Petite Marie, grand chambardement

Jocelyn Rochat, rédaction en chef

On devrait toujours revenir au texte. C’est, du moins, ce que prétendent les extrémistes religieux en tout genre, qui déplorent le peu d’intérêt que nous porterions aujourd’hui aux écrits sacrés. Cette complainte est reprise avec un bel unisson par les catholiques fondamentaux, les plus réveillés des évangéliques protestants, les juifs conservateurs ou les musulmans qui brandissent la charia et le Coran comme par réflexe.

Et s’ils avaient raison ? Ne serait-ce qu’un petit peu. Et si ces textes sacrés avaient encore quelque chose à nous apprendre au XXIe siècle ? Allez savoir ! vous propose de tenter l’expérience dans ce numéro. Rassurez-vous, elle est sans risque. Vous n’y trouverez aucune raison de relancer ce fameux choc des civilisations dont on nous rebat les oreilles. Car, s’il faut replonger dans ces textes, ce n’est pas pour y trouver des causes de querelles supplémentaires, mais pour y découvrir des similitudes insoupçonnées et des héritages communs entre les différents écrits sacrés qui restent très largement méconnus. En tout cas dans nos contrées.

Comme vous pourrez le vérifier dans ce magazine, de nombreuses figures bibliques apparaissent dans le Coran, parfois sous des traits étonnamment proches de ceux que nous connaissons dans la tradition chrétienne. C’est notamment le cas d’Adam, de Noé, d’Abraham, de Moïse ou de David. Jésus a lui aussi trouvé sa place dans le livre de référence des musulmans. Même s’il n’y est pas vénéré comme fils de Dieu, le prophète Jésus reste une figure importante de l’islam.

Autre point de convergence, peut-être plus fort, et surtout plus inattendu, c’est la place importante que le Coran accorde à Marie. La mère de Jésus est en effet célébrée dans la tradition chrétienne comme dans la tradition musulmane, notamment parce qu’une sourate, l’un des fameux chapitres du Coran, porte son nom. L’affaire est moins anecdotique qu’on pourrait l’imaginer de prime abord, puisque Marie est la seule femme dont le nom est mentionné dans le texte sacré musulman.

La Marie du Coran, comme celle de la Bible, a vu un ange lui apparaître pour annoncer la venue prochaine d’un enfant tout à fait imprévu. La Marie du Coran est aussi un « modèle pour tous les croyants ». Un personnage qui « apparaît comme une véritable figure rassembleuse », assure le spécialiste de l’UNIL Jean-Claude Basset dans ce numéro. A tel point que le Liban a institué en 2010 une fête de l’Annonciation faite à Marie, qui se célèbre le 25 mars et qui est désormais une cérémonie commune aux musulmans et aux chrétiens.

Il faut en revenir aux textes, disent les extrémistes de tous bords. D’accord pour en revenir aux textes. Car, quand on relit ces ouvrages sacrés avec la volonté d’y trouver, non pas les versets qui sèment la haine, mais les écrits plus rassembleurs – ceux qui sont étonnamment oubliés –, la lecture ouvre des perspectives bien plus fécondes.

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