Au Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS) du CHUV, la Dresse Francesca Siclari sonde les songes de volontaires dans le but de comprendre comment le cerveau fabrique les rêves.
«On ne sait pas exactement pourquoi on dort, encore moins pourquoi on rêve. Mais on peut prouver que les rêves ne sont pas une invention du cerveau au réveil», assure la Dresse Francesca Siclari, médecin cheffe de clinique au CIRS, spécialiste en neurologie et médecine du sommeil et plus spécifiquement des rêves. La neurologue a commencé l’étude qu’elle réalise actuellement au CHUV au «Center for Sleep and Consciousness» de l’Université du Wisconsin. «La collaboration avec les Etats-Unis continue. A ce jour, nous comptons environ mille réveils sur une soixantaine de sujets.» A savoir des volontaires qui, durant trois nuits intermittentes, acceptent de dormir avec 256 électrodes sur la tête et de se faire réveiller par un ordinateur jusqu’à vingt fois par nuit.
Détail d’importance: les «cobayes» ont droit à un vrai lit pour l’expérience, plutôt qu’un lit d’hôpital. Toutefois, pas de musique, pas de mots doux, pas de câlins avant de tomber dans les bras de Morphée. «Les sujets s’endorment à leur heure habituelle. Personne ne rentre dans leur chambre jusqu’au lendemain et la lumière reste éteinte. Rien ne doit être biaisé.»
Grâce à la technique d’électroencéphalographie de haute densité, l’activité cérébrale du cerveau du sujet est enregistrée durant toute la durée de l’expérience. Et au matin, les chercheurs réalisent encore une IRM cérébrale afin de superposer l’activité de nuit aux images du cerveau. «Il nous est ainsi possible de dire pour chaque sujet à quel endroit de son cerveau spécifiquement les choses se passent.» Et ceux qui le désirent peuvent repartir avec leurs rêves retranscrits par l’équipe médicale. Des rêves qui, selon la neurologue, sont «moins intéressants, vifs et riches qu’à la maison. Ils tournent souvent autour de l’expérience.»
Ces recherches ont permis de démontrer que les songes activent une zone postérieure du cerveau, qui comprend la zone de la vision et d’autres zones qui s’occupent d’intégrer les différentes activités sensorielles en une expérience unique. «Nous avons vu que sur cette zone, analysée en temps réel, on pouvait prédire avec une haute précision si quelqu’un était en train de rêver ou pas et que des activités cérébrales correspondaient au contenu des expériences des sujets.» Autrement dit, quand on rêve d’un visage, la zone visage de la période de veille s’active aussi, idem pour le langage. «En outre, nous avons réussi à voir si le rêve avait une localisation spatiale, à l’intérieur ou à l’extérieur. La zone de l’attention visuo– spatiale s’activait alors. Définir une signature du rêve et démontrer qu’on a vraiment la même expérience à l’état de veille que pendant le sommeil, car cela active les mêmes réseaux, était un grand pas en avant. Ces résultats prouvent qu’il ne s’agit pas, comme certains le croyaient, d’une invention du cerveau au réveil, mais que les rapports de rêves reflètent bel et bien ce qui se passe dans le cerveau pendant le sommeil.»
A lire: The neural correlates of dreaming
Par Francesca Siclari, Benjamin Baird, Lampros Perogamvros, Giulio Bernardi, Joshua J LaRocque, Brady Riedner, Melanie Boly, Bradley R Postle & Giulio Tononi.
Nature Neuroscience. Vol 20 no6, 872–878 (2017)
Le mystère des rêves lucides
Projection du film puis rencontre avec Francesca Siclari
Lausanne. Palais de Rumine, aula. Di 4 février, 13h15
Entrée libre. www.cineaupalais.ch
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