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Attraper froid : un mythe tenace

Autrice : Céline Rosat

Chaque année lorsque l’hiver pointe le bout de son nez, on se réjouit de la neige, du ski et des fêtes de fin d’année. La magie de Noël brille dans les yeux des enfants. Les arbres se mettent à nu et les flocons qui recouvrent le sol plongent le monde dans une atmosphère calme et silencieuse. Dans cet univers idyllique, un bruit éclate soudain. C’est un cri dénué de colère ou de peur qui résonne entre les bâtisses. Un bruit bref, puissant, qui sort du nez et de la bouche : un éternuement. Eh oui, l’hiver c’est aussi le rhume, la toux et la grippe. Alors nous, pauvres mortels, nous blâmons sans scrupule le froid. Nous le chassons de nos maisons en mettant le chauffage à fond et nous nous emmitouflons sous plusieurs couches d’habits, pour l’empêcher à tout prix de nous transmettre quelque maladie. Mais si par malheur notre santé flanche tout de même, nous nous justifions auprès de nos pairs : « Non non c’est pas le covid, j’ai juste attrapé froid ». Alors aujourd’hui, rétablissons la justice, excusons-nous auprès des températures que l’on blâme sans vergogne, car non, on ne peut pas « attraper froid ».

En réalité, ceux que l’on devrait blâmer pour nos rhumes et nos toux, ce sont les virus. Si on vivait dans une salle totalement stérilisée et glaciale, on ne tomberait pas malade. Certes cela serait désagréable et nous risquerions l’hypothermie si les températures étaient extrêmes, mais on n’attraperait pas de rhume ou de grippe. Notre nez pourrait couler un peu, mais aussitôt réchauffés, nous retrouverions notre état de santé initial. Nous ne nous réveillerions pas le lendemain, enrhumé et fiévreux. Pour prouver cette théorie, un groupe de chercheurs des Etats-Unis a infecté quelques volontaires avec un virus du rhume. Les sujets se trouvaient soit dans une salle maintenue à 4°C soit dans un bain à 32°C à plusieurs stades de l’expérience (exposition au virus, incubation, au moment des symptômes les plus présents et durant la guérison). Aucune différence significative n’a été mesurée entre ces deux groupes. 

Il reste pourtant un problème qui dérange nos chers scientifiques. 

Effectivement vous l’aurez remarqué, on tombe plus souvent malade en hiver qu’en été. Pourquoi ? Plusieurs théories ont été avancées, mais aucune d’elles n’a véritablement été prouvée. En voilà quelques-unes : 

Si le covid a éduqué la population sur une chose, c’est que les virus, ça se transmet par la proximité. Or, lorsque le froid nous frappe, nous avons tendance à nous enfermer dans les maisons et les bâtiments et à ne surtout pas ouvrir les fenêtres pour ne pas risquer le courant d’air. Ainsi regroupés et respirant le même air nous favorisons la transmission des virus. Cette explication, bien que logique, ne peut expliquer à elle seule les maladies hivernales. Effectivement, nous prenons toute l’année les transports en communs (pas plus aérés en été qu’en hiver), nous allons toute l’année en boîte de nuit (si ce n’est plus en été) et les enfants s’enferment toute l’année dans les mêmes salles de classe. 

Une autre théorie propose que les changements violents de température déstabiliseraient le système immunitaire. Puisque nous surchauffons nos maisons en hiver puis que nous nous heurtons soudainement au froid du monde extérieur, nous participerions à affaiblir nos défenses. Bien qu’intéressante, cette théorie n’a pas été validée empiriquement. Il a néanmoins été observé que les virus survivaient en général plus longtemps dans le froid, plus précisément dans les températures avoisinant les 4°C. Si les virus survivent plus longtemps dans l’air ou sur les barres de métro, nous avons plus de chance d’entrer en contact avec eux et risquons donc plus d’être infectés.  

Enfin, la dernière théorie présentée ici s’est trouvé un nouveau bouc-émissaire : l’air sec. En hiver, l’air est plus sec, ce qui entraînerait plusieurs choses. Tout d’abord, les virus se déplaceraient plus facilement dans une atmosphère sèche et seraient plus virulents. Ensuite, le froid et le sec irriteraient la muqueuse nasale, la rendant moins efficace dans son rôle protecteur et ce qu’on porte un bonnet et des gants ou qu’on se balade en sous-vêtements. 

Pour conclure, il est légitime de penser que l’hiver vient avec son lot de maladies, mais cessons de blâmer le froid pour nos moindres maux. Si vous avez un rhume, sachez que celui-ci provient d’un virus qui se développe joyeusement dans votre nez. Au risque de paraphraser le Conseil fédéral, lavez-vous bien les mains et évitez d’embrasser vos grands-parents. Soignez-vous aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire. 

Sources :

Fraenkel, D J, P G Bardin, G Sanderson, F Lampe, S L Johnston, et S T Holgate. « Immunohistochemical analysis of nasal biopsies during rhinovirus experimental colds. » American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine 150, no 4 (octobre 1994): 1130-36. https://doi.org/10.1164/ajrccm.150.4.7921447.

Franceinfo. « Peut-on vraiment attraper froid ? », 4 novembre 2016. https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/grippe/peut-on-vraiment- attraper-froid_1905189.html.

Douglas, R. Gordon, Keith M. Lindgren, et Robert B. Couch.
« Exposure to Cold Environment and Rhinovirus Common Cold ». New England Journal of Medicine 279, no 14 (3 octobre 1968): 742-47. https://doi.org/10.1056/NEJM196810032791404.

LOUIS DE MONTES. (12 octobre 2020). Non, on ne peut pas « attraper froid ». Top santé. https://www.topsante.com/medecine/votre- sante-vous/sante-pratique/attraper-froid-explication-638890

Peut-on vraiment attraper froid ? (27 avril 2020). Sciences Mag. https://www.sciences-mag.fr/2020/04/peut-on-vraiment-attraper- froid/

GENEVIEVE ANDRIANALY. (17 Février 2021).

https://www.femmeactuelle.fr/sante/news-sante/peut-on-vraiment- attraper-froid-michel-cymes-repond-2108669

Lien de l’image :
« bottes-neige.jpg (640×427) ». Consulté le 5 avril 2022. https://les- baroudeurs-savoyards.fr/wp-content/uploads/2018/11/bottes- neige.jpg.