La science de l’eau
Si la qualité de ce qui sort de nos robinets reste un souci constant des politiques et des spécialistes du service public, il est une autre dimension de l’or bleu qui intéresse la science de l’eau et ne relève pas de sa consommation par la population humaine. À l’UNIL depuis une petite année – après huit ans passés à l’EPFL comme postdoctorant puis collaborateur scientifique – Paolo Benettin vient de l’ingénierie de l’environnement, vouée à la résolution des problèmes, qu’il a quittée pour la recherche en hydrologie, qui tente de les comprendre en analysant le cycle de l’eau dans son milieu naturel.
«La végétation utilise l’eau des précipitations qui ruisselle vers les rivières et s’infiltre dans la terre ; elle est donc partie intégrante de ce cycle», souligne le professeur en hydrologie et changements environnementaux. Il indique que plus de la moitié de l’eau de pluie est interceptée par les racines des plantes, et s’évapore ainsi sans passer par les mers. L’eau s’écoulant dans les rivières reste une dimension plus connue du cycle.
Parcours de la Chamberonne
Avec ses étudiants, Paolo Benettin travaille par exemple sur la Chamberonne, pour en estimer le débit en ses différents segments, une partie agricole d’abord, puis champêtre à travers la forêt et enfin canalisée durant la traversée d’une zone fortement urbanisée, avant une sortie à l’air libre aux abords immédiats du campus de Dorigny. «L’eau circule plus vite dans les tuyaux que dans la nature, si bien que l’on peut avoir des débits particulièrement importants dans les zones urbaines», détaille-t-il.
En deuxième année de bachelor déjà, il veille à ce que les étudiantes et étudiants utilisent de manière professionnelle les données sur les précipitations et les températures pour calculer, par exemple, la fréquence des événements rares. Ses cours, qui comprennent ainsi des analyses à partir de données bien réelles, sont destinés à de futurs spécialistes en sciences de l’environnement, mais aussi à des géographes orientés sur les sciences humaines. En ce moment, il monte son groupe de recherche à l’UNIL, un travail patient qui exige de trouver des moyens pour acheter du matériel, par exemple «des instruments pour mesurer le flux de l’eau dans les plantes» et salarier les jeunes chercheurs.
Le Tessin bien arrosé, même en été
Lui-même conserve un terrain en Toscane, où il étudie la relation entre l’eau et les vignes. Il se déclare fasciné par «les stratégies de survie des plantes durant la saison estivale, moins pluvieuse, qui est aussi le moment où elles vont pousser le plus…» Si Lausanne connaît peu de variabilité saisonnière en matière de précipitations, c’est moins le cas du Tessin, par exemple, où il pleut tout le temps davantage qu’à Lausanne et encore plus en été ; si les précipitations hivernales restent relativement fortes dans l’Italie du Nord, il y a globalement moins de pluie sur l’ensemble du territoire, le centre et le sud jusqu’à la Sicile étant notamment peu arrosés entre juin et septembre…
Demandez l’âge de l’eau !
Une dimension de l’histoire de l’eau passionne le scientifique : son âge ! En effet, quand il pleut et que les cours d’eau sont pleins, on y voit un lien immédiat, alors que l’hydrologie nous enseigne qu’une bonne partie de cette eau qui bouillonne dans les rivières ne provient pas de la dernière pluie. En effet, il s’agit d’un mécanisme qui mobilise d’abord l’eau stockée en profondeur, parfois des années après son arrivée sous forme de précipitations. C’est ce que Paolo Benettin nomme «le paradoxe de la vieille eau».
Sa femme et lui sont parents d’un enfant de 6 ans et d’un autre garçon d’une année. La famille se rend fréquemment en Italie, notamment à Padoue, où Paolo Benettin, âgé lui-même de 38 ans, plonge ses racines. – NR