Des perruches dans nos villes

Perruche moine. Cette espèce sud-américaine s’est implantée dans plusieurs villes européennes. © Fritz Pölking /Mauritius / Superstock
Perruche moine. Cette espèce sud-américaine s’est implantée dans plusieurs villes européennes. © Fritz Pölking /Mauritius / Superstock

Quand il a chanté Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux, Pierre Perret n’imaginait sûrement pas qu’il serait entendu, et que ces lâchers permettraient un jour à des milliers de volatiles vert pétant d’envahir le ciel européen.

La superbe perruche à collier, ca-pable de vivre sur les contreforts de l’Himalaya jusqu’à 1300 m comme dans les plaines subsahariennes, est retournée à la vie sauvage et a élu domicile dans les grandes villes ensoleillées du pourtour méditerranéen (Espagne, Italie). Mais aussi aux alentours de Londres (50 000 individus), en Belgique (10 000 individus), en région parisienne (environ 1000 individus), en Hollande ou encore en Allemagne.

«En Angleterre, elles se sont échappées de captivité à répétition. A force, il y en a eu assez pour qu’elles se reproduisent. Maintenant, on observe des grands vols de perruches à collier au-dessus de Londres, explique Philippe Christe, maître d’enseignement et de recherche au Département d’écologie et évolution (DEE) de l’UNIL et spécialiste des oiseaux. En France, leur grand nombre s’explique par une introduction massive accidentelle. Un convoi s’est évadé d’un container à l’aéroport d’Orly.»

La perruche moine d’Amérique du Sud, très légèrement plus petite que sa cousine afro-asiatique, s’est aussi implantée dans différentes cités du Vieux-Continent (Barcelone, Bruxelles, Montpellier). Parce qu’il faut bien le dire, nos villes européennes offrent tout le confort nécessaire au bonheur des joyeuses granivores volontiers frugivores: des bâtiments chauffés contre lesquels dormir, une nourriture abondante fournie par les parcs où poussent des arbres exotiques, ainsi que par de gentils humains bien intentionnés, une protection certaine contre d’éventuels prédateurs (faucons pèlerins, éperviers ou fouines).

«Ces espèces d’oiseaux en captivité retrouvent rapidement leur instinct de survie dans la nature. De plus, elles rencontrent moins de prédation que dans leur milieu d’origine et ne sont pas en contact avec leurs parasites habituels. Ce qui favorise leur développement», explique le spécialiste de l’UNIL.

Philippe Christe. Maître d’enseignement et de recherche au Département d’écologie et évolution (DEE). Nicole Chuard © UNIL
Philippe Christe. Maître d’enseignement et de recherche au Département d’écologie et évolution (DEE). Nicole Chuard © UNIL

Leur prolifération inquiète les agriculteurs d’Europe qui les voient déjà se jeter sur les champs de céréales, de maïs ou dans les vergers. En outre, les perruches à collier, qui nichent dans des cavités, pourraient convoiter l’habitat des oiseaux indigènes. «Le site de reproduction est souvent un facteur limitant pour les espèces cavernicoles comme les mésanges ou les huppes fasciées. On peut envisager que les perruches affectent les populations locales par le biais de cette compétition. Mais, pour ma part, je ne suis pas soucieux pour l’instant.»

En Suisse, sur les 157 espèces d’oiseaux exotiques «échappés de captivité», la Station ornithologique de Sempach ne recense qu’un seul couple de perruches à collier qui a niché à Monthey (VS) entre 1991 et 1994. «Leur probabilité de pouvoir s’installer est corrélée au nombre de jours de gel, indique Philippe Christe. Elles supportent mal les froids trop intenses de longue durée. On pourrait les voir s’implanter au Tessin ou dans la région de Montreux par exemple. Mais pour qu’elles se maintiennent, il faudrait de nombreux relâchés artificiels et plus d’un couple nicheur.» Pas encore de quoi fantasmer sur «Les oiseaux» hitchcockiens, version exotique, donc.

Article principal: Y aura-t-il bientôt des piranhas dans nos rivières ?

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