La cueillette est une vraie quête. Ce qu’il faut savoir pour trouver de bons champignons

La cueillette est une vraie quête. Ce qu’il faut savoir pour trouver de bons champignons

Dans le monde fascinant, complexe et parfois dangereux des champignons, tout peu arriver. Ce ne sont pas des plantes et ils forment un règne à eux tout seuls. Pour faire un peu connaissanceavant de se lancer sur le terrain, voici quelques précisions à leur sujet et un retour sur certaines idées reçues. En compagnie de Heinz Clemençon, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, biologiste et mycologue de renom.

Il existe entre 10’000 et 20’000 espèces de champignons, et les mortels – environ une douzaine en Suisse – se trouvent parmi les amanites, les lépiotes et les cortinaires. Ces chiffres ne parlent que des champignons «de grande taille», dits aussi supérieurs (soit ceux qui viennent à l’esprit des profanes lorsqu’on prononce le mot).

Mais si on prend en compte l’ensemble de ces étranges êtres vivants qui constituent un règne à eux seuls, c’est-à-dire aussi toutes les levures et autres moisissures, les estimations varient entre un demi-million et… cinq millions: «Ce qui revient à dire qu’en réalité on ignore le nombre d’espèces existantes», constate Heinz Clémençon, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, biologiste et mycologue de renom, qui a bien voulu se prêter au jeu du vrai / faux à propos de quelques idées reçues qui circulent chez les cueilleurs de champignons.

Une gamme de champignons allant du mortel au délicieux

Il nous servira de guide pour nous aventurer dans le monde enchanté des champignons, où il n’est pas recommandé de se risquer seul lorsqu’on est néophyte. Car entre les délicieux comestibles et les mortels, il existe toute une gamme allant de l’immangeable pour cause d’âcreté, d’amertume ou autre, à la toxicité – elle-même variant du léger embarras gastrique aux vomissements, diarrhées, maux de tête, hallucinations pouvant conduire à une hospitalisation –, en passant par ceux qui guérissent.

Et, pour simplifier, les effets ne sont pas forcément les mêmes d’un individu à l’autre. Heureusement, ni les passionnés éclairés ni les sociétés mycologiques susceptibles de proposer un apprentissage ne manquent en Suisse. En attendant de se lancer en forêt, débroussaillons le terrain avec l’aide de Heinz Clémençon qui avertit que «la seule règle est de se méfier de toutes les règles et que, la nature n’étant pas simple, le système binaire du vrai / faux n’est pas toujours pertinent».

Elisabeth Gilles

Vrai ou faux?

L’automne est LA grande saison des champignons
Vrai:
Mais cela ne signifie pas qu’on ne trouve pas de champignons pendant les autres saisons.

Il ne faut pas consommer plus de 150 gr de champignons par semaine
Vrai:
Certains champignons n’accumulent pratiquement pas de radioactivité, d’autres beaucoup, voire énormément pour certains comestibles. Suite à Tchernobyl, un petit danger persiste car la radioactivité ne décroît que de moitié en trente ans. Aussi ne faut- il pas abuser des bolets bais, des éperviers, des hygrophores des prés, des bolets à chair jaune, des pholiotes ridées, des pieds de mouton, entre autres.
Un autre aspect est pharmacologique. Des allergies parfois mortelles peuvent survenir lorsque certains champignons sont consommés à un rythme rapproché. On connaît un cas classique, survenu juste après la guerre alors que la nourriture était rare: un mycologue averti a succombé à une consommation importante et répétée de paxille enroulé (Paxillus involutus), considéré comme inoffensif à l’époque.
Autre exemple, celui du tricholome équestre, un champignon encore récemment apprécié et admis sur les marchés. Mais deux ou trois cas mortels se sont produits en France, il y a peu, après une consommation répétée sur une semaine. Ici, il ne s’agit pas d’une allergie mais d’un dérangement physiologique: le champignon provoque une dissolution de certains muscles, qui commence par le cœur.

Près des routes, même les comestibles peuvent être toxiques
Vrai:
Les champignons peuvent accumuler des métaux lourds (plomb, mercure par exemple) de façon beaucoup plus importante que les plantes, et les transmettre. La remarque ne vaut pas seulement pour les abords des routes mais aussi pour les près proches des immeubles, qui subissent des traitements herbicides ou autres et où les champignons peuvent s’avérer très indigestes. Genève a connu des cas – non mortels mais avec hospitalisation – avec des espèces comestibles poussant sur des gazons traités une semaine auparavant. Heinz Clémençon raconte que, sur le terrain entourant sa maison, de très bons comestibles sont sortis  complètement déformés après un traitement contre la mousse. Il ne les a pas goûtés, précise-t-il!

Les champignons sortant d’un œuf ainsi que ceux à manchettes (que les profanes appellent parfois à collerettes) sont dangereux
Vrai et faux:
La manchette est cet anneau entourant le pied sous le chapeau et suspendu en entonnoir inversé. Ni l’œuf ni la manchette ne sont des repères de toxicité en soi. Mais parmi les champignons mortels, certains sortent d’un œuf ou sont à manchettes. Cela dit, d’excellents comestibles sortent aussi d’un œuf ou portent une manchette. En cas de doute, donc, mieux vaut s’abstenir!

Tous les champignons bleus sont bons
Plutôt vrai:
Une grande partie des champignons bleus sont bons. Toutefois, l’habit ne fait pas le moine: certaines russules d’un splendide bleu azur sont tellement piquantes qu’elles sont immangeables. Sans être mortelles, elles peuvent provoquer des remous intestinaux, voire des diarrhées assez instantanées! Quant aux «bleus violacés», il n’y en a pas de dangereux chez nous. Méfiance tout de même car les conditions atmosphériques peuvent modifier la couleur, qui par ailleurs est un critère plutôt suggestif. Le «bleu» en particulier recouvrant une gamme très vaste de champignons.

Tous les champignons à aiguillons sont bons
Vrai:
C’est vrai en Suisse (mais il en va différemment en Asie ou en Afrique). On peut ainsi tous les manger (le pied-de-mouton, par exemple, a bonne réputation). Cependant, certains sont très poivrés et peuvent être agressifs pour les intestins, la preuve par le Sarcodon scabrosus et le Sarcodon joeides, et mieux vaut, dans ces cas, avoir une solide constitution quand on en avale. Cela dit, aucun, parmi eux, n’est mortel.

Aucun champignon à tube (la grande famille des bolets) n’est mortel
Vrai:
En Suisse et plus généralement en Europe centrale, il n’y a en effet pas de mortels parmi les champignons à tube. Mais là encore, certains peuvent être toxiques et causer des gastro-entérites, comme le bolet satan.

Les champignons poussent toujours après la pluie
Vrai mais:
Une forte humidité est une condition nécessaire, mais pas suffisante. L’autre facteur indispensable à leur apparition est une importante chute de température de 7 à 10 degrés, aussi brusque que possible, et cela en une semaine. Ceci est vrai pour la grande majorité des champignons intéressant les cuisiniers et qui poussent en automne.

Il n’y a aucun danger de tomber dans nos contrées sur le clitocybe de l’olivier (qui ressemble à la girolle)
Faux:
Le danger est faible, car ce champignon est un méridional, mais il existe dans le canton de Vaud. Quoique pas forcément mortel, le clitocybe de l’olivier est très violent. Le danger est faible, car ce champignon est un méridional, mais il existe dans le canton de Vaud. Quoique pas forcément mortel, le clitocybe de l’olivier est très violent. Une personne en mauvaise santé court de gros risques à consommer ce proche de la délicieuse chanterelle.

Un champignon entamé par une limace est comestible
Faux: Les limaces mangent certains champignons toxiques sans problème, parce qu’elles ont les enzymes pour dégrader les toxines qu’ils produisent. Celles des amanites, par exemple, sont des peptides (de petites molécules de cinq ou six acides aminés, apparentées aux protéines) que nous sommes incapables de dégrader.

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