Synthèse de la plateforme du 14 avril 2014
Arnaud Buchs, Joëlle Salomon Cavin, Nathalie Chèvre
Clip vidéo : « dessine moi une nature »
En guise d’orientation pour la préparation de la journée, les coordinatrices (J. Salomon Cavin et N. Chèvre) ont demandé aux intervenants de commencer leur présentation par la description de la nature telle qu’appréhendée dans leurs recherches respectives et selon leur propre expérience.
Cette courte vidéo présente l’étendue de l’éventail des conceptions de la nature décrite par les membres des trois instituts de la FGSE. Parle-t-on d’une nature polysémique ou plutôt de différentes natures ?
Programme
13h30-13h45 | Introduction générale Nathalie Chèvre et Joëlle Salomon Cavin |
13h45-14h25 | Temps 1 : Présentations de différentes approches au sein de l’IDYST Christophe Lambiel, Frederic Meylan et Eric Verrecchia |
14h25-15h05 | Temps 2 : Présentations de différentes approches au sein de l’ISTE Lukas Baumgartner, Michel Jaboyedoff et Ivan Lunati |
15h05-15h45 | Temps 3 : Présentations de différentes approches au sein de l’IGD Dominique Bourg, Monica Castro et Joëlle Salomon Cavin |
15h45-16h | Pause |
16h00-17h | Temps 4 : Synthèse et table ronde-débat Animée par Arnaud Buchs et Nathalie Chèvre |
Différentes approches mais des questionnements transversaux
La diversité des conceptions de la nature illustre le pluralisme thématique et disciplinaire de la faculté. Pour renforcer la portée de cette diversité, l’échange entre instituts est primordial. Il permet de tisser des liens entre les chercheurs et leurs approches respectives. Aussi, en questionnant le rapport des chercheurs à la nature, cette plateforme participe du renforcement de l’identité de la FGSE.
Au delà de la diversité des conceptions de la nature, voire des natures, qui pourrait laisser penser à une atomisation des positions des membres de la FGSE, les présentations et discussions durant la rencontre ont fait émerger plusieurs points de convergence. Ceux-ci peuvent être formulés sous forme de deux questionnements majeurs qui prouvent la nécessité d’une démarche réflexive commune autour des différentes pratiques de recherche :
- comment penser la partition société-nature ?
- comment qualifier la pratique de recherche, entre volonté d’objectivation et engagement militant ?
Cette synthèse vise moins à apporter des réponses fermes à ces questions qu’à alimenter le débat.
2.1. Comment penser la partition sociétés-natures ?
L’ancrage disciplinaire pourrait logiquement conduire à cloisonner deux espaces : l’espace social comme champ d’expertise des sciences dites sociales, l’espace naturel comme champ d’expertise des sciences dites naturelles. Cette dichotomie simpliste s’avère inopérante pour de nombreuses recherches, particulièrement en géosciences et en sciences de l’environnement, qui relèvent souvent d’approches transversales. Dès lors, comment penser la partition et les interactions entre sociétés et natures ?
Lors des échanges, il est apparu que l’ancrage disciplinaire des pratiques est souvent fort à la fois pour les sciences naturelles et pour les sciences dites sociales. Ces dernières sont pourtant fréquemment présentées comme étant a priori plus outillées pour penser les interactions entre les deux espaces. En effet, si les chercheurs reconnaissent la pertinence des problématiques aux interfaces des deux espaces, la mise en pratique par une recherche interdisciplinaire peut s’avérer complexe, notamment du fait de la diversité des processus d’objectivation et des discours qui s’y rapportent. Aussi, cette mise en pratique ne peut s’acquérir qu’avec du temps (acquisition de connaissances et de méthodes) et par l’échange (partage des connaissances et retours d’expériences).
De manière générale, trois approches peuvent être identifiées. La première consiste à mettre côte à côte l’espace social et l’espace naturel. Le chercheur peut alors se focaliser sur l’un des deux espaces en fonction de sa pratique de recherche et appréhender l’autre comme paramètre ou contrainte exogène.
Une deuxième approche consiste à penser une inclusion d’un des deux espaces au sein de l’autre. L’espace social peut par exemple être considéré comme un des éléments d’un tout plus vaste constitué de la nature au sens large. Néanmoins, cette perspective n’implique pas nécessairement un changement de pratique par rapport à la première option : l’un des deux espaces peut demeurer mineur et exogène. C’est le cas, par exemple, des recherches en sciences sociales qui considèrent l’environnement comme un décor de la vie sociale, ce qui est le cas de celles qui l’appréhendent seulement comme un réservoir de ressources et/ou un déversoir de pollutions.
Enfin, une troisième perspective peut conduire à tenter l’expérience de la démarche systémique où les deux espaces interagiraient en dynamique. Le corolaire de cette perspective est l’adoption d’une démarche qui dépasse les limites d’une discipline donnée (interdisciplinarité).
2.2. Comment qualifier la pratique de recherche, entre volonté d’objectivation et engagement militant ?
Deux postures de recherches archétypales peuvent être identifiées. La première relève de l’illusion d’une démarche axiologiquement neutre. Un des points communs de toute démarche scientifique est la volonté d’objectivation par des méthodes et des théories. Néanmoins, le fait de considérer qu’il existerait une démarche parfaitement objective est difficilement tenable. Pour les sciences sociales, cette impossible neutralité se conçoit plus facilement compte tenu des contingences liées à l’observateur et aux phénomènes observées, ainsi qu’aux théories mobilisées. Pour les sciences naturelles, même si cela est moins flagrant, il est possible de considérer que c’est également le cas : le phénomène observé, les outils de mesure, le paradigme théorique, etc. relèvent également de choix. De plus, le laboratoire ne peut reproduire avec exactitude la dynamique naturelle loin de tout regard.
La seconde posture relève du militantisme. Rien n’empêche au chercheur d’avoir plusieurs casquettes et au militant qui sommeille en lui de s’exprimer par ailleurs. L’enjeu est de réussir à distinguer les deux postures pour ne pas sombrer dans le dogmatisme.
La pratique du chercheur est loin d’être figée. Ce dernier peut être amené à naviguer par aller-retour entre ces deux extrêmes en fonction des différents moments de sa pratique (élaboration du protocole, communication des résultats) ou en fonction des interlocuteurs (pairs, médias, grand public).
La dynamique de la pratique de recherche entre deux extrêmes
Se pose alors la question de la responsabilité du chercheur ou de l’expert Elle interroge le chercheur, non plus sur sa pratique, mais sur son rôle au sein de la société. Plus exactement, elle vise à comprendre la diversité des rôles du chercheur à la fois producteur de savoirs et citoyen. Jusqu’où s’exerce le devoir de réserve, si devoir de réserve il y a ? Comment appréhender les propos militants d’un chercheur en dehors de son travail ? A quel point les convictions personnelles du chercheur influencent-elles son travail ?
Toutes ces questions, qui ont animé la fin de la séance en raison de la diversité des opinions, pourraient donner lieu à une prochaine plateforme spécifique sur la responsabilité du chercheur.