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Le cardiologue qui ménage votre cœur

Professeur à la FBM, Baris Gencer travaille au Service de cardiologie du CHUV dans la prévention, notamment postinfarctus, sur la base des résultats issus de ses recherches.

Félix Imhof © UNIL

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Le cardiologue qui ménage votre cœur

Professeur à la FBM, Baris Gencer travaille au Service de cardiologie du CHUV dans la prévention, notamment postinfarctus, sur la base des résultats issus de ses recherches.

Passionné par la recherche, après ses études de médecine à l’UNIL et une double spécialisation en médecine interne et cardiologie, avec un séjour de recherche à l’Université de Harvard, Baris Gencer est à l’origine de différents projets passés, en cours et à venir, soutenus par le FNS et primés pour certains par la Fondation suisse de cardiologie. Sans les citer tous, on en donnera un aperçu. D’abord, connaissez-vous les « huit essentiels » ? Le cholestérol, le diabète, la tension artérielle, le tabac, le poids, la nutrition, l’activité physique et le sommeil sont impliqués dès qu’il s’agit de s’interroger sur l’état de son cœur1.

Un nouveau projet en cours de préparation avec l’UNIL, le CHUV et l’EPFL vise à mesurer chez 2000 participants entre 50 et 70 ans non touchés par un infarctus (prévention primaire) tous ces paramètres dans le détail, pendant quelques mois avec finalement un dépistage de l’athérosclérose2 (« plaque de cholestérol » dans les artères) par imagerie de type scanner.

« Il est important de rappeler que le cholestérol sanguin est un facteur de risque important, que chacun peut mesurer facilement chez son généraliste.»

Professeur Baris Gencer

Toutes ces données issues notamment d’une inédite observation des artères du cœur au scanner, mais aussi de montres connectées prêtées à chaque participant, seront intégrées dans un modèle d’intelligence artificielle3 en vue de générer de meilleures prédictions en corrélant tous les facteurs récoltés avec le degré d’athérosclérose.

Cardiologie de précision

En parallèle aux styles de vie, on constate un intérêt croissant pour la prédisposition génétique. Un score polygénique (rarement fait) sera également utilisé pour situer les personnes soit dans la moyenne, soit dans une minorité moins concernée ou, au contraire, prédisposée génétiquement au risque d’infarctus. Cette information peut notamment aider à identifier les personnes au pronostic défavorable, qui nécessiteraient une attention particulière (conseils plus intenses, voire médicamenteux). En outre, d’autres données seront prises en compte, telles que les selles, qui peuvent indiquer un type de microbiote plus ou moins associé à l’athérosclérose et au risque cardiovasculaire4.

Pas trop d’alcool ni trop d’oméga-3

Citons le programme d’éducation thérapeutique postinfarctus ELIPS, implémenté aux hôpitaux HUG et CHUV pour mesurer l’impact de l’adhérence aux traitements, du contrôle des facteurs de risques cardiovasculaires et des biomarqueurs. Cette étude a mis en évidence, par exemple, le danger d’une consommation rapide et excessive d’alcool5, ou encore le pronostic défavorable d’un taux bas de testostérone chez les hommes après un infarctus6.

L’équipe du professeur Gencer s’est aussi intéressée à la déprescription et a démontré que l’arrêt des bêta-bloquants, un médicament fréquemment prescrit, pouvait être réalisé avec sécurité chez certains patients après un infarctus7.

Une autre étude, menée sur la prise exagérée d’oméga-3, a révélé un lien avec les arythmies (fibrillation auriculaire augmentant le risque d’AVC)8. Les suppléments d’oméga-3 sont largement utilisés car il n’y a pas besoin d’ordonnance médicale. Le professeur Gencer souligne le risque d’une prise « à haute dose » de suppléments dont le bénéfice demeure très discutable, surtout si l’on mange naturellement deux portions de poisson par semaine.

Enfin, un projet FNS en cours vise à constituer au hasard (randomisation) deux groupes de patients postinfarctus. À l’un on demanderait de ne pas boire d’alcool pendant trois à six mois (temps nécessaire à la cicatrisation du cœur postinfarctus) tandis que l’autre pourrait boire un ou deux verres comme d’habitude. Le but étant de mesurer l’impact du facteur alcool sur l’état de la fonction cardiaque postinfarctus, une question fréquemment posée par les patients. 

Prescrire le plaisir

On l’a compris, notre spécialiste n’est pas un chirurgien mais un spécialiste de la cardiologie préventive, qui travaille étroitement avec ses collègues du Service de cardiologie dirigé par Olivier Muller. Engagé en 2024, Baris Gencer est appelé à développer le volet prévention et recherche dans la prise en charge de la première cause de mortalité en Suisse. Il veut notamment prêter une attention spécifique aux femmes, via des consultations réalisées par une infirmière en pratique spécialisée, pour le diagnostic ainsi que l’amélioration des traitements postinfarctus.

Sans oublier une « prescription muséale », nouvellement lancée avec le MCBA pour accompagner des patients postinfarctus du CHUV lors de visites guidées. « J’ai assisté à une première visite très fructueuse, c’est l’occasion d’échanger entre patients et avec notre équipe médicale dans un cadre où l’art apparaît comme une ressource bénéfique pour le corps et l’esprit, et c’est mon rôle comme médecin de favoriser chez nos patients l’attachement à la vie », conclut le professeur Gencer. – NR


  1. Riez, dansez… : 12 conseils de spécialiste pour muscler votre cœur, 24 heures, 25.02.2025. ↩︎
  2. Efficacy and safety of lowering LDL cholesterol in older patients: a systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials, The Lancet, Volume 396, Issue 10263, pp. 1637-1643, 2020. ↩︎
  3. L’IA fait aussi son irruption en cardiologie et redéfinit le rôle des médecins, rts.ch, Santé, 14.02.2025. ↩︎
  4. Gut microbiota‐dependent Trimethylamine N‐oxide and cardiovascular outcomes in patients with prior myocardial infarction: A nested case control study from the PEGASUS‐TIMI 54 trial, Journal of the American Heart Association, Volume 9, Number 10, 2020. ↩︎
  5. Drinking patterns of alcohol and risk of major adverse cardiovascular events after an acute coronary syndrome, European Journal of Preventive Cardiology, Volume 31, Issue 7, pp. 845–855, 2024. ↩︎
  6. Prognostic value of total testosterone levels in patients with acute coronary syndromes, European Journal of Preventive Cardiology, Volume 28, Issue 2, pp. 235–242, 2021. ↩︎
  7. Safety of beta-blocker discontinuation after acute coronary syndromes with preserved or mildly reduced left ventricular ejection fraction : a target trial emulation from a real-world cohort, European Journal of Preventive Cardiology, 2024. ↩︎
  8. Effect of long-term marine ɷ-3 fatty acids supplementation on the risk of atrial fibrillation in randomized controlled trials of cardiovascular outcomes: A systematic review and meta-analysis, Circulation, Volume 144, Number 25, 2021. ↩︎