La FGSE explore les profondeurs de la Terre

Faculté des géosciences et de l’environnement

VU DES FACULTÉS

Le géologue Othmar Müntener (à droite) et le géophysicien György Hetényi (à gauche) sont à la tête du projet international DIVE.

Fabrice Ducrest © UNIL

Fabrice Ducrest © UNIL

VU DES FACULTÉS

Le géologue Othmar Müntener (à droite) et le géophysicien György Hetényi (à gauche) sont à la tête du projet international DIVE.

Un projet d’une ampleur exceptionnelle

Deux plaques continentales sont entrées en collision, prélude à la formation des Alpes. Aux portes de la Suisse, sur un site près de Domodossola – faisant partie d’une région géologique qui prend fin du côté nord de Turin – les roches les plus profondes ont ainsi été poussées vers la surface, devenant accessibles à un travail de forage et d’exploration d’une envergure inégalée, mené aujourd’hui sous la direction de deux professeurs de la faculté.

Othmar Müntener, géologue, et György Hetényi, géophysicien, sont chacun à sa manière des spécialistes de la montagne dans ce qu’elle a de plus secret : les propriétés chimiques et physiques des roches. Ils croisent leurs regards scientifiques à l’Institut des sciences de la Terre et collaborent au Centre interdisciplinaire de recherche sur la montagne.

DIVE est un projet international (européen et américain) placé sous la direction des deux chercheurs, impliquant une compagnie foreuse, de subtils instruments d’analyse dans les institutions partenaires et une soixantaine de spécialistes sur le terrain et dans les laboratoires (doctorantes et doctorants). C’est un projet dont le montage aura pris six ans ; il est financé par un consortium international ainsi que divers fonds nationaux, dont le FNS, et il donnera lieu ces cinq prochaines années à plusieurs publications et d’autres prolongements scientifiques à venir dans une perspective open science.

Une zone propre à notre planète

«Le site est connu mais n’a encore jamais été exploré à cette échelle. C’est la première fois que la zone de transition entre la croûte et le manteau terrestre, normalement située entre 30 et 40 kilomètres de profondeur, sera analysée dans ses moindres détails grâce à des forages qui peuvent extraire de longues carottes en continu à l’échelle d’un kilomètre, sans lacune, de sorte à révéler toute la variabilité de la roche d’un niveau à l’autre, en traversant ainsi plusieurs échelles spatiales», résument les deux professeurs. Propre à la Terre dans notre système solaire, cette zone de transition était inaccessible jusqu’ici.

Faire parler les roches

Les forages (il y en a deux actuellement, un troisième suivra dans une vallée voisine) permettent d’observer toute une séquence de la roche depuis le micromètre jusqu’au kilomètre (les deux forages ont atteint 578 et 909 mètres de profondeur), et on réalise déjà à l’œil nu que la matière prélevée change de couleur au gré de ses diverses profondeurs. «Les données géophysiques valident les observations au microscope, les calculs et les modèles des géologues qui travaillent sur la matière visible», explique Othmar Müntener.

La géologie s’intéresse à la composition de la matière dans son contexte spatio-temporel (quels sont les minéraux impliqués dans la roche, les éléments chimiques qui composent ces minéraux, la taille des grains et la texture de la roche), tandis que la géophysique analyse les propriétés physiques, thermiques par exemple, les discontinuités qui témoignent des anciens tremblements de terre et qui semblent d’ores et déjà plus importantes que ce qu’on pouvait imaginer, selon György Hetényi. «Nous allons également étudier le taux de déformation dans les roches», esquisse-t-il, en vue d’expliquer la longue histoire qu’elles ont vécue à différentes pressions et températures, lors de la collision alpine et bien avant.

De la vie en profondeur ?

Une troisième piste concerne plus particulièrement des collègues microbiologistes italiens, en quête d’une vie microbienne en profondeur, primitive, potentiellement abritée dans les roches fracturées où les fluides ont pu circuler, et intégrée aux cristaux. En outre, les gaz qui sortent des profondeurs de la roche (radon, hydrogène, méthane…) seront analysés par une équipe française. Le troisième forage à venir interrogera entre autres le potentiel de l’hydrogène disponible dans ces profondeurs en termes de source exploitable d’énergie. L’originalité du projet DIVE vient de la mise en commun des disciplines au service d’une exploration croisée, collaborative et intégrative des couches profondes propres uniquement à la Terre par rapport aux autres planètes de notre système solaire. «La question reste ouverte s’agissant des exoplanètes», conclut (temporairement) Othmar Müntener. – NR

Voyage au centre de la Terre

Des spécialistes de l’UNIL co-dirigent des forages scientifiques de près d’un kilomètre de profondeur, qui visent à atteindre et à documenter, pour la première fois, la base de la croûte continentale et la transition vers le manteau terrestre. D’envergure internationale, le projet se déroule dans le Piémont, en Italie, dans une zone où les roches profondes sont atteignables grâce à un raccourci naturel.