation-durabilite

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