« J’aime les vrais malades »

Jean-François Delaloye. Le professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine prend un repas léger à la cafétéria du CHUV. © Nicole Chuard
Jean-François Delaloye. Le professeur associé à la Faculté de biologie
et de médecine prend un repas léger à la cafétéria du CHUV. © Nicole Chuard

Jean-François Delaloye a créé le Centre du sein au Département de gynécologie-obstétrique du CHUV. Rencontre avec un hyperactif qui prend son temps avec chaque patiente.

Ce jour-là, après qu’il a opéré une patiente, Jean-François Delaloye souhaite manger dans les parages du CHUV, ou même à la cafétéria de l’hôpital, pour rester disponible en cas d’appel. En général, il n’aime pas «perdre du temps à table», même s’il s’installe tranquillement dans la conversation. Père de quatre garçons nés entre 1975 et 1984, Jean-François Delaloye est un homme patient. Pour lui, le temps c’est de l’or, et il faut d’abord le consacrer aux autres, les femmes notamment ! Car le professeur est un chirurgien sénologue (spécialiste du sein).

Pour son premier Noël de garde, ce jeune père (premier fils à 23 ans) s’est vu projeter au-dessus d’un brancard par un blessé ivre auquel il avait eu le malheur de poser une question. «J’avais déjà choisi la gynécologie, j’aimais l’action, cette attention simultanée portée à la mère et à l’enfant, mais cet incident regrettable m’a fait comprendre à quel point je préfère la femme à l’homme, surtout à l’homme malade», raconte-t-il. Aimer l’humain ne l’empêche pas d’exercer son sens critique, envers lui-même d’abord. «Dans la vie, on pardonne mais on se souvient, de ses propres bêtises surtout. En famille, les enfants se chargent de vous renvoyer vos insuffisances à la figure, mais en médecine, si vous perdez, l’autre perd plus que vous. Dans ce métier, on n’a pas le choix, on doit avoir l’ambition de ne pas être mauvais.»

D’où l’engagement fort manifesté envers ses patientes. Autrefois, beaucoup de femmes en bonne santé, venues pour un contrôle, de futures mères et de jeunes accouchées, puis celles de tous âges dont il s’occupe aujourd’hui, ses «vraies malades» touchées par un cancer du sein. «Je ne veux pas perdre mon temps avec des personnes qui n’ont peut-être pas grand-chose. Je m’intéresse à la maladie grave, celle que l’on résout à plusieurs, le radiologue, le pathologiste, le chirurgien, le plasticien et le fondamentaliste avec qui vous êtes en contact pour essayer de nouveaux traitements. Le Centre du cancer fonctionne de manière interdisciplinaire», précise-t-il.

Sur le plan chirurgical, Jean-François Delaloye a vécu le passage de la mutilation à la conservation du sein. En matière de radiothérapie, «nous sommes en train de passer de l’irradiation complète du sein à l’irradiation du lit de la maladie». Le dépistage contribue également à la baisse de la mortalité dans ce domaine. Les traitements s’améliorent, les décisions changent. Un élément demeure: «L’approche des gens, qui reste essentielle. A l’heure de la robotique médicale, de la chirurgie à distance, il faudra se souvenir de rester proches des patients. Il ne suffit pas d’aborder les malades par une petite ouverture, par le trou de la serrure; il faut aller main dans la main avec les gens et leur tenir la tête hors de l’eau, même s’ils sont en train de couler», affirme ce professeur qui aime l’enseignement. Il organise à l’UNIL des cours pré- et postgradués, sans oublier les colloques comme le Congrès suisse de sénologie qu’il vient d’accueillir à Lausanne. «Je me serais ennuyé à mourir dans un cabinet», conclut-il. On le croit volontiers.

Un goût qui rappelle votre enfance?
Celui des mûres chez mes grands-parents et grands-tantes à Versoix.

Le goût dont vous rêvez?
Celui d’un café croissant pris debout dans un bar à Milan.

Quel repas pour la fin du monde ce soir?
Si c’était la fin du monde ce soir, pourquoi devrais-je manger? Je ne me mettrais donc pas à table.

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