Commémoration du génocide Charrúa, 11 avril 1831 – 11 avril 2011
C’est en 1997 qu’un groupe de personnes décide de se rendre le 11 avril à Salsipuedes, région qui se trouve au centre de l’Uruguay, jouxtant les départements de Paysandú et de Tacuarembo. Salsipuedes (sors si tu le peux) est l’endroit où, en 1831, a eu lieu un des derniers massacres qui a décimé le peuple charrúa, originaire de ces lieux. Pourquoi Salsipuedes ? Peut être parce qu’il y a eu trahison, embuscade et mort violente de femmes, d’enfants et de guerriers désarmés.
Ce groupe de pérégrins est composé d’intellectuel.le.s, de sympathisant.e.s, mais surtout de nombreuses personnes qui, depuis 1989, sont à la recherche de leurs racines autochtones et réclament une appartenance qui leur a été niée depuis 180 ans. Plusieurs centaines de personnes seront présentes cette année-là, où l’émotion et la fraternité seront au rendez-vous.
Depuis lors, chaque 11 avril, des personnes se rendent à Salsipuedes pour se réunir, se souvenir et construire. En 2009, une loi reconnaît le 11 avril comme Jour de la nation Charrúa et de l’identité autochtone. Malgré la joie, il reste le remords de ne pas voir apparaître le mot génocide qui a été écarté lors des multiples négociations.
Ce 11 avril 2011, pour la première fois, tous les groupes qui s’auto-identifient charrúas sont présents, malgré les différents qui les éloignent parfois, malgré la coupure artificielle faite entre l’urbain et le rural. L’appel est lancé pour une réconciliation. Nombreuses sont les personnes qui ne veulent plus seulement pleurer leurs ancêtres, ou réclamer réparation, mais construire un futur commun.
Cette année 2011, j’accompagne les femmes du peuple charrúa (UMPCHA), le premier groupe des femmes qui s’est fondé en février 2010. Elles m’ont intégrée à part entière, en tant qu’anthropologue, en tant que femme et en tant que personne née sur ces terres pampéennes.
Ensemble nous chantons en chœur:
misiajalaná, basquade ijou, bilú guidaí, guidaí na sepe, amdá aú etriec, geppian oyendau – restons tranquilles, levons nos yeux vers la magnifique lune, la lune nous apportera la sagesse, cherchons la vérité en semant la mémoire.
Ce chant inventé avec les quelques mots qui ont pu être récupérés de la langue charrúa, de la langue chana et d’autres langues encore que parlaient ces divers peuples unis ensemble en tant que charrúas pour lutter contre l’envahisseur colons d’abord, criollo ensuite, est répété tout au long du chemin charrúa qui relie les villages de la région. C’est dans les écoles que nous nous arrêtons pour chanter, et raconter une autre histoire, celle de ceux et celles qui ont été ignorés depuis tant de temps.
L’important ce n’est pas de conscientiser les adultes, dit Ignacio, surnommé El Indio, l’important c’est de raconter notre histoire aux enfants, qui seront les hommes et les femmes du futur.
Andrea Olivera
Assistante / Doctorante
Laboratoire d’anthropologie culturelle et sociale