4–5 juin 2018
Université de Lausanne – Anthropole 4030
La santé du prince était une importante source de préoccupation pour tous les sujets de l’Empire romain : chaque année étaient formulés le 3 janvier des uota relatifs au salut de l’empereur, intrinsèquement lié au salut de l’Empire. Ce thème a été traité jusqu’à présent surtout par le biais des « maladies» réelles ou supposées des princes, et notamment des maladies nerveuses et psychologiques des « Césars fous ».
Une telle perspective historiographique est aujourd’hui remise en question : des études plus récentes ont souligné le lien entre la « folie », mais aussi la bonne santé du prince, et le discours idéologique. Nous nous proposons ainsi de replacer au centre de l’enquête la santé du prince sous le Haut-Empire, ainsi que son corollaire, l’hygiène de vie du prince.
Comment le lien entre santé et hygiène de vie de l’empereur s’est-il développé ? Comment les préoccupations pour sa santé se traduisaient-elles, par quels interdits, précautions ou conseils ? Comment sa mauvaise santé était-elle présentée, masquée ou interprétée ?
On pourra par exemple étudier la définition de la santé et la mise en place de normes d’hygiène pour le prince, la place du médecin à la cour, perçu tantôt comme un confident ou un « coach », tantôt aussi comme quelqu’un dont on se méfie. Les préoccupations des amis du prince, les manifestations de l’inquiétude populaire lors des maladies ou blessures de l’empereur, les uota, ex-votos et rites visant à favoriser sa bonne santé, constitueront d’autres thèmes de réflexion.
Plusieurs axes principaux sont envisagés :
- Hygiène de vie et santé du prince ;
- Les préoccupations concernant la santé du prince ;
- Interprétations de la santé du prince.
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Lundi 4 juin
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13•30–14•00 | Accueil et enregistrement | ||
14•00–14•30 | Anne Gangloff & Brigitte Maire | Introduction | |
14•30–15•00 | Stanis Perez | Qu’est-ce que la biohistoire politique ? Retour sur un outil historiographique
Qu’est-ce que la biohistoire politique ? Retour sur un outil historiographiqueStanis Perez, Paris Tantôt attribuée à Michel Foucault, tantôt aux biologistes eux-mêmes, la notion de « biohistoire » n’est pas sans poser d’épineux problèmes méthodologiques. De tout temps, l’articulation de l’exercice du pouvoir à l’état de santé ou à l’apparence physique des gouvernants a suscité de nombreux commentaires pour ne pas dire d’intenses réflexions. On peut même se demander si la fameuse allusion de Pascal au nez de Cléopâtre ne constitue pas l’un des plus curieux avatars de ce déterminisme bio-politique. Or cette option déterministe est sans doute la plus dangereuse qui soit car si le tyran est forcément laid, fou ou boiteux, il ne suffit pas à un roi ou à un président d’être « beau », sage et véloce pour devenir le bienfaiteur de son peuple. C’est plutôt la dimension politique et spectaculaire du corps organique du Prince (en tant qu’incarnation fragile du pouvoir ou, au contraire, en tant qu’instrument destiné à faire écran à ses dérives) que l’historien doit observer dans les sources à l’affût de tout anachronisme et de toute démarche excessivement comparatiste. |
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I. La santé du prince, objet d’inquiétudes et de soins Présidence : Danielle van Mal-Maeder |
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15•00–15•30 | David Langslow | Un style pour la santé du prince
Un style pour la santé du princeDavid Langslow, Manchester Ten years ago, I published a short superficial introductory survey of the numerous surviving instances of the epistula in ancient scientific and technical literature, with special reference to medicine (in R. Morello / A. Morrison [eds], Ancient Letters [Oxford 2007], 211–234). In this paper, I propose to investigate further some of the observations and working hypotheses there advanced about medical letters from the expert to the Powerful Man. These observations and working hypothese fall under the following headings : 1. Content, including ostensible purpose, subject matter, length, and degree of technicality ; 2. Relations between sender and recipient, in this case between doctor and Machthaber ; 3. Functions, both stated and ulterior ; and 4. Style. With reference to the last, style, the pseudo-Demetrius (?1st c. BC) writes (para. 234) : “ We sometimes write to cities and kings : give letters of this kind a slightly more elevated style… but not so elevated that the letter turns into a monograph. ” Both distinctions here merit comparison with our surviving letters. Vindicianus may be a particularly promising case study in allowing us to compare a letter to the Emperor with a letter to a junior and with fragments of monographs. |
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15•30–16•00 | Alessia Guardasole | Épeler pour soigner : témoignages sur les traités hologrammatiques à l’époque impériale
Épeler pour soigner : témoignages sur les traités hologrammatiques à l’époque impérialeAlessia Guardasole, Paris Cette étude porte sur Ménécrate, auteur d’un traité hologrammatique dédié sûrement à Tibère : elle propose de faire le point sur ce que l’on sait du traité et de regrouper les remèdes. La source est essentiellement Galien. Le point de départ est le témoignage que fournit ce dernier sur la la commercialisation sauvage des recettes médicales et sur les raisons qui poussaient les médecins à trouver des escamotages. Le point central de l’étude concernera Ménécrate, son traité ?????????? et tout ce qui nous en reste. |
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16•00–16•15 | Discussion | ||
16•15–16•45 | Pause | ||
16•45–17•15 | Véronique Boudon-Millot | De la thériaque pour le prince : Marc Aurèle face à la maladie et aux empoisonnements
De la thériaque pour le prince : Marc Aurèle face à la maladie et aux empoisonnementsVéronique Boudon-Millot, Paris En partant des sources à notre disposition (correspondance de Fronton, écrits de Marc Aurèle, témoignage de Galien, Histoire Auguste…), et en essayant d’évaluer le rôle exact de l’entourage de l’empereur (proches, tropheus, médecins…), l’on analysera le soin que Marc Aurèle accordait à sa santé et à celle des siens, et l’on tentera de préciser le rapport que l’empereur philosophe entretenait avec la maladie et la confiance qu’il accordait à la médecine de son temps. |
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17•15–17•45 | Anne Gangloff | « Les médecins en grand nombre ont tué le roi » : le souci de la santé du prince, d’Auguste aux Sévères
« Les médecins en grand nombre ont tué le roi » : le souci de la santé du prince, d’Auguste aux SévèresAnne Gangloff, Rennes Comment se développe la préoccupation des habitants de l’Empire pour la santé du prince, et comment se traduit-elle ? À quelles manifestations donnent lieu les inquiétudes liées aux problèmes de santé du prince ? Cette étude a pour point de départ les occurrences des termes ualetudo et hygieia dans les textes littéraires et épigraphiques ainsi que sur les monnaies. Elle examine si le souci de la ualetudo (« l’état de santé ») ou de l’hygieia (« bonne santé ») du prince peut apparaître comme un objet d’étude en soi, distinct de la préoccupation plus vaste, bien connue, de la salus principis (« le salut du prince »). L’enjeu est d’analyser l’importance accordée à la santé du prince dans une perspective politique. |
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17•45–18•00 | Discussion | ||
20•15 | Repas |
Mardi 5 juin
Présidence : Michel Aberson | ||
9•00–9•30 | Patricia Gaillard-Seux | Préceptes médicaux et hygiène de vie de l’empereur : « faire » un prince robuste et vertueux ?Préceptes médicaux et hygiène de vie de l’empereur : « faire » un prince robuste et vertueux ?Patricia Gaillard-Seux, Angers Dans son traité Que les moeurs de l’âme sont la conséquence des tempéraments du corps, Galien affirme : « en même temps que nous donnons à notre corps un bon tempérament par les aliments, par les boissons, et aussi par tout ce que nous faisons journellement, nous travaillons pour la bonne disposition de l’âme » (chap. I) ; il soutient que l’on peut apprendre ce qu’il faut boire ou manger pour le progrès de l’âme logique (chap. IX) et que l’action des aliments incite à la vertu (chap. X). Ces considérations médicales, ainsi que le contenu des ouvrages sur la conservation de la santé et sur les facultés des aliments, seront mis en parallèle avec les passages des panégyriques d’empereurs romains et les sources d’époque impériale évoquant le mode de vie et d’alimentation, réel ou idéal, du prince. Nous pourrons voir ainsi comment le discours médical est pris en compte dans la « fabrication » du prince vertueux. |
9•30–9•45 | Discussion | |
II. Symptômes physiques et politique : imaginaire de la santé du prince | ||
9•45–10•15 | Michel Fuchs | Phobies de DomitienPhobies de DomitienMichel Fuchs, Lausanne La fin du règne de Domitien est marquée par les assassinats, les mises à l’écart de hautes personnalités, une ère de suspicion qui va faire de lui l’empereur des martyrs chrétiens après Néron. La critique des textes qui rendent compte de cette évolution, l’étude du contexte dans lequel s’instaure sa damnatio memoriae et la confrontation avec les documents architecturaux, figurés et ornementaux de cette période contribuent à nuancer l’analyse de ce personnage que l’on a traité de tyran tragique. Les tendances paranoïdes voire la paranoïa qui lui ont été attribuées sont-elles véritablement à l’origine des ultimes décisions de Domitien, ou faut-il voir là les conséquences d’un pouvoir autoritaire et la suite inéluctable des effets de cour ? Les règnes de Tibère et de Néron sont à ce titre illustratifs. Cependant, le cas de Domitien est celui qui permet le mieux d’appréhender les conséquences politiques et psychologiques de la domination déifiée. |
10•15–10•45 | Pause | |
10•45–11•15 | Laure Chappuis Sandoz | « Si bene ructavit… » : diagnostics d’un malaise social chez les satiristes impériaux
« Si bene ructavit… » : diagnostics d’un malaise social chez les satiristes impériauxLaure Chappuis Sandoz, Neuchâtel Cette contribution propose d’interroger l’attention que portent les satiristes latins (principalement Perse et Juvénal) aux manifestations du corps (éructations, vomissements, etc.) pour évaluer dans quelle mesure ces évocations servent à poser le diagnostic d’un malaise social – selon la métaphore du corps et des membres –, et dans quelle mesure l’on peut tenter de déceler derrière ces symptômes la figure et le corps de l’empereur déviant (Néron, Domitien), ainsi qu’une critique des dysfonctionnements de la tête de l’État. |
11•15–11•45 | Caroline Husquin | Corps du prince, réputation et postérité :entre politique et pathologiqueCorps du prince, réputation et postérité :entre politique et pathologiqueCaroline Husquin, Lille Des recherches menées dans le cadre de la rédaction de ma thèse de doctorat, qui portait sur les perceptions et les représentations de l’atteinte physique à Rome du Ier siècle avant notre ère au IVe siècle de notre ère, m’ont conduite à envisager les descriptions physiques du corps des empereurs (et notamment de ceux que l’on avait qualifiés de laids, fous ou malades). Au terme de cette étude, il s’est avéré que les sources littéraires ne faisaient pas, la plupart du temps, une description objective du corps du prince ou de ceux qui aspirent à le devenir. Elles reflètent une conception du pouvoir impérial, de ses formes de commémoration et de condamnation de laquelle résulte un « discours impérial » qui n’est pas le produit d’une « idéologie » fabriquée par le palais seul, mais plutôt une forme de dialogue, de négociation entre élites et princes pour une élaboration en partie concertée d’une image de la figure impériale, tout autant physique que morale. Le traitement littéraire du corps du prince se faisait bien souvent à l’aune des relations de celui-ci avec le Sénat, ce qui le soumettait à une instrumentalisation rhétorique, littéraire et esthétique qui en faisait le reflet de la perception de ses pratiques de gouvernement. Le corpus du prince était censé incarner la cité ; à un corps dégradé correspondait une cité viciée, un corps social en piteux état. Ainsi les auteurs ont-ils décrit des princes ayant perdu l’esprit et au physique altéré afin de qualifier leur gestion de l’empire. À l’inverse, un bon prince est dépeint comme beau, et ce, en dépit des affections réelles qui pouvaient le toucher, son corps étant la manifestation physique des vertus qu’il possède. Cette communication se propose de présenter la synthèse de ces travaux en étudiant les mécanismes de la construction d’un discours autour du physique impérial qui n’est pas nécessairement le reflet de sa santé effective mais plutôt de la réception de la politique impériale par les deux premiers ordres de la cité. |
11•45–12•00 | Repas | |
Présidence : Anne Bielman | ||
14•00–14•30 | Audrey Becker | La mauvaise santé du prince et son illégitimité politique du début du IIIe siècle au début du IVe siècleLa mauvaise santé du prince et son illégitimité politique du début du IIIe siècle au début du IVe siècleAudrey Becker, Metz Dans les sources du Haut Empire, la bonne santé des empereurs en ce qu’elle témoignait qu’ils possédaient les vertus nécessaires à prendre soin de leur corps, était la preuve de leur capacité à gérer l’Empire. À l’inverse, la mauvaise santé d’un prince devenait un thème rhétorique participant de la caractérisation du tyran dont la folie était présentée comme une maladie morale ayant des conséquences pour son corps, mais aussi pour le corps social dans son ensemble. En analysant en particulier les descriptions des maladies de Caracalla fournies par Dion Cassius ainsi que celles des affections de Dioclétien et de Galère que proposent Lactance et Eusèbe de Césarée, l’on cherchera à déterminer dans quelle mesure la christianisation de la légitimité impériale a modifié ce discours idéologique sur la mauvaise santé morale et physique des tyrans et, plus largement, le rapport même à la santé des empereurs. |
14•30–15•00 | Matthias Haake | Der « kranke Mann am Tiber » : retrospektive Krankheits- und Gesundheitsdiskurse über Kaiser in der « Krise des 3. Jahrhunderts » bei paganen und christlichen Autoren des 4. Jh.sDer „kranke Mann am Tiber”. : retrospektive Krankheits- und Gesundheitsdiskurse über Kaiser in der « Krise des 3. Jahrhunderts » bei paganen und christlichen Autoren des 4. Jh.sMatthias Haake, Münster Aussagen über den Gesundheitszustand und Krankheitssymptome römischer Herrscher waren in der historiographischen und biographischen Literatur der Kaiserzeit stets auch mit der Bewertung des Kaisers verbunden. Ausgehend von einer vergleichenden Analyse entsprechender Diskurse paganer und christlicher Autoren des 4. Jh.s über ausgewählte boni und mali principes aus der „Soldatenkaiserzeit” soll untersucht werden, wie in der Retrospektive die Zeit zwischen der Herrschaft des Maximinus Thrax und den Tetrarchen verhandelt wurde und welche Faktoren die jeweilige Ausprägung der Darstellung der untersuchten Herrscher bedingten. Neben der Frage nach der Konstruktion der jeweiligen „Kaiserbilder” wird es auch um die Frage gehen, ob anhand der in die Vergangenheit ausgelagerten Auseinandersetzung mit römischen Kaisern Aussagen über die zeitgenössischen Herrscher getroffen werden sollten. |
15•00–15•30 | Jan Meister | Physiognomische Ferndiagnosen : Ernst Müllers Cäsaren-PorträtsPhysiognomische Ferndiagnosen : Ernst Müllers Cäsaren-PorträtsJan Meister, Berlin Zwischen 1914 und 1927 erschien das dreibändige Werk „Cäsaren-Porträts” von Dr. med. Ernst Müller – ein krudes Machwerk, in dem der Autor unter anderem schlechte Fotos von „Irren” aus seiner Heilanstalt mit den Porträts römischer Kaiser vergleicht und daraus physiognomische Ferndiagnosen abzuleiten versucht. Während Müller heute höchstens als Kuriosum Erwähnung findet, scheint er in seiner Zeit (darauf weisen diverse Besprechungen hin) auf ein bereites Publikumsinteresse jenseits der Altertumswissenschaften gestoßen zu sein. Der Beitrag möchte hier ansetzen und Müllers Prämissen in ihrem zeitlichen Kontext verorten und so ein bislang untererforschtes Kapitel zur Wissenschaftsgeschichte rund um die Gesundheit der römischen Kaiser erschließen. |
15•30–15•50 | Discussion | |
15•50–16•10 | Pause | |
16•10–16•40 | Thomas Späth | Remarques conclusives |

À la croisée des médecines grecque et romaine. Contributions à l’histoire d’une greffe scientifique et culturelle
Université de Lausanne – 3-6 novembre 2010
Les textes médicaux latins transmettent des pratiques et des conceptions de l’art médical provenant de Grèce et d’ailleurs. Cette intégration procède par juxtaposition de savoirs, mais aussi par assimilation pour penser et représenter le corps et la maladie. C’est à démêler cet écheveau que les participants à ce colloque sont invités afin de contribuer, dans la tradition de cette série de rencontres internationales centrées sur la littérature médicale d’expression latine, à une meilleure connaissance des sociétés et des cultures de l’Antiquité ainsi que de l’imaginaire antique dont l’art médical révèle diverses facettes et modes de fonctionnement.