«L’edelweiss est menacé par de nouveaux arrivants»

Christophe Randin. Chercheur-enseignant en biogéographie au Département d’écologie et d’évolution et au Centre interdisciplinaire de recherche sur la montagne de l’UNIL. Directeur du Jardin alpin Flore-Alpe et du centre alpien de phytogéographie (CAP) à Champex-Lac. Nicole Chuard © UNIL

Dans les Alpes, le réchauffement climatique a des conséquences visibles. Ainsi, certains arbres se trouvent de plus en plus haut en altitude. D’autres végétaux, adaptés aux basses températures, souffrent. Les explications du biogéographe Christophe Randin.

Que fait l’UNIL dans le val d’Arpette?

Le CAP a développé depuis le début des années 90 des programmes d’observations à long terme pour suivre l’évolution de la végétation de montagne dans le contexte du changement climatique. Les chercheurs de l’UNIL exploitent ces données, notamment pour mieux comprendre et prédire les effets du réchauffement sur la limite supérieure de la forêt et les plantes alpines. 

Le réchauffement en cours modifie ces limites et la composition des étages de végétation, occasionnant de profondes transformations des paysages de montagne et des services qu’ils offrent, comme la protection contre les dangers naturels ou des valeurs esthétiques pour le tourisme.

En quoi consiste le travail d’un biogéographe?

La biogéographie est à l’interface de nombreuses autres disciplines comme l’écologie, la climatologie, la géographie physique et humaine et l’histoire pour n’en citer que quelques-unes. Elle cherche à comprendre pourquoi une espèce est ici et pas ailleurs et quelles sont les facteurs qui font son succès. Le climat étant le principal déterminant de la distribution des espèces, comprendre et prédire l’impact du réchauffement climatique occupe désormais une place prépondérante dans cette discipline. 

Quel est le plus gros impact du réchauffement sur la végétation des Alpes?

Actuellement, on observe un déplacement de la limite de certaines espèces d’arbres plus haut en altitude. In fine, c’est la limite de la forêt qui se trouvera déplacée. Il s’agit certainement de la transformation la plus marquante dans le paysage, avec des conséquences pour l’humain sur l’agriculture, l’hydrologie ou le tourisme et pour les plantes alpines de petite taille, la compétition avec une autre forme de croissance bien plus grande.

Quels végétaux seront les grands gagnants?

Toutes les espèces végétales seront gagnantes et perdantes à un moment ou à un autre durant le réchauffement en montagne, avec d’abord le relâchement de l’effet du froid qui favorise croissance et expansion en altitude, puis avec la compétition des espèces plus thermophiles qui viennent de basse altitude et latitude.

Quelles espèces doit-on s’attendre à voir disparaître ?

Les espèces qui sont adaptées à l’enneigement prolongé ou aux basses températures. Elles souffrent déjà de la compétition avec des espèces moins adaptées à des saisons de croissance courte mais plus efficaces à des températures qui augmentent. Plus généralement, les espèces qui ne sont pas adaptées à des déficits en eau à la fin de l’été. 

On observe actuellement la couverture de petites gentianes ou certaines saxifrages diminuer au profit de graminées plus fréquentes. Des espèces buissonnantes comme certains saules prennent aussi peu à peu le dessus.

La Suisse va-t-elle perdre ses edelweiss?

L’edelweiss se trouve déjà dans des pelouses sèches ou des crêtes exposées, il est donc peu menacé directement par le réchauffement mais plutôt par la compétition avec des nouveaux arrivants de plus grande taille.

Article principal: Le Val d’Arpette sous la loupe des scientifiques

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