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Le géologue qui explore les zones sismiques

Il aime les roches, Pierre Lanari, il en étudie la composition et les transformations. Il a été nommé professeur associé à la Faculté des géosciences et de l’environnement en 2024. Tour du globe avec lui.

Fabrice Ducrest © UNIL

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Le géologue qui explore les zones sismiques

Il aime les roches, Pierre Lanari, il en étudie la composition et les transformations. Il a été nommé professeur associé à la Faculté des géosciences et de l’environnement en 2024. Tour du globe avec lui.

Ses étudiantes et étudiants du cours de pétrologie (genèse des roches) sont invités à marcher, comme lui-même alors qu’il découvrait les mystères alpins à l’Université de Savoie. « Quand on regarde cette scène, ces vallées et ces massifs successifs, on comprend que ces roches ont voyagé à divers niveaux de profondeur. Certaines sont des morceaux d’ancienne croûte océanique et c’est fascinant », confie-t-il. Ces fragments du temps long exhumés sont les archives du globe terrestre, on en voit par exemple au-dessus de Zermatt, et la composition diverse de ces roches, associées à différents minéraux acquis dans les profondeurs, permet au spécialiste de retracer leur parcours souterrain et lointain. En voyage il en récolte lui-même, parfois aussi il reçoit de petits fragments de l’Himalaya…

Des roches sous-marines sur les Alpes

« Typiquement, on trouve des laves volcaniques qui se sont solidifiées au contact de l’eau de mer et ont gonflé comme des coussins. Aujourd’hui on peut les voir se former à la Réunion, mais les coussins trouvés dans les Alpes se sont constitués il y a des dizaines de millions d’années au fond de la mer, puis certains ont été enfouis, puis expulsés vers la surface durant le processus de subduction », explique le spécialiste. Des roches tel le basalte pur, issu de la lave et non transformé, ne contiennent pas de minéraux ; d’autres plus en profondeur se sont gorgées de minéraux ayant capturé des molécules d’eau, les plus belles étant les cristaux…

Anticiper les séismes de subduction

Mais qu’est-ce que la subduction ? Il s’agit d’un mouvement qui obéit à la tectonique des plaques et entraîne des processus métamorphiques avec de complexes transformations des roches. La disparition d’un petit océan sous l’effet de l’imbrication des plaques européenne et africaine fournit une certaine idée du choc exercé par la friction entre deux continents, faisant surgir les premiers reliefs des Alpes il y a 30 millions d’années. Aujourd’hui encore, nos montagnes s’offrent de petites pointes pour les plus actives d’entre elles. Mais la plus forte activité s’exerce dans le Pacifique ; elle a donné lieu à la cordillère des Andes et ne cesse d’alimenter l’activité volcanique et sismique. Par exemple au Japon, où on parle de « séisme de subduction » au sujet du séisme qui a causé la catastrophe de Fukushima. La subduction signifie qu’une plaque passe sous l’autre, en l’occurrence le plancher océanique sous la croûte continentale, au Japon, à Sumatra ou encore sur toute la côte sud-américaine.

« Notre globe offre une surface fixe. Si on ouvre quelque part comme en ce moment entre l’Europe et l’Amérique, où se crée une nouvelle croûte océanique atlantique, il faut qu’une surface équivalente de matériel crustal s’enlève ailleurs et c’est, dès lors, le Pacifique qui s’enfonce sous la croûte continentale. L’analyse des roches et de leurs transformations dans ces zones de subduction permet de comprendre ce qui se joue à travers ces processus métamorphiques, et de mieux anticiper l’apparition des tremblements de terre », esquisse le spécialiste.

Si on ose le suivre encore un peu, on comprend que l’analyse des minéraux contenus dans les roches est utile pour repérer les lieux plus ou moins exposés aux séismes dans ces zones de subduction. Minéraux, on l’a dit, apparus tout au long des transformations rocheuses à travers le temps, à différentes profondeurs et en surface. Des modèles complexes permettent aujourd’hui d’analyser ces processus métamorphiques. « Des modèles progressivement remplacés par des algorithmes d’intelligence artificielle encore plus performants », souligne Pierre Lanari. – NR