La recherche suisse a la vue sur la mer

David Spring, rédaction en chef

Peu connue hors de Grèce, l’île d’Eubée se trouve à une heure d’Athènes, vers le nord. Elle possède son lot de collines, de plages et de petites villes de bord de mer. Parmi elles, Érétrie. On peut y visiter les vestiges d’une cité antique importante, qui compte notamment plusieurs sanctuaires, un gymnase et une célèbre maison aux mosaïques.

Ces découvertes et leur mise en valeur sur le site et dans un musée proche sont le fruit de décennies de travail des chercheurs de l’École suisse d’archéologie en Grèce (ESAG), dirigée depuis 2007 par Karl Reber, professeur à l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité à l’UNIL. Depuis 1964, à la demande des autorités archéologiques grecques, des Helvètes travaillent à Érétrie et sur l’île d’Eubée.

Financée par des fonds publics et privés, l’ESAG est pilotée par une fondation présidée par l’ancien conseiller fédéral Pascal Couchepin et coprésidée par Pierre Ducrey, ancien recteur de l’UNIL et directeur de l’ESAG de 1982 à 2006. L’école coordonne toutes les fouilles menées par les universités suisses en Grèce, en tant qu’interlocuteur unique des autorités hellènes.

L’an dernier, les archéologues de l’ESAG ont réussi à prouver qu’un site archéologique situé à Amarynthos, à 11 km d’Érétrie, était le grand sanctuaire consacré à Artémis Amarysia. Allez savoir! s’est rendu en Grèce fin juillet (lire l’article). Ce qui frappe sur place – outre la chaleur –, ce sont les nombreux étudiants qui s’activent, iPad ou pioche en main. Issus de plusieurs universités (Lausanne bien sûr, mais aussi Genève, Fribourg, Neuchâtel, Berne, Bâle et Zurich, ainsi que de l’étranger), ils ont postulé pour décrocher leur place de stagiaire.

Encadrés par des chercheurs, les étudiants se voient confier des responsabilités. Le métier d’archéologue, dont plusieurs rêvent, demande aussi bien de l’endurance que de la rigueur scientifique. Le jeu en vaut la chandelle : ce n’est pas tous les jours que l’on peut tenir en main un tesson de céramique peinte vieux de trois millénaires.

Même si le site d’Amarynthos ressemble aujourd’hui à un chantier constellé de fosses, le visiteur ne peut s’empêcher de reconstruire mentalement les murs et les colonnes, d’imaginer le vaste sanctuaire à l’époque antique et de songer à la grande fête donnée sur place chaque année en l’honneur d’Artémis, la déesse de la chasse. Un événement qui rassemblait alors des milliers de personnes.

Cette rêverie est possible grâce aux liens tissés depuis des décennies entre les autorités grecques, la population locale et les personnes qui font l’école. Quelques heures sur place suffisent à se rendre compte à quel point les archéologues suisses connaissent tout le monde. L’ESAG possède sa place au centre d’Érétrie, non loin de la demeure XIXe qui abrite son QG, ainsi que son stamm, la taverne La Cubana d’où la vue est très jolie le soir. Sur place, les conversations mêlent le français, le schwyzertüütsch, l’anglais et bien sûr le grec, que nombre de chercheurs parlent couramment. Ce petit bout de Suisse au bord de la mer Égée est un exemple très concret de diplomatie scientifique.

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