Le présent à la lumière du passé
À l’Institut d’histoire et d’anthropologie des religions (IHAR), Wissam H. Halawi navigue, du fait de sa spécialité historique, entre le lointain passé et les turbulences du présent. Son enseignement attire d’ailleurs autant de retraités que d’étudiants soucieux de comprendre cet espace à la fois géographique, politique, juridique, culturel et religieux dominé par des souverains se réclamant de l’islam et peuplé d’habitants minoritaires ou majoritaires issus des trois monothéismes.
«La religion fait partie de la culture arabo-musulmane mais ne l’épuise pas», pointe l’historien, qui propose, dans son cours d’introduction, un panorama de l’islam depuis son apparition coranique, dans le monde médiéval du VIIe siècle, jusqu’à nos jours. À ceux qui souhaitent aller plus loin, explorer les sources arabes médiévales et modernes (qu’il a réunies avec le soutien de la BCUL) ou le fonds de sources arabes spécialisées dans le droit musulman (fiqh sunnite ou chiite à la bibliothèque du CIHSR), il conseille d’apprendre l’arabe. Arrivé en 2018 à l’UNIL, nommé professeur associé en 2023, Wissam Halawi a mis sur pied cet apprentissage linguistique.
Minorités sociales et religieuses
Titulaire de la chaire d’Histoire de l’islam et des mondes musulmans, ce spécialiste de l’Orient musulman médiéval mène ses recherches sur les espaces ruraux et les communautés minoritaires shi’ites (imamites et ismaéliennes) et non musulmanes (dhimmī-s) en terre d’islam. Il accorde également une importance particulière à l’étude de l’ésotérisme savant et à l’émergence des hétérodoxies en islam, de même qu’à la question du genre et au rôle des femmes au sein des sociétés musulmanes. Outre de nombreux articles spécialisés, on lui doit des ouvrages comme Les Druzes aux marges de l’Islam. Ésotérisme et normativité en milieu rural, XIVe-XVIe siècle (Cerf, 2021) et Le droit ismaélien druze (Éditions de la Sorbonne, 2024).
Pour une rigueur scientifique
«Cette orientation sur les minorités sociales et religieuses n’est pas sans lien avec mon histoire personnelle et familiale», esquisse ce Libanais formé à Paris et résolument laïque. Devenir historien ne confère pas d’emblée une neutralité propre à effacer toutes les appartenances et les sensibilités. En revanche, considère-t-il, «exercer ce métier consiste à maîtriser et appliquer une méthode historique rigoureuse, qui oblige à conclure en fonction d’un examen critique des sources et non de visions préalables que nous pourrions avoir».
La hauteur scientifique est à ses yeux un bien précieux qu’il ne s’agit pas de dilapider. Lui-même régulièrement sollicité pour réagir aux événements associés à l’islam politique et / ou religieux, il tente pour sa part de conserver une certaine distance académique propre au chercheur et au professeur, jusque dans les turbulences qu’il affronte, comme tout citoyen, au présent. – NR